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La tentation de Saint Antoine Nous sautons de branche en branche pour sucer les oeufs, et nous plumons les oisillons; puis nous mettons leurs nids sur nos tetes, en guise de bonnets.

Publié le 11/04/2014

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La tentation de Saint Antoine Nous sautons de branche en branche pour sucer les oeufs, et nous plumons les oisillons; puis nous mettons leurs nids sur nos tetes, en guise de bonnets. Nous ne manquons pas d'arracher les pis des vaches; et nous crevons les yeux des lynx, nous fientons du haut des arbres, nous etalons notre turpitude en plein soleil. Lacerant les fleurs, broyant les fruits, troublant les sources, violant les femmes, nous sommes les maitres,--par la force de nos bras et la ferocite de notre coeur. Hardi, compagnons! Faites claquer vos machoires! Du sang et du lait coulent de leurs babines. La pluie ruisselle sur leurs dos velus. Antoine hume la fraicheur des feuilles vertes. Elles s'agitent, les branches s'entre-choquent; et tout a coup parait un grand cerf noir, a tete de taureau, qui porte entre les oreilles un buisson de cornes blanches. LE SADHUZAG Mes soixante-quatorze andouillers sont creux comme des flutes. Quand je me tourne vers le vent du sud, il en part des sons qui attirent a moi les betes ravies. Les serpents s'enroulent a mes jambes, les guepes se collent dans mes narines, et les perroquets, les colombes et les ibis s'abattent dans mes rameaux.--Ecoute! Il renverse son bois, d'ou s'echappe une musique ineffablement douce. Antoine presse son coeur a deux mains. Il lui semble que cette melodie va emporter son ame. LE SADHUZAG Mais quand je me tourne vers le vent du nord, mon bois plus touffu qu'un bataillon de lances, exhale un hurlement; les forets tressaillent, les fleuves remontent, la gousse des fruits eclate, et les herbes se dressent comme la chevelure d'un lache. --Ecoute! Il penche ses rameaux, d'ou sortent des cris discordants; Antoine est comme dechire. Et son horreur augmente en voyant: LE MARTICHORAS gigantesque lion rouge, a figure humaine, avec trois rangees de dents. Les moires de mon pelage ecarlate se melent au miroitement des grands sables. Je souffle par mes narines l'epouvante des solitudes. Je crache la peste. Je mange les armees, quand elles s'aventurent dans le desert. Mes ongles sont tordus en vrilles, mes dents sont taillees en scie; et ma queue, qui se contourne, est herissee de dards que je lance a droite, a gauche, en avant, en arriere.--Tiens! tiens! VI. 113 La tentation de Saint Antoine Le Martichoras jette les epines de sa queue; qui s'irradient comme des fleches dans toutes les directions. Des gouttes de sang pleuvent, en claquant sur le feuillage. LE CATOBLEPAS buffle noir, avec une tete de porc tombant jusqu'a terre, et rattachee a ses epaules par un cou mince, long et flasque comme un boyau vide. Il est vautre tout a plat; et ses pieds disparaissent sous l'enorme criniere a poils durs qui lui couvre le visage. Gras, melancolique, farouche, je reste continuellement a sentir sous mon ventre la chaleur de la boue. Mon crane est tellement lourd qu'il m'est impossible de le porter. Je le roule autour de moi, lentement;--et la machoire entr'ouverte, j'arrache avec ma langue les herbes veneneuses arrosees de mon haleine. Une fois, je me suis devore les pattes sans m'en apercevoir. Personne, Antoine, n'a jamais vu mes yeux, ou ceux qui les ont vus sont morts. Si je relevais mes paupieres,--mes paupieres roses et gonflees,--tout de suite, tu mourrais. ANTOINE Oh! celui-la!... a ... a ... Si j'allais avoir envie?... Sa stupidite m'attire. Non! non! je ne veux pas! Il regarde par terre fixement. Mais les herbes s'allument, et dans les torsions des flammes se dresse LE BASILIC grand serpent violet a crete trilobee, avec deux dents, une en haut, une en bas. Prends garde, tu vas tomber dans ma gueule! Je bois du feu. Le feu, c'est moi;--et de partout j'en aspire: des nuees, des cailloux, des arbres morts, du poil des animaux, de la surface des marecages. Ma temperature entretient les volcans; je fais l'eclat des pierreries et la couleur des metaux. LE GRIFFON lion a bec de vautour avec des ailes blanches, les pattes rouges et le cou bleu. Je suis le maitre des splendeurs profondes. Je connais le secret des tombeaux ou dorment les vieux rois. Une chaine, qui sort du mur, leur tient la tete droite. Pres d'eux, dans des bassins de porphyre, des femmes qu'ils ont aimees flottent sur des liquides noirs. Leurs tresors sont ranges dans des salles, par losanges, par monticules, par pyramides;--et plus bas, bien au-dessous des tombeaux, apres de longs voyages au milieu des tenebres etouffantes, il y a des fleuves d'or avec des forets de diamant, des prairies d'escarboucles, des lacs de mercure. Adosse contre la porte du souterrain et la griffe en l'air, j'epie de mes prunelles flamboyantes ceux qui voudraient venir. La plaine immense, jusqu'au fond de l'horizon est toute nue et blanchie par les ossements des voyageurs. Pour toi les battants de bronze s'ouvriront, et tu humeras la vapeur des mines, tu descendras dans les cavernes ... Vite! vite! VI. 114

