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La tentation de Saint Antoine Elle dit: Ah!

Publié le 11/04/2014

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La tentation de Saint Antoine Elle dit: Ah! bel ermite! bel ermite! mon coeur defaille! A force de pietiner d'impatience il m'est venu des calus au talon, et j'ai casse un de mes ongles! J'envoyais des bergers qui restaient sur les montagnes la main etendue devant les yeux, et des chasseurs qui criaient ton nom dans les bois, et des espions qui parcouraient toutes les routes en disant a chaque passant: "L'avez-vous vu?" La nuit, je pleurais, le visage tourne vers le muraille. Mes larmes, a la longue, ont fait deux petits trous dans la mosaique, comme des flaques d'eau de mer dans les rochers, car, je t'aime! Oh! oui! beaucoup! Elle lui prend la barbe. Ris donc, bel ermite! ris donc! Je suis tres-gaie, tu verras! Je pince de la lyre, je danse comme une abeille, et je sais une foule d'histoires a raconter toutes plus divertissantes les unes que les autres. Tu n'imagines pas la longue route que nous avons faite. Voila les onagres des courriers verts qui sont morts de fatigue! Les onagres sont etendus par terre, sans mouvement. Depuis trois grandes lunes, ils ont couru d'un train egal, avec un caillou dans les dents pour couper le vent, la queue toujours droite, le jarret toujours plie, et galopant toujours. On n'en retrouvera pas de pareils! Ils me venaient de mon grand-pere maternel, l'empereur Saharil, fils d'Iakhschab, fils d'Iaarab, fils de Kastan. Ah! s'ils vivaient encore nous les attellerions a une litiere pour nous en retourner vite a la maison! Mais ... comment?... a quoi songes-tu? Elle l'examine. Ah! quand tu seras mon mari, je t'habillerai, je te parfumerai, je t'epilerai. Antoine reste immobile, plus roide qu'un pieu, pale comme un mort. Tu as l'air triste; est-ce de quitter ta cabane? Moi, j'ai tout quitte pour toi,--jusqu'au roi Salomon, qui a cependant beaucoup de sagesse, vingt mille chariots de guerre, et une belle barbe! Je t'ai apporte mes cadeaux de noces. Choisis. Elle se promene entre les rangees d'esclaves et les marchandises. Voici du baume de Genezareth, de l'encens du cap Gardefan, du ladanon, du cinnamone, et du silphium, bon a mettre dans les sauces. Il y a la-dedans des broderies d'Assur, des ivoires du Gange, de la pourpre d'Elisa; et cette boite de neige contient une outre de chalibon, vin reserve pour les rois d'Assyrie,--et qui se boit pur dans une corne de licorne. Voila des colliers, des agrafes, des filets, des parasols, de la poudre d'or de Baasa, du cassiteros de Tartessus, du bois bleu de Pandio, des fourrures blanches d'Issedonie, des escarboucles de l'ile Palaesimonde, et des cure-dents faits avec les poils du tachas,--animal perdu qui se trouve sous la terre. Ces coussins sont d'Emath, et ces franges a manteau de Palmyre. Sur ce tapis de Babylone, il y a ... mais viens donc! Viens donc! Elle tire saint Antoine par la manche. Il resiste. Elle continue: II. 17 La tentation de Saint Antoine Ce tissu mince, qui craque sous les doigts avec un bruit d'etincelles, est la fameuse toile jaune apportee par les marchands de la Bactriane. Il leur faut quarante-trois interpretes dans leur voyage. Je t'en ferai faire des robes, que tu mettras a la maison. Poussez les crochets de l'etui en sycomore, et donnez-moi la cassette d'ivoire qui est au garrot de mon elephant! On retire d'une boite quelque chose de rond couvert d'un voile, et l'on apporte un petit coffret charge de ciselures. Veux-tu le bouclier de Dgian-ben-Dgian, celui qui a bati les Pyramides? le voila! Il est compose de sept peaux de dragon mises l'une sur l'autre, jointes par des vis de diamant, et qui ont ete tannees dans de la bile de parricide. Il represente, d'un cote, toutes les guerres qui ont eu lieu depuis l'invention des armes, et, de l'autre, toutes les guerres qui auront lieu jusqu'a la fin du monde. La foudre rebondit dessus, comme une balle de liege. Je vais le passer a ton bras, et tu le porteras a la chasse. Mais si tu savais ce que j'ai dans ma petite boite! Retourne-la, tache de l'ouvrir! Personne n'y parviendrait; embrasse-moi; je te le dirai. Elle prend saint Antoine par les deux joues; il la repousse a bras tendus. C'etait une nuit que le roi Salomon perdait la tete. Enfin nous conclumes un marche. Il se leva, et sortant a pas de loup ... Elle fait une pirouette. Ah! ah! bel ermite! tu ne le sauras pas! tu ne le sauras pas! Elle secoue son parasol, dont toutes les clochettes tintent. Et j'ai bien d'autres choses encore, va! J'ai des tresors enfermes dans des galeries ou l'on se perd comme dans un bois. J'ai des palais d'ete en treillage de roseaux, et des palais d'hiver en marbre noir. Au milieu de lacs grands comme des mers, j'ai des iles rondes comme des pieces d'argent, toutes couvertes de nacre, et dont les rivages font de la musique, au battement des flots tiedes qui se roulent sur le sable. Les esclaves de mes cuisines prennent des oiseaux dans mes volieres, et pechent le poisson dans mes viviers. J'ai des graveurs continuellement assis pour creuser mon portrait sur des pierres dures, des fondeurs haletants qui coulent mes statues, des parfumeurs qui melent le suc des plantes a des vinaigres et battent des pates. J'ai des couturieres qui me coupent des etoffes, des orfevres qui me travaillent des bijoux, des coiffeuses qui sont a me chercher des coiffures, et des peintres attentifs, versant sur mes lambris des resines bouillantes, qu'ils refroidissent avec des eventails. J'ai des suivantes de quoi faire un harem, des eunuques de quoi faire une armee. J'ai des armees, j'ai des peuples! J'ai dans mon vestibule une garde de nains portant sur le dos des trompes d'ivoire. Antoine soupire. J'ai des attelages de gazelles, des quadriges d'elephants, des couples de chameaux par centaines, et des cavales a criniere si longue que leurs pieds y entrent quand elles galopent, et des troupeaux a cornes si larges que l'on abat les bois devant eux quand ils paturent. J'ai des girafes qui se promenent dans mes jardins, et qui avancent leur tete sur le bord de mon toit, quand je prends l'air apres diner. Assise dans une coquille, et trainee par les dauphins, je me promene dans les grottes ecoutant tomber l'eau des stalactites. Je vais au pays des diamants, ou les magiciens mes amis me laissent choisir les plus beaux; puis je II. 18

