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La Curée Elle revint, amena Rozan.

Publié le 11/04/2014

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La Curée Elle revint, amena Rozan. Larsonneau était mis plus correctement que le duc, ganté plus juste, cravaté avec plus d'art. Ils se touchèrent négligemment la main, et parlèrent des courses de l'avant-veille, où un de leurs amis avait eu un cheval battu. Laure piétinait. Voyons, ce n'est pas tout ça, mon chéri, dit-elle à Rozan; le grand Lar a l'argent, tu sais. Il faudrait terminer. Larsonneau parut se souvenir. Ah! oui, c'est vrai, dit-il, j'ai la somme... Mais que vous auriez bien fait de m'écouter, mon bon! Est-ce que ces gueux ne m'ont pas demandé le cinquante pour cent?... Enfin, j'ai accepté quand même, vous m'aviez dit que ça ne faisait rien... Laure d'Aurigny s'était procuré des feuilles de papier timbré dans la journée. Mais quand il fut question d'une plume et d'un encrier, elle regarda les deux hommes d'un air consterné, doutant de trouver chez elle ces objets. Elle voulait aller voir à la cuisine, lorsque Larsonneau tira de sa poche, de la poche où était le drageoir, deux merveilles, un porte-plume en argent, qui s'allongeait à l'aide d'une vis, et un encrier, acier et ébène, d'un fini et d'une délicatesse de bijou. Et, comme Rozan s'asseyait: Faites les billets à mon nom. Vous comprenez, je n'ai pas voulu vous compromettre. Nous nous arrangerons ensemble... Six effets de vingt-cinq mille francs chacun, n'est-ce pas? Laure comptait sur un coin de la table les « chiffons ». Rozan ne les vit même pas. Quand il eut signé et qu'il leva la tête, ils avaient disparu dans la poche de la jeune femme. Mais elle vint à lui, et l'embrassa sur les deux joues, ce qui parut le ravir. Larsonneau les regardait philosophiquement, en pliant les effets, et en remettant l'écritoire et le porte-plume dans sa poche. La jeune femme était encore au cou de Rozan, lorsque Aristide Saccard souleva un coin de la portière: Eh bien, ne vous gênez pas, dit-il en riant. Le duc rougit. Mais Laure alla secouer la main du financier, en échangeant avec lui un clignement d'yeux d'intelligence. Elle était radieuse. C'est fait, mon cher, dit-elle; je vous avais prévenu. Vous ne m'en voulez pas trop? Saccard haussa les épaules d'un air bonhomme. Il écarta la portière et, s'effaçant pour livrer passage à Laure et au duc, il cria, d'une voix glapissante d'huissier: Monsieur le duc, madame la duchesse! Cette plaisanterie eut un succès fou. Le lendemain, les journaux la contèrent, en nommant crûment Laure d'Aurigny, et en désignant les deux hommes par des initiales très transparentes. La rupture d'Aristide Saccard et de la grosse Laure fit plus de bruit encore que leurs prétendues amours. Cependant, Saccard avait laissé retomber la portière sur l'éclat de gaieté que sa plaisanterie avait soulevé dans le salon. Hein! quelle bonne fille! dit-il en se tournant vers Larsonneau. Elle est d'un vice!... C'est vous, gredin, qui devez bénéficier dans tout ceci. Qu'est-ce qu'on vous donne? PARTIE V 115 La Curée Mais il se défendit, avec des sourires; et il tirait ses manchettes qui remontaient. Il vint s'asseoir, près de la porte, sur une causeuse où Saccard l'appelait du geste. Venez là, je ne veux pas vous confesser, que diable!... Aux affaires sérieuses, maintenant, mon bon. J'ai eu, ce soir, une longue conversation avec ma femme... Tout est conclu. Elle consent à céder sa part? demanda Larsonneau. Oui, mais ça n'a pas été sans peine... Les femmes sont d'un entêtement! Vous savez, la mienne avait promis de ne pas vendre à une vieille tante. C'étaient des scrupules à n'en plus finir... Heureusement que j'avais préparé une histoire tout à fait décisive. Il se leva pour allumer un cigare au candélabre que Laure avait laissé sur la table et, revenant s'allonger mollement au fond de la causeuse. - J'ai dit à ma femme, continua-t-il, que vous étiez tout à fait ruiné... Vous avez joué à la Bourse, mangé votre argent avec des filles, tripoté dans de mauvaises spéculations; enfin vous êtes sur le point de faire une faillite épouvantable... J'ai même donné à entendre que je ne vous croyais pas d'une parfaite honnêteté... Alors je lui ai expliqué que l'affaire de Charonne allait sombrer dans votre désastre, et que le mieux serait d'accepter la proposition que vous m'aviez faite de la dégager, en lui achetant sa part, pour un morceau de pain, il est vrai. Ce n'est pas fort, murmura l'agent d'expropriation. Et vous vous imaginez que votre femme va croire de pareilles bourdes? Saccard eut un sourire. Il était dans une heure d'épanchement. Vous êtes naïf, mon cher, reprit-il. Le fond de l'histoire importe peu; ce sont les détails, le geste et l'accent qui sont tout. Appelez Rozan, et je parie que je lui persuade qu'il fait grand jour. Et ma femme n'a guère plus de tête que Rozan... Je lui ai laissé entrevoir des abîmes. Elle ne se doute pas même de l'expropriation prochaine. Comme elle s'étonnait que, en pleine catastrophe, vous pussiez songer à prendre une plus lourde charge, je lui ai dit que sans doute elle vous gênait dans quelque mauvais coup ménagé à vos créanciers... Enfin je lui ai conseillé l'affaire comme l'unique moyen de ne pas se trouver mêlée à des procès interminables et de tirer quelque argent des terrains. Larsonneau continuait à trouver l'histoire un peu brutale. Il était de méthode moins dramatique; chacune de ses opérations se nouait et se dénouait avec des élégances de comédie de salon. Moi., j'aurais imaginé autre chose, dit-il. Enfin, chacun son système... Il ne nous reste alors qu'à payer. C'est à ce sujet, répondit Saccard, que je veux m'entendre avec vous... Demain, je porterai l'acte de cession à ma femme, et elle aura simplement à vous faire remettre cet acte pour toucher le prix convenu... Je préfère éviter toute entrevue. Jamais il n'avait voulu, en effet, que Larsonneau vînt chez eux sur un pied d'intimité. Il ne l'invitait pas, l'accompagnait chez Renée, les jours où il fallait absolument que les deux associés se rencontrassent; cela était arrivé trois fois. Presque toujours, il traitait avec des procurations de sa femme, pensant qu'il était inutile de lui laisser voir ses affaires de trop près. Il ouvrit son portefeuille, en ajoutant: PARTIE V 116