« Le Martichoras jette les epines de sa queue; qui s'irradient comme des fleches dans toutes les directions.

Des gouttes de sang pleuvent, en claquant sur le feuillage. LE CATOBLEPAS buffle noir, avec une tete de porc tombant jusqu'a terre, et rattachee a ses epaules par un cou mince, long et flasque comme un boyau vide. Il est vautre tout a plat; et ses pieds disparaissent sous l'enorme criniere a poils durs qui lui couvre le visage. Gras, melancolique, farouche, je reste continuellement a sentir sous mon ventre la chaleur de la boue.

Mon crane est tellement lourd qu'il m'est impossible de le porter.

Je le roule autour de moi, lentement;—et la machoire entr'ouverte, j'arrache avec ma langue les herbes veneneuses arrosees de mon haleine.

Une fois, je me suis devore les pattes sans m'en apercevoir. Personne, Antoine, n'a jamais vu mes yeux, ou ceux qui les ont vus sont morts.

Si je relevais mes paupieres,—mes paupieres roses et gonflees,—tout de suite, tu mourrais. ANTOINE Oh! celui-la!...

a ...

a ...

Si j'allais avoir envie?...

Sa stupidite m'attire.

Non! non! je ne veux pas! Il regarde par terre fixement. Mais les herbes s'allument, et dans les torsions des flammes se dresse LE BASILIC grand serpent violet a crete trilobee, avec deux dents, une en haut, une en bas. Prends garde, tu vas tomber dans ma gueule! Je bois du feu.

Le feu, c'est moi;—et de partout j'en aspire: des nuees, des cailloux, des arbres morts, du poil des animaux, de la surface des marecages.

Ma temperature entretient les volcans; je fais l'eclat des pierreries et la couleur des metaux. LE GRIFFON lion a bec de vautour avec des ailes blanches, les pattes rouges et le cou bleu. Je suis le maitre des splendeurs profondes.

Je connais le secret des tombeaux ou dorment les vieux rois. Une chaine, qui sort du mur, leur tient la tete droite.

Pres d'eux, dans des bassins de porphyre, des femmes qu'ils ont aimees flottent sur des liquides noirs.

Leurs tresors sont ranges dans des salles, par losanges, par monticules, par pyramides;—et plus bas, bien au-dessous des tombeaux, apres de longs voyages au milieu des tenebres etouffantes, il y a des fleuves d'or avec des forets de diamant, des prairies d'escarboucles, des lacs de mercure. Adosse contre la porte du souterrain et la griffe en l'air, j'epie de mes prunelles flamboyantes ceux qui voudraient venir.

La plaine immense, jusqu'au fond de l'horizon est toute nue et blanchie par les ossements des voyageurs.

Pour toi les battants de bronze s'ouvriront, et tu humeras la vapeur des mines, tu descendras dans les cavernes ...

Vite! vite! La tentation de Saint Antoine VI.

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