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La Fortune (1696) - (Caractères, ch. VI, Des Biens de fortune.)

Publié le 20/06/2011

Extrait du document

Ce portrait, d'un four oratoire au début, fait songer aux plus beaux passages des Oraisons funèbres de Bossuet. Mais il faut bien y saisir la méthode de La Bruyère : le style n'est si noble, si périodique et si pompeux, que pour amener h la fin une antithèse entre la grandeur de Zénobie et sa ruine. Ni les troubles, Zénobie, qui agitent votre empire, ni la guerre que vous soutenez virilement contre une nation puissante depuis la mort du roi votre époux, ne diminuent rien de votre magnificence : vous avez préféré à toute autre contrée les rives de l'Euphrate pour y élever un superbe édifice ; l'air y est sain et 'tempéré, la situation en est riante ; un bois sacré l'ombrage du côté du couchant ; les dieux de Syrie, qui habitent quelquefois la terre, n'y auraient pu choisir une plus belle demeure; la campagne autour est couverte d'hommes qui taillent et qui coupent, qui vont et qui viennent, qui roulent ou qui charrient le bois du Liban, l'airain et le porphyre ; les grues et les machines gémissent dans l'air, et font espérer à ceux qui voyagent vers l'Arabie de revoir à leur retour en leurs foyers ce palais achevé, et dans cette splendeur où vous désirez de le porter, avant de l'habiter, vous et les princes vos enfants. N'y épargnez rien, grande reine, employez-y l'or et tout l'art des plus excellents ouvriers, que les Phidias et les Zeuxis (4) de votre siècle déploient toute leur science sur vos plafonds et sur vos lambris ; tracez-y de vastes et de délicieux jardins, dont l'enchantement soit tel qu'ils ne paraissent pas faits de la main des hommes; épuisez vos trésors et votre industrie sur cet ouvrage incomparable; et après que vous y aurez mis, Zénobie, la dernière main, quelqu'un de ces pâtres qui habitent les sables voisins de Palmyre, devenu riche par les péages de vos rivières, achètera un jour à deniers comptants cette royale maison pour l'embellir et la rendre plus digne de lui et de sa fortune.

(Caractères, ch. VI, Des Biens de fortune.)

QUESTIONS D'EXAMEN

I. — L'ensemble. — Nature du morceau : un portrait. — Portrait d'une reine qui fait de grandes et éclatantes dépenses, et se ruine. Dans quel lieu nous transporte La Bruyère? .(dire s'il est à cela des raisons); Quelle est la préoccupation dominante de Zénobie? Montrez qu'elle ne néglige rien pour se faire construire une demeure vraiment royale; Ne pouvez-vous pas, en la voyant agir, indiquer les traits saillants de son caractère? (elle est orgueilleuse, — prodigue, — imprévoyante...); Par quelle piquante antithèse se termine le portrait? Dites l'impression que vous laisse la lecture de ce morceau ; Ne pensez-vous pas qu'il y ait eu des Zériobies au temps où vivait La Bruyère, et qu'il y eu ait aussi de nos jours?

II. — L'analyse du morceau. — Distinguez les deux parties du portrait : a) Grandeur de Zénobie : elle se fait construire un magnifique palais ; — b) Sa ruine : un pâtre achète son palais ; Les deux circonstances indiquées au début du morceau (la guerre civile et la guerre étrangère) n'auraient-elles pas dû déterminer Zénobie à restreindre sa magnificence? (bien comprendre la signification du mot magnificence); Montrez la suite naturelle des idées, dans la première partie (depuis : Vous avez préféré d...) : admirable choix de l'emplacement, — prix des matériaux employés ... etc ... ; Quel effet a voulu produire La Bruyère, dans la seconde partie? Quels personnages, rapidement enrichis, achetaient parfois de magnifiques résidences seigneuriales, au XVIIe siècle? La Bruyère n'a-t-il pas dû en être frappé?

III. — Le style; — les expressions. — Quel est le caractère général du style dans la première partie du portrait? (insister sur l'ampleur et le tour oratoire des phrases...) ; Indiquez quelques termes d'ironie dans la seconde partie (Un pâtre, le plus infime des sujets de Zénobie, qui achète son palais pour l'embellir, et le rendre plus digne de lui...); Donnez la signification des expressions suivantes : ouvrage incomparable, péages de vos rivières, — d deniers comptants, — mettre la dernière main à quelque chose.

IV. — La grammaire. — Indiquez les mots de la même famille que magnificence; Trouvez quelques dérivés de or, — de art; Nature et fonction de chacun des mots suivants : N'y épargnez rien, grande reine.

Rédaction. — Faites le portrait d'une lemme prodigue, que vous avez observée dans votre entourage.   

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