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La rotisserie de la Reine Pedauque me jurai, devant ces Égyptiens aux longs yeux noirs qui m'entouraient, de mieux fermer à l'avenir mon âme aux mensonges des cabbalistes.

Publié le 11/04/2014

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La rotisserie de la Reine Pedauque me jurai, devant ces Égyptiens aux longs yeux noirs qui m'entouraient, de mieux fermer à l'avenir mon âme aux mensonges des cabbalistes. Je reconnus une fois de plus la sagesse de mon bon maître, et je résolus, à son exemple, de me conduire par la raison dans toutes les affaires qui n'intéressent pas la foi chrétienne et catholique. Attendre la visite d'une dame salamandre, quelle simplicité! Est-il possible qu'il soit des Salamandres? Mais qu'en sait-on, et "pourquoi pas"? Le temps, déjà lourd depuis midi, devenait accablant. Engourdi par de longs jours tranquilles et reclus, je sentais un poids sur mon front et sur mes paupières. L'approche de l'orage acheva de m'appesantir. Je laissai tomber mes bras et, la tête renversée, les yeux clos, je glissai dans un demi-sommeil plein d'Égyptiens d'or et d'ombres lascives. Cet état incertain, pendant lequel le sens de l'amour vivait seul en moi comme un feu dans la nuit, durait depuis un temps que je ne puis dire, quand je fus réveillé par un bruit léger de pas et d'étoffes froissées, j'ouvris les yeux et poussai un grand cri. Une merveilleuse créature était debout devant moi, en robe de satin noir, coiffée de dentelle, brune avec des yeux bleus, les traits fermes dans une chair jeune et pure, les joues rondes et la bouche animée par un invisible baiser. Sa robe courte laissait voir des pieds petits, hardis, gais et spirituels. Elle se tenait droite, ronde, un peu ramassée dans sa perfection voluptueuse. On voyait, sous le ruban de velours passé à son cou, un carré de gorge brune et pourtant éclatante. Elle me regardait avec un air de curiosité. J'ai dit que mon sommeil m'avait excité à l'amour. Je me levai, je m'élançai. --Excusez-moi, me dit-elle, je cherchais M. d'Astarac. Je lui dis: --Madame, il n'y a pas de M. d'Astarac. Il y a vous et moi. Je vous attendais. Vous êtes ma Salamandre. J'ai ouvert le flacon de cristal. Vous êtes venue, vous êtes à moi. Je la pris dans mes bras et couvris de baisers tout ce que mes lèvres purent trouver de chair au bord des habits. Elle se dégagea et me dit: --Vous êtes fou. --C'est bien naturel, lui répondis-je. Qui ne le serait à ma place? Elle baissa les yeux, rougit et sourit. Je me jetai à ses pieds. --Puisque M. d'Astarac n'est pas ici, dit-elle, je n'ai qu'à me retirer. --Restez, m'écriai-je, en poussant le verrou. Elle me demanda: --Savez-vous s'il reviendra bientôt? --Non! madame, il ne reviendra point de longtemps. Il m'a laissé seul avec les Salamandres. Je n'en veux qu'une, et c'est vous. Je la pris dans mes bras, je la portai sur le sopha, j'y tombai avec elle, je la couvris de baisers. Je ne me connaissais plus. Elle criait, je ne l'entendais point. Ses paumes ouvertes me repoussaient, ses ongles me La rotisserie de la Reine Pedauque 47 La rotisserie de la Reine Pedauque griffaient, et ces vaines défenses irritaient mes désirs. Je la pressais, je l'enveloppais, renversée et défaite. Son corps amolli céda, elle ferma les yeux; je sentis bientôt, dans mon triomphe, ses beaux bras réconciliés me serrer contre elle. Puis déliés, hélas! de cette étreinte délicieuse, nous nous regardâmes tous deux avec surprise. Occupée à renaître avec décence, elle arrangeait ses jupes et se taisait. --Je vous aime, lui dis-je. Comment vous appelez-vous? Je ne pensais pas qu'elle fût une Salamandre et, à vrai dire, je ne l'avais pas cru véritablement. --Je me nomme Jahel, me dit-elle. --Quoi! vous êtes la nièce de Mosaïde? --Oui, mais taisez-vous. S'il savait ... --Que ferait-il? --Oh! à moi, rien du tout. Mais à vous beaucoup de mal. Il n'aime pas les chrétiens. --Et vous? --Oh! moi, je n'aime pas les juifs. --Jahel, m'aimez-vous un peu? --Mais il me semble, monsieur, qu'après ce que nous venons de nous dire, votre question est une offense. --Il est vrai, mademoiselle, mais je tâche de me faire pardonner une vivacité, une ardeur, qui n'avaient pas pris soin de consulter vos sentiments. --Oh! monsieur, ne vous faites pas plus coupable que vous n'êtes. Toute votre violence et toutes vos ardeurs ne vous auraient servi de rien si vous ne m'aviez pas plu. Tout à l'heure, en vous voyant endormi dans ce fauteuil, je vous ai trouvé du mérite, j'ai attendu votre réveil, et vous savez le reste. Je lui répondis par un baiser. Elle me le rendit. Quel baiser! Je crus sentir des fraises des bois se fondre dans ma bouche. Mes désirs se ranimèrent et je la pressai ardemment sur mon cour. --Cette fois, me dit-elle, soyez moins emporté, et ne pensez pas qu'à vous. Il ne faut pas être égoïste en amour. C'est ce que les jeunes gens ne savent pas assez. Mais on les forme. Nous nous plongeâmes dans l'abîme des délices. Après quoi, la divine Jahel me dit: --Avez-vous un peigne? Je suis faite comme une sorcière. --Jahel, lui répondis-je, je n'ai point de peigne; j'attendais une Salamandre. Je vous adore. --Adorez-moi, mon ami, mais soyez discret. Vous ne connaissez pas Mosaïde. --Quoi! Jahel! est-il donc si terrible à cent trente ans, dont il passa soixante-quinze dans une pyramide? La rotisserie de la Reine Pedauque 48

