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L'année terrible Trop de punition pousse à trop d'indulgence, Et je m'attendrirais sur Caïn torturé.

Publié le 12/04/2014

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L'année terrible Trop de punition pousse à trop d'indulgence, Et je m'attendrirais sur Caïn torturé. Non, je n'opprime pas! jamais je ne tuerai! Jamais, ô Liberté, devant ce que je brise, On ne te verra faire un signe de surprise. Peuple, pour te servir, en ce siècle fatal, Je veux bien renoncer à tout, au sol natal, A ma maison d'enfance, à mon nid, à mes tombes, A ce bleu ciel de France où volent des colombes, A Paris, champ sublime où j'étais moissonneur, A la patrie, au toit paternel, au bonheur; Mais j'entends rester pur, sans tache et sans puissance. Je n'abdiquerai pas mon droit à l'innocence. VI TALION Quoi! parce que Vinoy, parce que Billioray Sont dans le faux, il sied que tout soit hors du vrai! Il faut tuer Duval puisqu'on tua Lecomte! A ce raisonnement vous trouvez votre compte, Et cet autre argument vous parait sans rival: Il faut tuer Bonjean puisqu'on tua Duval! On méprisait l'affreux talion; on l'estime. Vil chez Moise, il est chez Rigault légitime. On voue au meurtre un culte; on laisse de côté Ce qu'on glorifiait si haut, loi, liberté; On prêche un nouveau dogme, on se fait néophyte De tous les attentats hideux dont on profite. Talion! pour le peuple ici, là pour le roi. Vous arrêtez Chaudey, j'emprisonne Lockroy. Ah! vous êtes inepte, eh bien, je suis stupide. Ah! vous niez le droit, eh bien, je le lapide! Quoi! parce que Ferré, parce que Galifet Versent le sang, je dois, moi, commettre un forfait! On brûle un pont, je brûle une bibliothèque. On tue un colonel, je tue un archevêque; On tue un archevêque, eh bien, moi, je tuerai N'importe qui, le plus de gens que je pourrai. Quoi! parce qu'un gredin fait fusiller un homme, J'en fais arquebuser trois cents, et ce qu'on nomme Meurtre chez lui sera bonne action chez moi! Dent pour dent. Par l'horreur je réplique à l'effroi. Vous frappez la patrie, eh bien, moi, je l'achève! Ah! vous lui faites, vous, l'effet d'un mauvais rêve, Eh bien, moi, je lui vais donner le cauchemar. Vous êtes Erostrate, eh bien, je suis Omar! O joute monstrueuse ? effroyables escrimes! AVRIL 77 L'année terrible Avec des malfaiteurs se battre à coups de crimes! Ils ont sabré, frappons! ils ont volé, pillons! Semons leur infamie en nos propres sillons. Quoi! notre oeuvre et la leur germeront pêle-mêle! Ensemble à la même auge, à la même gamelle, Abjects, nous mangerons le même opprobre, tous! O ciel! et l'on verra sortir d'eux et de nous Une épaisseur de honte horrible sur la France! Nos attentats auront assez de transparence Pour qu'on voie au travers nos principes déçus, La clémence dessous, l'assassinat dessus! Nous, copier ces gueux, faire un échafaudage De notre banditisme avec leur brigandage, De sorte que l'histoire un jour dise: Ombre et mort! Qui donc avait raison et qui donc avait tort ? Sur notre propre droit verser tant de mensonge Et tant d'iniquité que tout n'est plus qu'un songe! Les principes, qui sont dans l'âme des sommets, S'effacent, et comment fera-t-on désormais Pour parler de progrès, d'équité, de justice ? Leur naufrage suffit pour que tout s'engloutisse. Témérités sans nom! le bien au mal mêlé! On voit couler, du haut de l'azur étoilé, Un sang céleste après ces lâches hardiesses. Blesser les vérités, c'est blesser les déesses. VII Le penseur est lugubre au fond des solitudes. Ce n'est plus l'esprit calme aux graves attitudes; Les éclairs indignés dans sa prunelle ont lui; Il n'est plus libre, il a de la colère en lui; Il est le prisonnier sinistre de la haine. Lui, ce frère apaisant l'homme dans sa géhenne, Lui, dont la vie en flots d'amour se répandit, Lui le consolateur, le voilà qui maudit! Lui qui croyait n'avoir jamais d'autre souffrance Que tout le genre humain, il souffre dans la France; Il reconnaît qu'il est sur terre un coin sacré, La patrie, et cher, même au coeur démesuré, Et que l'âme du sage est quelquefois amère, Et qu'il redevient fils s'il voit saigner sa mère. Certe, il ne sera pas toujours désespéré. Un jour dans son regard reviendront par degré Les augustes rayons de l'aube après l'éclipse; On verra, certe, après l'infâme apoca1ypse, Reparaître sur lui lentement les blancheurs Que Dieu fait dans la nuit poindre au front des chercheurs, Et que de loin envoie à l'homme, au gouffre, au bagne, Le grand astre caché derrière la montagne, AVRIL 78

« Avec des malfaiteurs se battre à coups de crimes! Ils ont sabré, frappons! ils ont volé, pillons! Semons leur infamie en nos propres sillons.

Quoi! notre oeuvre et la leur germeront pêle-mêle! Ensemble à la même auge, à la même gamelle, Abjects, nous mangerons le même opprobre, tous! O ciel! et l'on verra sortir d'eux et de nous Une épaisseur de honte horrible sur la France! Nos attentats auront assez de transparence Pour qu'on voie au travers nos principes déçus, La clémence dessous, l'assassinat dessus! Nous, copier ces gueux, faire un échafaudage De notre banditisme avec leur brigandage, De sorte que l'histoire un jour dise: Ombre et mort! Qui donc avait raison et qui donc avait tort ? Sur notre propre droit verser tant de mensonge Et tant d'iniquité que tout n'est plus qu'un songe! Les principes, qui sont dans l'âme des sommets, S'effacent, et comment fera-t-on désormais Pour parler de progrès, d'équité, de justice ? Leur naufrage suffit pour que tout s'engloutisse.

Témérités sans nom! le bien au mal mêlé! On voit couler, du haut de l'azur étoilé, Un sang céleste après ces lâches hardiesses.

Blesser les vérités, c'est blesser les déesses.

VII Le penseur est lugubre au fond des solitudes.

Ce n'est plus l'esprit calme aux graves attitudes; Les éclairs indignés dans sa prunelle ont lui; Il n'est plus libre, il a de la colère en lui; Il est le prisonnier sinistre de la haine.

Lui, ce frère apaisant l'homme dans sa géhenne, Lui, dont la vie en flots d'amour se répandit, Lui le consolateur, le voilà qui maudit! Lui qui croyait n'avoir jamais d'autre souffrance Que tout le genre humain, il souffre dans la France; Il reconnaît qu'il est sur terre un coin sacré, La patrie, et cher, même au coeur démesuré, Et que l'âme du sage est quelquefois amère, Et qu'il redevient fils s'il voit saigner sa mère.

Certe, il ne sera pas toujours désespéré.

Un jour dans son regard reviendront par degré Les augustes rayons de l'aube après l'éclipse; On verra, certe, après l'infâme apoca1ypse, Reparaître sur lui lentement les blancheurs Que Dieu fait dans la nuit poindre au front des chercheurs, Et que de loin envoie à l'homme, au gouffre, au bagne, Le grand astre caché derrière la montagne, L'année terrible AVRIL 78. »

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