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La jeunesse, une réalité sociologique

Publié le 15/02/2012

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Une masse énorme de fous, qui croient que tout est possible, et qui savent qu'Ils ont raison contre tous les mauvais prophètes. Le monde est là, avec ses lois, avec son ordre, avec ses conflits, avec ses valeurs, avec ses activités, et ce monde ils le volent, non pas en juges, mals déjà en producteurs, en innovateurs, en inventeurs.

Car, si cette réalité sociologique de la jeunesse prend une importance numéri·

que croissante, le temps n'est pas loin où elle jouera un rôle spécifique : celui d'accélérateur de l'Histoire, comme masse prête à accepter Immédiatement et à assumer le progrès. ( ... )

Cette jeunesse bâtira-t-elle un monde nouveau, intuitif, sans expérience et sans histoire ?

Ou bien un monde concerté et dynamiquement humain où l'exercice de toutes les facultés et de tous les sens sera ouvert à l'homme ?

Georges FOUCHARD, Maurice DAVRANCHE. Enquête sur la jeunesse. Collect. Idées. NRF. Gallimard.

« La jeunesse, une realite sociologique ratifs scolaires, Ia possession d'une culture qu'ils doivent d'abord a leurmilieu familial.

Ainsi, lorsque par un test ou par un examen on dresse un constat des goats et des connaissances a un moment donne du temps, on coupe en un point determine autant de trajectoires diverses.

De plus, une bonne connaissance du theatre classique n'a pas la name signifi- cation chez des fils de cadressuperieursparisiens, quil'associent a une bonne connaissance du theatre d'avant-garde et marne du theatre de boulevard, et chez les fils d'ouvriers de Lille ou de Clermont-Ferrand qui, connaissant aussi bien le theatre classique, ignorent tout du theatre d'avant-garde ou du theatre de boulevard.

On volt a revidence qu'une culture purement scolaire nest pas seulement une culture partielle ou une partie de la culture, mais une culture inferieure parce que les elements monies qui la composent n'ont pas le sens qu'ils auraient dans un ensemble plus large.

(...)(p.

30 et suivantes). 2) L'ETUDIANT HORS DU TEMPS SOCIAL Sans doute, les etudiants vivent et entendent vivre dansun temps et un espace originaux.

La parenthese ouverte par let etudes les affranchit momentane- ment des rythmes de la vie familiale et professionnelle.

Retrenches dans l'autonomie du temps universitaire, ils echappent plus completement encore que lours professeurs aux horaires de la societe globale, ne connaissant d'autre echeance que le dies irae de l'examen et d'autre horaire que celui des cours, si peu contraignant.

La devotion scolaire a ses pratiquants reguliers et ses pratiquants saisonniers, mais tous, quelle que soft leur assiduite, vivent au rythme de rannee universitaire.

Le seul calendrier impose doit sa structure au cycle des etudes.

Avec ses temps forts, ('effervescence de Ia rentree et Ia febrilite des veilles d'examen, encadrant le long temps faible de la mi-annee, 00 flechit l'assiduite et ou se dissolvent les resolutions initiales.

rannee universitaire scande ('effortscolaire en imam temps que l'aventureintellectuelle, organise ('experience et Ia memoire autour des succes et des echecs et borne lee projets a son horizon limits.

Hors des contraintes qu'impose ce calendrier, it n'y a ni dates ni horaires. La condition d'etudiant permet de briser les cadres temporels de Ia vie sociale ou d'en inverser l'ordonnance.

S'eprouver comme etudiant, c'est d'abord,etpeut-atre avant tout, se sentir libre d'aller au cineman'importe quand et, parconsequent, jamais le dimanche, comme les autres : c'est s'ingenier a affaiblir ou a renverser les grandes oppositions qui structurent imperieusement tant le loisir que ractivite des adultes ; c'est jouer a meconnaitre ('opposition entre le week-end et la semaine, le jour et la nuit, le temps consacre au travail et le temps libre.

Plus generalement, retudiant tend a dissoudre toutes les oppositions qui organisent la vie en la soumet- tent a la contrainte, par exemple celles qui separent le bavardage de la discussion reglee et orientee, laculture libre de laculture imposee, l'exercice scolaire de rceuvre personnelle.

