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La tentation de Saint Antoine Ils les ouvre.

Publié le 11/04/2014

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La tentation de Saint Antoine Ils les ouvre. Mais des tenebres l'enveloppent. Bientot elles s'eclairassent; et il distingue une plaine aride et mamelonneuse, comme on en voit autour des carrieres abandonnees. Ca et la, un bouquet d'arbustes se leve parmi des dalles a ras du sol; et des formes blanches, plus indecises que des nuages, sont penchees sur elles. Il en arrive d'autres, legerement. Des yeux brillent dans la fente des longs voiles. A la nonchalance de leurs pas et aux parfums qui s'exhalent, Antoine reconnait des patriciennes. Il y a aussi des hommes, mais de condition inferieure, car ils ont des visages a la fois naifs et grossiers. UNE D'ELLES en respirant largement: Ah! comme c'est bon l'air de la nuit froide, au milieu des sepulcres! Je suis si fatiguee de la mollesse des lits, du fracas des jours, de la pesanteur du soleil! Sa servante retire d'un sac en toile une torche qu'elle enflamme. Les fideles y allument d'autres torches, et vont les planter sur les tombeaux. UNE FEMME haletante: Ah! enfin, me voila! Mais quel ennui que d'avoir epouse un idolatre! UNE AUTRE Les visites dans les prisons, les entretiens avec nos freres, tout est suspect a nos maris!--et meme il faut nous cacher quand nous faisons le signe de la croix; ils prendraient cela pour une conjuration magique. UNE AUTRE Avec le mien, c'etait tous les jours des querelles; je ne voulais pas me soumettre aux abus qu'il exigeait de mon corps;--et afin de se venger, il m'a fait poursuivre comme chretienne. UNE AUTRE Vous rappelez-vous, Lucius, ce jeune homme si beau, qu'on a traine par les talons derriere un char, comme Hector, depuis la porte Esquileenne jusqu'aux montagnes de Tibur;--et des deux cotes du chemin le sang tachetait les buissons! J'en ai recueilli les gouttes. Le voila! Elle tire de sa poitrine une eponge toute noire, la couvre de baisers, puis se jette sur les dalles, en criant: Ah! mon ami! mon ami! UN HOMME IV 47 La tentation de Saint Antoine Il y a juste aujourd'hui trois ans qu'est morte Domitilla. Elle fut lapidee au fond du bois de Proserpine. J'ai recueilli ses os qui brillaient comme des lucioles dans les herbes. La terre maintenant les recouvre! Il se jette sur un tombeau. O ma fiancee! ma fiancee! ET TOUS LES AUTRES par la plaine: O ma soeur! o mon frere! o ma fille! o ma mere! Ils sont a genoux, le front dans les mains, ou le corps tout a plat, les deux bras etendus;--et les sanglots qu'ils retiennent soulevent leur poitrine a la briser. Ils regardent le ciel en disant: Aie pitie de son ame, o mon Dieu! Elle languit au sejour des ombres; daigne l'admettre dans la Resurrection, pour qu'elle jouisse de ta lumiere! Ou, l'oeil fixe sur les dalles, ils murmurent: Apaise-toi, ne souffre plus! Je t'ai apporte du vin, des viandes! UNE VEUVE Voici du pultis, fait par moi, selon son gout, avec beaucoup d'oeufs et double mesure de farine! Nous allons le manger ensemble, comme autrefois, n'est-ce pas? Elle en porte un peu a ses levres; et, tout a coup, se met a rire d'une facon extravagante, frenetique. Les autres, comme elle, grignotent quelque morceau, boivent une gorgee. Ils se racontent les histoires de leurs martyres; la douleur s'exalte, les libations redoublent. Leurs yeux noyes de larmes se fixent les uns sur les autres. Ils balbutient d'ivresse et de desolation; peu a peu, leurs mains se touchent, leurs levres s'unissent, les voiles s'entr'ouvrent, et ils se melent sur les tombes entre les coupes et les flambeaux. Le ciel commence a blanchir. Le brouillard mouille leurs vetements;--et, sans avoir l'air de se connaitre, ils s'eloignent les uns des autres par des chemins differents, dans la campagne. Le soleil brille; les herbes ont grandi, la plaine s'est transformee. Et Antoine voit nettement a travers des bambous une foret de colonnes, d'un gris bleuatre. Ce sont des troncs d'arbres provenant d'un seul tronc. De chacune de ses branches descendent d'autres branches qui s'enfoncent dans le sol; et l'ensemble de toutes ces lignes horizontales et perpendiculaires, indefiniment multipliees, ressemblerait a une charpente monstrueuse, si elles n'avaient une petite figue de place en place, avec un feuillage noiratre, comme celui du sycomore. Il distingue dans leurs enfourchures des grappes de fleurs jaunes, des fleurs violettes et des fougeres, pareilles a des plumes d'oiseaux. IV 48

« Il y a juste aujourd'hui trois ans qu'est morte Domitilla.

Elle fut lapidee au fond du bois de Proserpine.

J'ai recueilli ses os qui brillaient comme des lucioles dans les herbes.

La terre maintenant les recouvre! Il se jette sur un tombeau. O ma fiancee! ma fiancee! ET TOUS LES AUTRES par la plaine: O ma soeur! o mon frere! o ma fille! o ma mere! Ils sont a genoux, le front dans les mains, ou le corps tout a plat, les deux bras etendus;—et les sanglots qu'ils retiennent soulevent leur poitrine a la briser.

Ils regardent le ciel en disant: Aie pitie de son ame, o mon Dieu! Elle languit au sejour des ombres; daigne l'admettre dans la Resurrection, pour qu'elle jouisse de ta lumiere! Ou, l'oeil fixe sur les dalles, ils murmurent: Apaise-toi, ne souffre plus! Je t'ai apporte du vin, des viandes! UNE VEUVE Voici du pultis, fait par moi, selon son gout, avec beaucoup d'oeufs et double mesure de farine! Nous allons le manger ensemble, comme autrefois, n'est-ce pas? Elle en porte un peu a ses levres; et, tout a coup, se met a rire d'une facon extravagante, frenetique. Les autres, comme elle, grignotent quelque morceau, boivent une gorgee. Ils se racontent les histoires de leurs martyres; la douleur s'exalte, les libations redoublent.

Leurs yeux noyes de larmes se fixent les uns sur les autres.

Ils balbutient d'ivresse et de desolation; peu a peu, leurs mains se touchent, leurs levres s'unissent, les voiles s'entr'ouvrent, et ils se melent sur les tombes entre les coupes et les flambeaux. Le ciel commence a blanchir.

Le brouillard mouille leurs vetements;—et, sans avoir l'air de se connaitre, ils s'eloignent les uns des autres par des chemins differents, dans la campagne. Le soleil brille; les herbes ont grandi, la plaine s'est transformee. Et Antoine voit nettement a travers des bambous une foret de colonnes, d'un gris bleuatre.

Ce sont des troncs d'arbres provenant d'un seul tronc.

De chacune de ses branches descendent d'autres branches qui s'enfoncent dans le sol; et l'ensemble de toutes ces lignes horizontales et perpendiculaires, indefiniment multipliees, ressemblerait a une charpente monstrueuse, si elles n'avaient une petite figue de place en place, avec un feuillage noiratre, comme celui du sycomore. Il distingue dans leurs enfourchures des grappes de fleurs jaunes, des fleurs violettes et des fougeres, pareilles a des plumes d'oiseaux.

La tentation de Saint Antoine IV 48. »

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