« Mais il se défendit, avec des sourires; et il tirait ses manchettes qui remontaient.

Il vint s'asseoir, près de la porte, sur une causeuse où Saccard l'appelait du geste.

\24 Venez là, je ne veux pas vous confesser, que diable!...

Aux affaires sérieuses, maintenant, mon bon.

J'ai eu, ce soir, une longue conversation avec ma femme...

Tout est conclu.

\24 Elle consent à céder sa part? demanda Larsonneau.

\24 Oui, mais ça n'a pas été sans peine...

Les femmes sont d'un entêtement! Vous savez, la mienne avait promis de ne pas vendre à une vieille tante.

C'étaient des scrupules à n'en plus finir...

Heureusement que j'avais préparé une histoire tout à fait décisive.

Il se leva pour allumer un cigare au candélabre que Laure avait laissé sur la table et, revenant s'allonger mollement au fond de la causeuse.

- J'ai dit à ma femme, continua-t-il, que vous étiez tout à fait ruiné...

Vous avez joué à la Bourse, mangé votre argent avec des filles, tripoté dans de mauvaises spéculations; enfin vous êtes sur le point de faire une faillite épouvantable...

J'ai même donné à entendre que je ne vous croyais pas d'une parfaite honnêteté...

Alors je lui ai expliqué que l'affaire de Charonne allait sombrer dans votre désastre, et que le mieux serait d'accepter la proposition que vous m'aviez faite de la dégager, en lui achetant sa part, pour un morceau de pain, il est vrai.

\24 Ce n'est pas fort, murmura l'agent d'expropriation.

Et vous vous imaginez que votre femme va croire de pareilles bourdes? Saccard eut un sourire.

Il était dans une heure d'épanchement.

\24 Vous êtes naïf, mon cher, reprit-il.

Le fond de l'histoire importe peu; ce sont les détails, le geste et l'accent qui sont tout.

Appelez Rozan, et je parie que je lui persuade qu'il fait grand jour.

Et ma femme n'a guère plus de tête que Rozan...

Je lui ai laissé entrevoir des abîmes.

Elle ne se doute pas même de l'expropriation prochaine.

Comme elle s'étonnait que, en pleine catastrophe, vous pussiez songer à prendre une plus lourde charge, je lui ai dit que sans doute elle vous gênait dans quelque mauvais coup ménagé à vos créanciers... Enfin je lui ai conseillé l'affaire comme l'unique moyen de ne pas se trouver mêlée à des procès interminables et de tirer quelque argent des terrains.

Larsonneau continuait à trouver l'histoire un peu brutale.

Il était de méthode moins dramatique; chacune de ses opérations se nouait et se dénouait avec des élégances de comédie de salon.

\24 Moi., j'aurais imaginé autre chose, dit-il.

Enfin, chacun son système...

Il ne nous reste alors qu'à payer.

\24 C'est à ce sujet, répondit Saccard, que je veux m'entendre avec vous...

Demain, je porterai l'acte de cession à ma femme, et elle aura simplement à vous faire remettre cet acte pour toucher le prix convenu...

Je préfère éviter toute entrevue.

Jamais il n'avait voulu, en effet, que Larsonneau vînt chez eux sur un pied d'intimité.

Il ne l'invitait pas, l'accompagnait chez Renée, les jours où il fallait absolument que les deux associés se rencontrassent; cela était arrivé trois fois.

Presque toujours, il traitait avec des procurations de sa femme, pensant qu'il était inutile de lui laisser voir ses affaires de trop près.

Il ouvrit son portefeuille, en ajoutant: La Curée PARTIE V 116. »

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