(page 48). Et, de fait, renquate ethnologique decouvre que lesetudiants opposent l'angoisse de l'examen tout un corps de 4 trucs a, magiques et techniques 11 la fois, partie herite des anciens, partie reinvents par chacun,pour maitriser, ou mleux, conjurer les mames menaces.

Dans ce contexte, des procedures en apparence ration- nelles deviennent observances aveugles selon la logique du formalisme magique :les revisions fievreuses des veilles d'examen ne sont pas autre chose bien souvent que rites propitiatoires ; la prise de notes qui ne seront pas relues est une technique de reconfort spirituel plutat que d'accumulation raisonnee.

Ouand on a fini de gratter, on en a marre.

On ne revoit plus les cours ; d'ailleurs c'est illisible a (6tudiante en lettres, 22 ans, Paris, fille de cadre superieur).

On se transmet comme autant de recettes infaillibles l'art de placer sa copie d'examen apres colic d'un cancre reconnu ou de passer au bon moment devant un examinateur.

Une floraison de superstitions, dont on ne retrouverait peut-atre ('equivalent que chez le paysan traditionnel, soumis aux aleas de la nature, ou dans le monde du jeu, entoure les moments perilleux de la vie universitaire :rites de pronostication par lesquels on s'efforce de prevoir le sujet ou Ia note, ex-voto propitiatoires ou d'actions de grace que I'on depose dans les eglises, amulettes ou objets fetiches que Ion apporte avec soilejour de l'examen, tels sont les moyens les plus repandus de forcer la chance.

a Sainte Vierge, merci pour mon examen a ou a je passe mon examen dans une heure, Sainte Vierge, priez pour moi a, telles sont les inscriptions que Ion peut voir en la cathedrale de Poitiers, ville universitaire, soit gravees dans le marbre, soit ecrites a la main sur d'autres ex-voto.

A cote de ceux qui veulent maltriser le hasard par un rituel extra- quotidien, certains, obeissant au principe de reiteration magique, restent fideles aux comportements qui ont deja reussi ou aux objets qui, ayant accompagne cette reussite, en ont recueilli le principe, par exemple le costume ou Ia cravate du dernier examen. Si l'art de a faire des impasses a a bon escient tient une telle place dans les recits d'examens, c'est qu'il constitue Ia demonstration Ia plus eclatante du mana scolaire, Ia reussite attestant l'etendue d'un don assez sur de lui-mame pour ne Hen attendre du travail (page 97). BOURDIEU et PASSERON - Les Heritiers - Ed.

de Minuit (1964). La jeunesse, une réalité sociologique ratlfs scolaires.

la possession d'une culture qu'ils doivent d'abord à leur milleu familial.

Ainsi, lorsque par un test ou par un examen on dresse un constat des goOts et des connaissances à un moment donné du temps, on coupe en un point déterminé autant de trajectoires diverses.

De plus, une bonne connaissance du théâtre classique n'a pas la même signifi­ cation chez des fils de cadres supérieurs parisiens, qui l'associent à une bonne connaissance du théâtre d'avant-garde et même du théâtre de boulevard, et chez les fils d'ouvriers de Lille ou de Clermont-Ferrand qui, connaissant aussi bien le théâtr~ classique, ignorent tout du théâtre d'avant-garde ou du théâtre de boulevard.

On volt à l'évidence qu'une culture purement scolaire n'est pas seulement une culture partielle ou une partie de la culture, mais une culture inférieure parce que les éléments mêmes qui la composent n'ont pas le sens qu'ils auraient dans un ensemble plus large.

( ...

) (p.

30 et suivantes).

2) L'ETUDIANT HORS DU TEMPS SOCIAL Sans doute, les étudiants vivent et entendent vivre dans un temps et un espace originaux.

La parenthèse ouverte par les études les affranchit momentané­ ment des rythmes de la vie familiale et professionnelle.

Retranchés dans l'autonomie du temps universitaire, ils échappent plus complètement encore que leurs professeurs aux horaires de la société globale, ne connaissant d'autre échéance que le dies Irae de l'examen et d'autre horaire que celui des cours.

si peu contraignant.