« Ce tissu mince, qui craque sous les doigts avec un bruit d'etincelles, est la fameuse toile jaune apportee par les marchands de la Bactriane.

Il leur faut quarante-trois interpretes dans leur voyage.

Je t'en ferai faire des robes, que tu mettras a la maison. Poussez les crochets de l'etui en sycomore, et donnez-moi la cassette d'ivoire qui est au garrot de mon elephant! On retire d'une boite quelque chose de rond couvert d'un voile, et l'on apporte un petit coffret charge de ciselures. Veux-tu le bouclier de Dgian-ben-Dgian, celui qui a bati les Pyramides? le voila! Il est compose de sept peaux de dragon mises l'une sur l'autre, jointes par des vis de diamant, et qui ont ete tannees dans de la bile de parricide.

Il represente, d'un cote, toutes les guerres qui ont eu lieu depuis l'invention des armes, et, de l'autre, toutes les guerres qui auront lieu jusqu'a la fin du monde.

La foudre rebondit dessus, comme une balle de liege.

Je vais le passer a ton bras, et tu le porteras a la chasse. Mais si tu savais ce que j'ai dans ma petite boite! Retourne-la, tache de l'ouvrir! Personne n'y parviendrait; embrasse-moi; je te le dirai. Elle prend saint Antoine par les deux joues; il la repousse a bras tendus. C'etait une nuit que le roi Salomon perdait la tete.

Enfin nous conclumes un marche.

Il se leva, et sortant a pas de loup ... Elle fait une pirouette. Ah! ah! bel ermite! tu ne le sauras pas! tu ne le sauras pas! Elle secoue son parasol, dont toutes les clochettes tintent. Et j'ai bien d'autres choses encore, va! J'ai des tresors enfermes dans des galeries ou l'on se perd comme dans un bois.

J'ai des palais d'ete en treillage de roseaux, et des palais d'hiver en marbre noir.

Au milieu de lacs grands comme des mers, j'ai des iles rondes comme des pieces d'argent, toutes couvertes de nacre, et dont les rivages font de la musique, au battement des flots tiedes qui se roulent sur le sable.

Les esclaves de mes cuisines prennent des oiseaux dans mes volieres, et pechent le poisson dans mes viviers.

J'ai des graveurs continuellement assis pour creuser mon portrait sur des pierres dures, des fondeurs haletants qui coulent mes statues, des parfumeurs qui melent le suc des plantes a des vinaigres et battent des pates.

J'ai des couturieres qui me coupent des etoffes, des orfevres qui me travaillent des bijoux, des coiffeuses qui sont a me chercher des coiffures, et des peintres attentifs, versant sur mes lambris des resines bouillantes, qu'ils refroidissent avec des eventails.

J'ai des suivantes de quoi faire un harem, des eunuques de quoi faire une armee.

J'ai des armees, j'ai des peuples! J'ai dans mon vestibule une garde de nains portant sur le dos des trompes d'ivoire. Antoine soupire. J'ai des attelages de gazelles, des quadriges d'elephants, des couples de chameaux par centaines, et des cavales a criniere si longue que leurs pieds y entrent quand elles galopent, et des troupeaux a cornes si larges que l'on abat les bois devant eux quand ils paturent.

J'ai des girafes qui se promenent dans mes jardins, et qui avancent leur tete sur le bord de mon toit, quand je prends l'air apres diner. Assise dans une coquille, et trainee par les dauphins, je me promene dans les grottes ecoutant tomber l'eau des stalactites.

Je vais au pays des diamants, ou les magiciens mes amis me laissent choisir les plus beaux; puis je La tentation de Saint Antoine II.

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