La Curée Elle revint, amena Rozan.
Publié le 11/04/2014
Extrait du document
«
Mais il se défendit, avec des sourires; et il tirait ses manchettes qui remontaient.
Il vint s'asseoir, près de la
porte, sur une causeuse où Saccard l'appelait du geste.
\24 Venez là, je ne veux pas vous confesser, que diable!...
Aux affaires sérieuses, maintenant, mon bon.
J'ai eu,
ce soir, une longue conversation avec ma femme...
Tout est conclu.
\24 Elle consent à céder sa part? demanda Larsonneau.
\24 Oui, mais ça n'a pas été sans peine...
Les femmes sont d'un entêtement! Vous savez, la mienne avait promis
de ne pas vendre à une vieille tante.
C'étaient des scrupules à n'en plus finir...
Heureusement que j'avais
préparé une histoire tout à fait décisive.
Il se leva pour allumer un cigare au candélabre que Laure avait laissé sur la table et, revenant s'allonger
mollement au fond de la causeuse.
- J'ai dit à ma femme, continua-t-il, que vous étiez tout à fait ruiné...
Vous avez joué à la Bourse, mangé
votre argent avec des filles, tripoté dans de mauvaises spéculations; enfin vous êtes sur le point de faire une
faillite épouvantable...
J'ai même donné à entendre que je ne vous croyais pas d'une parfaite honnêteté...
Alors
je lui ai expliqué que l'affaire de Charonne allait sombrer dans votre désastre, et que le mieux serait d'accepter
la proposition que vous m'aviez faite de la dégager, en lui achetant sa part, pour un morceau de pain, il est
vrai.
\24 Ce n'est pas fort, murmura l'agent d'expropriation.
Et vous vous imaginez que votre femme va croire de
pareilles bourdes?
Saccard eut un sourire.
Il était dans une heure d'épanchement.
\24 Vous êtes naïf, mon cher, reprit-il.
Le fond de l'histoire importe peu; ce sont les détails, le geste et l'accent
qui sont tout.
Appelez Rozan, et je parie que je lui persuade qu'il fait grand jour.
Et ma femme n'a guère plus
de tête que Rozan...
Je lui ai laissé entrevoir des abîmes.
Elle ne se doute pas même de l'expropriation
prochaine.
Comme elle s'étonnait que, en pleine catastrophe, vous pussiez songer à prendre une plus lourde
charge, je lui ai dit que sans doute elle vous gênait dans quelque mauvais coup ménagé à vos créanciers...
Enfin je lui ai conseillé l'affaire comme l'unique moyen de ne pas se trouver mêlée à des procès interminables
et de tirer quelque argent des terrains.
Larsonneau continuait à trouver l'histoire un peu brutale.
Il était de méthode moins dramatique; chacune de
ses opérations se nouait et se dénouait avec des élégances de comédie de salon.
\24 Moi., j'aurais imaginé autre chose, dit-il.
Enfin, chacun son système...
Il ne nous reste alors qu'à payer.
\24 C'est à ce sujet, répondit Saccard, que je veux m'entendre avec vous...
Demain, je porterai l'acte de cession
à ma femme, et elle aura simplement à vous faire remettre cet acte pour toucher le prix convenu...
Je préfère
éviter toute entrevue.
Jamais il n'avait voulu, en effet, que Larsonneau vînt chez eux sur un pied d'intimité.
Il ne l'invitait pas,
l'accompagnait chez Renée, les jours où il fallait absolument que les deux associés se rencontrassent; cela
était arrivé trois fois.
Presque toujours, il traitait avec des procurations de sa femme, pensant qu'il était inutile
de lui laisser voir ses affaires de trop près.
Il ouvrit son portefeuille, en ajoutant: La Curée
PARTIE V 116.
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