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La révolution microphysique

Publié le 12/06/2011

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« Il y a des phénomènes qui peuvent être expliqués par la théorie des quanta, mais non par la théorie ondulatoire. L'effet photoélectrique en fournit un exemple, mais on connaît d'autres faits de ce genre. Il y a, d'autre part, des phénomènes qui peuvent être expliqués par la théorie ondulatoire, mais non par celle des quanta. L'infléchissement de la lumière autour d'obstacles en est un exemple typique. Il y a, enfin, des phénomènes, tel que celui de la propagation rectiligne de la lumière, qui peuvent être également bien expliqués par l'une et l'autre théories. « Mais la lumière, qu'est-elle réellement ? Estelle une onde ou une pluie de photons ? [...] Il ne paraît pas probable qu'on puisse faire une description cohérente des phénomènes de la lumière en employant uniquement l'un des deux langages possibles. Parfois nous sommes obligés de nous servir de l'une de ces théories, parfois de l'autre, et nous pouvons, par moment, employer les deux à la fois. Nous nous trouvons en face d'une difficulté d'un genre nouveau. Nous avons deux images contradictoires de la réalité ; aucune, prise séparément, n'explique pleinement les phénomènes de la lumière mais ensemble elles arrivent à le faire. «

Albert EINSTEIN, L'Évolution des idées en physique, Flammarion.

« Depuis le XVIIe siècle, l'admirable précision des prévisions de l'astronomie mathématique, la rigueur des lois découvertes par la mécanique et la physique avaient démontré qu'à l'échelle céleste et à l'échelle humaine, tout se passe comme si l'hypothèse du déterminisme universel était exacte. Amenés à supposer qu'à une échelle infiniment plus petite, qui échappe totalement à nos sens, la matière et l'électricité ont une structure atomique, les physiciens du siècle dernier ont admis d'emblée, presque sans se douter qu'ils accomplissaient ainsi une extrapolation bien hardie, que les particules élémentaires de matière et d'électricité obéissaient, elles aussi, à des lois inflexibles. Allant plus loin, ils ont même postulé que les lois mécaniques et électromagnétiques du monde atomique étaient identiques à celles que nous constatons pour les corps macroscopiques. [...] « La découverte des phénomènes quantiques et l'examen des conséquences théoriques de ces découvertes nous ont amenés depuis à une révision complète de toutes ces conceptions. [...] « L'une des conséquences les plus curieuses du développement des théories quantiques a été de nous révéler que les entités élémentaires de la matière ne sont pas entièrement assimilables à des corpuscules conçus à la façon classique : pour décrire et prévoir la manière dont ils peuvent se manifester à nous il faut invoquer tour à tour l'image des ondes et celle des corpuscules, sans qu'aucune de ces deux images soit à elle seule suffisante pour en obtenir une description complète. De cette dualité de nature des entités élémentaires que nous envisagions auparavant comme de simples corpuscules ponctuels, la théorie quantique actuelle déduit que leur évolution ne peut être réglée par un déterminisme rigoureux, tout au moins par un déterminisme que nous puissions atteindre et préciser : toujours subsistent dans nos connaissances à leur égard des "incertitudes" essentielles que nous n'avons aucun moyen d'éliminer. Cela ne veut pas dire cependant que nous ne puissions faire aucune prévision pour les phénomènes de l'échelle microscopique, mais les seules prévisions qui nous soient permises sont de nature statistique et s'énoncent dans un langage de probabilité. Nous ne pouvons plus désormais dire "à tel instant, tel électron se trouvera en tel endroit", mais seulement "à tel instant il y aura telle probabilité pour qu'un électron se trouve à tel ou tel endroit". C'est seulement à l'échelle macroscopique, quand nous avons affaire à des corps lourds (par rapport aux corpuscules élémentaires) que les notions classiques de la mécanique, telles que position, vitesse, trajectoire, mouvement rigoureusement prévisible au cours du temps, redeviendront très approximativement valables. Les lois de la mécanique cessent ainsi d'être applicables aux phénomènes élémentaires et doivent céder le pas à des lois statistiques. C'est seulement quand nous observons, avec une précision nécessairement limitée, des phénomènes à grande échelle que nous pouvons avoir l'illusion qu'il existe des lois mécaniques rigoureuses impliquant un déterminisme absolu. «

Louis de BROGLIE, Physique et microphysique, Albin Michel.

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