La dévotion scolaire a ses pratiquants réguliers et ses pratiquants saisonniers, mais tous, quelle que soit leur assiduité, vivent au rythme de l'année universitaire.

Le seul calendrier Imposé doit sa structure au cycle des études.

Avec ses temps forts, l'effervescence de la rentrée et la fébrilité des veilles d'examen, encadrant le long temps faible de la mi-année, où fléchit l'assiduité et où se dissolvent les résolutions initiales.

l'année universitaire scande l'effort scolaire en même temps que l'aventure Intellectuelle, organise l'expérience et la mémoire autour des succès et des échecs et borne let' projets à son horizon limité.

Hors des contraintes qu'impose ce calendrier, il n'y a ni dates ni horaires.

La condition d'étudiant permet de briser les cadres temporels de la vie sociale ou d'en inverser l'ordonnance.

S'éprouver comme étudiant, c'est d'abord, et peut-être avant tout, se sentir libre d'aller au cinéma n'Importe quand et, par conséquent, { amais le dimanche, comme les autres : c'est s'ingénier à affaiblir ou à renverser es grandes oppositions qui structurent Impérieusement tant le loisir que l'activité des adultes; c'est jouer à méconnaitre l'opposition entre le week-end et la semaine, le jour et la nuit, le temps consacré au travail et le temps libre.

Plus généralement, l'étudiant tend à dissoudre toutes les oppositions qui organisent la vie en la soumet­ tant à la contrainte, par exemple celles qui séparent le bavardage de la discussion réglée et orientée, la culture libre de la cu,lture imposée, l'exercice scolaire de l'œuvre personnelle.

(page 48).

Et, de fait, l'enquête ethnologique découvre que les étudiants opposent à l'angoisse de l'examen tout un corps de • trucs •, magiques et techniques à la fois, partie hérité des anciens, partie réinventé par chacun, pour maitriser, ou mieux, conjurer les mêmes menaces.

Dans ce contexte, des procédures en apparence ration­ nelles deviennent observances aveugles selon la logique du formalisme magique : les révisions fiévreuses des veilles d'examen ne sont pas autre chose bien souvent que rites propitiatoires ; la prise de notes qui ne seront pas relues est une technique de réconfort spirituel plutôt que d'accumulation raisonnée.

• Quand on a fini de gratter, on en a marre.

On ne revoit plus les cours ; d'ailleurs c'est Illisible • (étudiante ~n lettres, 22 ans, Paris, fille de cadre supérieur).

On se transmet comme autant de recettes Infaillibles l'art de placer sa copie d'examen après celle d'un cancre reconnu ou de passer au bon moment d~vant un ex~mlnateur.

Une floraison de superstitions, dont on ne retrouverait peut-être l'équivalent que chez le paysan traditionnel, soumis aux aléas de la nature, ou dans le monde du jeu, entoure les moments périlleux de la vie universitaire : rites de pronosticatlon par lesquels on s'efforce de prévoir le sujet ou la note, ex-voto propitiatoires ou d'actions de grâce que l'on dépose dans les églises, amulettes ou objets fétiches que l'on apporte avec sol le jour de l'examen, tels sont les moyens les plus répandus de forcer la chance .• Sainte Vierge, merci pour mon examen • ou • je passe mon examen dans une heure, Sainte Vierge, priez pour mol •, telles sont les inscriptions que l'on peut voir en la cathédrale de Poitiers, ville universitaire, soit gravées dans le marbre, soit écrites à la main sur d'autres ex-voto.

A côté de ceux qui veulent maitriser le hasard par un rituel extra­ quotidien, certains, obéissant au principe de réitération magique, restent fidèles aux comportements qui ont déjà réussi ou aux objets qui, ayant accompagné cette réussite, en ont recueilli le principe, par exemple le costume ou la cravate du dernier examen.

Si l'art de • faire des impasses • à bon escient tient une telle place dans les récits d'examens, c'est qu'il constitue la démonstration la plus éclatante du mana scolaire la réussite attestant l'étendue d'un don assez sûr de lui-même pour ne rien attendre du travail (page 97).

BOURDIEU et PASSERON -Les Héritiers - Ed.

de Minuit (1964).. »

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