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La tentation de Saint Antoine pousse par le vent, entre les deux berges du canal.

Publié le 11/04/2014

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La tentation de Saint Antoine pousse par le vent, entre les deux berges du canal. Les feuilles des papyrus et les fleurs rouges des nymphaeas, plus grandes qu'un homme, se penchent sur lui. Il est etendu au fond de la barque; un aviron, a l'arriere, traine dans l'eau. De temps en temps un souffle tiede arrive, et les roseaux minces s'entre-choquent. Le murmure des petites vagues diminue. Un assoupissement le prend. Il songe qu'il est un solitaire d'Egypte. Alors il se releve en sursaut. Ai-je reve?... c'etait si net que j'en doute. La langue me brule! J'ai soif! Il entre dans sa cabane, et tate au hasard, partout. Le sol est humide!... Est-ce qu'il a plu? Tiens! des morceaux! ma cruche brisee!... mais l'outre? Il la trouve. Vide! completement vide! Pour descendre jusqu'au fleuve, il me faudrait trois heures au moins, et la nuit est si profonde que je n'y verrais pas a me conduire. Mes entrailles se tordent. Ou est le pain? Apres avoir cherche longtemps, il ramasse une croute moins grosse qu'un oeuf. Comment? Les chacals l'auront pris? Ah, malediction! Et, de fureur, il jette le pain par terre. A peine ce geste est-il fait qu'une table est la, couverte de toutes les choses bonnes a manger. La nappe de byssus, striee comme les bandelettes des sphinx, produit d'elle-meme des ondulations lumineuses. Il y a dessus d'enormes quartiers de viandes rouges, de grands poissons, des oiseaux avec leurs plumes, des quadrupedes avec leurs poils, des fruits d'une coloration presque humaine; et des morceaux de glace blanche et des buires de cristal violet se renvoient des feux. Antoine distingue au milieu de la table un sanglier fumant par tous ses pores, les pattes sous le ventre, les yeux a demi clos;--et l'idee de pouvoir manger cette bete formidable le rejouit extremement. Puis, ce sont des choses qu'il n'a jamais vues, des hachis noirs, des gelees couleur d'or, des ragouts ou flottent des champignons comme des nenuphars sur des etangs, des mousses si legeres qu'elles ressemblent a des nuages. Et l'arome de tout cela lui apports l'odeur salee de l'Ocean, la fraicheur des fontaines, le grand parfum des bois. Il dilate ses narines tant qu'il peut; il en bave; il se dit qu'il en a pour un an, pour dix ans, pour sa vie entiere! A mesure qu'il promene sur les mets ses yeux ecarquilles, d'autres s'accumulent, formant une pyramide, dont les angles s'ecroulent. Les vins se mettent a couler, les poissons a palpiter, le sang dans les plats bouillonne, la pulpe des fruits s'avance comme des levres amoureuses; et la table monte jusqu'a sa poitrine, jusqu'a son menton,--ne portant qu'une seule assiette et qu'un seul pain, qui se trouvent juste en face de lui. Il va saisir le pain. D'autres pains se presentent. Pour moi!... tous! mais ... Antoine recule. II. 9 La tentation de Saint Antoine Au lieu d'un qu'il y avait, en voila!... C'est un miracle, alors, le meme que fit le Seigneur!... Dans quel but? Eh! tout le reste n'est pas moins incomprehensibles! Ah! demon, va-t'en! va-t'en! Il donne un coup de pied dans la table. Elle disparait. Plus rien?--non! Il respire largement. Ah! la tentation etait forte. Mais comme je m'en suis delivre! Il releve la tete, et trebuche contre un objet sonore. Qu'est-ce donc? Antoine se baisse. Tiens! une coupe! quelqu'un, en voyageant, l'aura perdue. Rien d'extraordinaire ... Il mouille son doigt, et frotte. Ca reluit! du metal! Cependant, je ne distingue pas ... Il allume sa torche, et examine la coupe. Elle est en argent, ornee d'ovules sur le bord, avec une medaille au fond. Il fait sauter la medaille d'un coup d'ongle. C'est une piece de monnaie qui vaut ... de sept a huit drachmes; pas davantage! N'importe! je pourrais bien, avec cela, me procurer une peau de brebis. Un reflet de la torche eclaire la coupe. Pas possible! en or! oui!... tout en or! Une autre piece, plus grande, se trouve au fond. Sous celle-ci, il en decouvre plusieurs autres. Mais cela fait une somme ... assez forte pour avoir trois boeufs ... un petit champ! La coupe est maintenant remplie de pieces d'or. Allons donc! cent esclaves, des soldats, une foule, de quoi acheter ... Les granulations de la bordure, se detachant, forment un collier de perles. Avec ce joyau-la, on gagnerait meme la femme de l'Empereur! D'une secousse, Antoine fait glisser le collier sur son poignet. Il tient la coupe de sa main gauche, et de son autre bras leve la torche pour mieux l'eclairer. Comme l'eau qui ruisselle d'une vasque, il s'en epanche a flots II. 10

« Au lieu d'un qu'il y avait, en voila!...

C'est un miracle, alors, le meme que fit le Seigneur!... Dans quel but? Eh! tout le reste n'est pas moins incomprehensibles! Ah! demon, va-t'en! va-t'en! Il donne un coup de pied dans la table.

Elle disparait. Plus rien?—non! Il respire largement. Ah! la tentation etait forte.

Mais comme je m'en suis delivre! Il releve la tete, et trebuche contre un objet sonore. Qu'est-ce donc? Antoine se baisse. Tiens! une coupe! quelqu'un, en voyageant, l'aura perdue.

Rien d'extraordinaire ... Il mouille son doigt, et frotte. Ca reluit! du metal! Cependant, je ne distingue pas ... Il allume sa torche, et examine la coupe. Elle est en argent, ornee d'ovules sur le bord, avec une medaille au fond. Il fait sauter la medaille d'un coup d'ongle. C'est une piece de monnaie qui vaut ...

de sept a huit drachmes; pas davantage! N'importe! je pourrais bien, avec cela, me procurer une peau de brebis. Un reflet de la torche eclaire la coupe. Pas possible! en or! oui!...

tout en or! Une autre piece, plus grande, se trouve au fond.

Sous celle-ci, il en decouvre plusieurs autres. Mais cela fait une somme ...

assez forte pour avoir trois boeufs ...

un petit champ! La coupe est maintenant remplie de pieces d'or. Allons donc! cent esclaves, des soldats, une foule, de quoi acheter ... Les granulations de la bordure, se detachant, forment un collier de perles. Avec ce joyau-la, on gagnerait meme la femme de l'Empereur! D'une secousse, Antoine fait glisser le collier sur son poignet.

Il tient la coupe de sa main gauche, et de son autre bras leve la torche pour mieux l'eclairer.

Comme l'eau qui ruisselle d'une vasque, il s'en epanche a flots La tentation de Saint Antoine II.

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