« griffaient, et ces vaines défenses irritaient mes désirs.

Je la pressais, je l'enveloppais, renversée et défaite.

Son corps amolli céda, elle ferma les yeux; je sentis bientôt, dans mon triomphe, ses beaux bras réconciliés me serrer contre elle. Puis déliés, hélas! de cette étreinte délicieuse, nous nous regardâmes tous deux avec surprise.

Occupée à renaître avec décence, elle arrangeait ses jupes et se taisait. —Je vous aime, lui dis-je.

Comment vous appelez-vous? Je ne pensais pas qu'elle fût une Salamandre et, à vrai dire, je ne l'avais pas cru véritablement. —Je me nomme Jahel, me dit-elle. —Quoi! vous êtes la nièce de Mosaïde? —Oui, mais taisez-vous.

S'il savait ... —Que ferait-il? —Oh! à moi, rien du tout.

Mais à vous beaucoup de mal.

Il n'aime pas les chrétiens. —Et vous? —Oh! moi, je n'aime pas les juifs. —Jahel, m'aimez-vous un peu? —Mais il me semble, monsieur, qu'après ce que nous venons de nous dire, votre question est une offense. —Il est vrai, mademoiselle, mais je tâche de me faire pardonner une vivacité, une ardeur, qui n'avaient pas pris soin de consulter vos sentiments. —Oh! monsieur, ne vous faites pas plus coupable que vous n'êtes.

Toute votre violence et toutes vos ardeurs ne vous auraient servi de rien si vous ne m'aviez pas plu.

Tout à l'heure, en vous voyant endormi dans ce fauteuil, je vous ai trouvé du mérite, j'ai attendu votre réveil, et vous savez le reste. Je lui répondis par un baiser.

Elle me le rendit.

Quel baiser! Je crus sentir des fraises des bois se fondre dans ma bouche.

Mes désirs se ranimèrent et je la pressai ardemment sur mon cour. —Cette fois, me dit-elle, soyez moins emporté, et ne pensez pas qu'à vous.

Il ne faut pas être égoïste en amour.

C'est ce que les jeunes gens ne savent pas assez.

Mais on les forme. Nous nous plongeâmes dans l'abîme des délices.

Après quoi, la divine Jahel me dit: —Avez-vous un peigne? Je suis faite comme une sorcière. —Jahel, lui répondis-je, je n'ai point de peigne; j'attendais une Salamandre.

Je vous adore. —Adorez-moi, mon ami, mais soyez discret.

Vous ne connaissez pas Mosaïde. —Quoi! Jahel! est-il donc si terrible à cent trente ans, dont il passa soixante-quinze dans une pyramide? La rotisserie de la Reine Pedauque La rotisserie de la Reine Pedauque 48. »

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