L'année terrible Trop de punition pousse à trop d'indulgence, Et je m'attendrirais sur Caïn torturé.
Publié le 12/04/2014
Extrait du document
«
Avec des malfaiteurs se battre à coups de crimes!
Ils ont sabré, frappons! ils ont volé, pillons!
Semons leur infamie en nos propres sillons.
Quoi! notre oeuvre et la leur germeront pêle-mêle!
Ensemble à la même auge, à la même gamelle,
Abjects, nous mangerons le même opprobre, tous!
O ciel! et l'on verra sortir d'eux et de nous
Une épaisseur de honte horrible sur la France!
Nos attentats auront assez de transparence
Pour qu'on voie au travers nos principes déçus,
La clémence dessous, l'assassinat dessus!
Nous, copier ces gueux, faire un échafaudage
De notre banditisme avec leur brigandage,
De sorte que l'histoire un jour dise: Ombre et mort!
Qui donc avait raison et qui donc avait tort ?
Sur notre propre droit verser tant de mensonge
Et tant d'iniquité que tout n'est plus qu'un songe!
Les principes, qui sont dans l'âme des sommets,
S'effacent, et comment fera-t-on désormais
Pour parler de progrès, d'équité, de justice ?
Leur naufrage suffit pour que tout s'engloutisse.
Témérités sans nom! le bien au mal mêlé!
On voit couler, du haut de l'azur étoilé,
Un sang céleste après ces lâches hardiesses.
Blesser les vérités, c'est blesser les déesses.
VII
Le penseur est lugubre au fond des solitudes.
Ce n'est plus l'esprit calme aux graves attitudes;
Les éclairs indignés dans sa prunelle ont lui;
Il n'est plus libre, il a de la colère en lui;
Il est le prisonnier sinistre de la haine.
Lui, ce frère apaisant l'homme dans sa géhenne,
Lui, dont la vie en flots d'amour se répandit,
Lui le consolateur, le voilà qui maudit!
Lui qui croyait n'avoir jamais d'autre souffrance
Que tout le genre humain, il souffre dans la France;
Il reconnaît qu'il est sur terre un coin sacré,
La patrie, et cher, même au coeur démesuré,
Et que l'âme du sage est quelquefois amère,
Et qu'il redevient fils s'il voit saigner sa mère.
Certe, il ne sera pas toujours désespéré.
Un jour dans son regard reviendront par degré
Les augustes rayons de l'aube après l'éclipse;
On verra, certe, après l'infâme apoca1ypse,
Reparaître sur lui lentement les blancheurs
Que Dieu fait dans la nuit poindre au front des chercheurs,
Et que de loin envoie à l'homme, au gouffre, au bagne,
Le grand astre caché derrière la montagne, L'année terrible
AVRIL 78.
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