Devoir de Philosophie

Le Corricolo de soin et d'attention pour trouver un general, un consul, un tribun, un senateur, un personnage notable enfin, qui fut mort tranquillement dans son lit.

Publié le 11/04/2014

Extrait du document

Le Corricolo de soin et d'attention pour trouver un general, un consul, un tribun, un senateur, un personnage notable enfin, qui fut mort tranquillement dans son lit. Il y avait plus, c'est que tout le monde etait ruine. On supporte encore les massacres, la croix, la potence; on ne supporte pas la misere. Les chevaliers avaient des places d'honneur au theatre, mais ils n'osaient venir occuper ces places de peur d'y etre arretes par leurs creanciers; ils avaient quatorze bancs au cirque, et leurs quatorze bancs etaient deserts. Les provinces declaraient ne plus pouvoir payer l'impot: le peuple n'avait pas de pain. De l'ocean Atlantique a l'Euphrate, du detroit de Gades au Danube, cent trente millions d'hommes demandaient l'aumone a Auguste. Qui donc, en pareilles circonstances, eut meme eu l'idee de faire de l'opposition contre le vainqueur d'Antoine, qui etait le seul riche et qui pouvait seul enrichir les autres? Auguste fit trois parts de ses immenses richesses, que venait de quadrupler le tresor des Ptolemees: la premiere pour les dieux, la seconde pour l'aristocratie, la troisieme pour le peuple. Jupiter Capitolin eut seize mille livres d'or; c'etaient treize mille livres de plus que ne lui en avait vole Cesar; et de plus, pour dix millions de notre monnaie actuelle de pierres et de pierreries. Apollon eut six trepieds d'argent fondus a neuf, et dont le metal fut fourni par les propres statues d'Auguste. Enfin, comme les villes envoyaient de tous cotes des couronnes d'or au vainqueur, le vainqueur les repartit entre les autres dieux. Les dieux furent contens. Auguste alors s'occupa de l'aristocratie. Les legs de Cesar furent entierement payes. Tout ce qui avait un nom, ou tout ce qui s'en etait fait un, recut des secours; l'aristocratie tout entiere devint la pensionnaire d'Auguste. L'aristocratie fut satisfaite. Restait le peuple. Les predecesseurs d'Auguste lui avaient donne des jeux, Auguste lui donna du pain. Le ble arriva en larges convois de la mer Noire, de l'Egypte et de la Sicile; en moins de trois mois, un bien-etre sensible se repandit jusque dans les derniers rangs de la population. Le peuple cria vive Auguste. Alors, comme il lui restait encore pres de deux milliards, il lanca dans la circulation cette masse enorme d'argent: l'interet etait a 12 pour 100, il descendit a 4; les terres etaient a vil prix, elles triplerent et quadruplerent de valeur. Puis il s'en revint dans sa petite maison du mont Palatin, maison toute de pierres, maison sans marbres, sans peintures, sans paves de mosaique; maison qu'il habitait ete comme hiver, et qui ne renfermait qu'une seule chose de prix, la statuette d'or de la Fortune de l'empire. Il est vrai que cette maison ayant ete brulee dix-huit ans apres, c'est-a-dire vers l'an 748 de Rome, Auguste la rebatit plus commode, plus elegante et plus belle. III. Le Tombeau de Virgile. 224 Le Corricolo C'est la qu'Auguste vecut encore quarante-six ans, suppliant sans cesse le peuple de lui retirer le fardeau du gouvernement, et sans cesse force par lui d'accepter de nouveaux honneurs. Ayant beau dire qu'il n'etait qu'un simple citoyen comme les autres, ayant beau se facher quand on l'appelait seigneur, ayant beau repeter que ses noms etaient Caius Julius Cesar Octavianus et qu'il ne voulait etre appele d'aucun autre nom, il lui fallut se resigner a etre prince, grand pontife, consul et regulateur des moeurs a perpetuite. On avait voulu le nommer tribun, mais il avait fait observer qu'en sa qualite de patricien il ne pouvait accepter cette charge. Alors, au lieu du tribunal, il avait recu la puissance tribunitienne. C'etait bien peut-etre jouer un peu sur les mots, mais il y avait de l'avocat dans Auguste, et c'etait par ce cote-la tres probablement que Salluste etait devenu si fort son ami. De cette facon, tout le monde etait content a Rome. Les cesariens avaient un roi, ou du moins quelque chose qui leur en tenait lieu. Les republicains entendaient sans cesse parler de la republique, et d'ailleurs le S.P.Q.R. etait partout, sur les enseignes, sur les faisceaux, sur la maison meme du prince. Enfin les poetes, les peintres, les artistes avaient Mecene, a qui Auguste avait transmis ses pleins pouvoirs, et qui se chargeait de leur assurer cette aurea mediocritas tant vantee par Horace. Au milieu de tous ces honneurs, Auguste restait toujours le meme: travaillant six heures par jour, mangeant du pain bis, des figues et des petits poissons; jouant aux noix avec les polissons de Rome, et allant, vetu des habits files par sa femme ou par ses filles, rendre temoignage pour un vieux soldat d'Actium. Nous avons dit que sa maison du mont Palatin brula vers l'an 748. A peine cet accident fut-il connu, que les veterans, les decuries, les tribus souscrivirent pour une somme considerable, car ils voulaient que cette maison, rebatie aux frais publics, attestat de l'amour public pour l'empereur. Auguste fit venir les uns apres les autres tous les souscripteurs, et, pour ne pas dire qu'il refusait leur offrande, prit a chacun d'eux un denier. Puis, apres le tour des dieux, de l'aristocratie, du peuple, du tresor, vint le tour de Rome. La ville republicaine etait sale, etroite et sombre. Le Forum antiquum etait devenu trop petit pour la population toujours croissante de la reine du monde, le forum de Cesar etait encombre aux jours de fetes; Auguste fit batir un troisieme forum entre le Capitolin et le Viminal, un temple de Jupiter tonnant au Capitole, un temple a Apolon sur le mont Palatin, le theatre de Marcellus au Champ-de-Mars, enfin les portiques de Livie et d'Octavie, et la basilique de Lucius et de Caius. Ce n'est pas tout, en meme temps que les obelisques egyptiens s'elevaient sur les places, que des routes magnifiques, partant de la meta sudans, s'elancaient vers tous les points du monde comme les rayons d'une etoile, que soixante-sept lieues d'aqueducs et de canaux amenaient par jour a Rome deux millions trois cent dix-neuf mille metres cubes d'eau, qu'Agrippa, tout en construisant son Pantheon, distribuait en cinq cents fontaines, en cent soixante-dix bassins et en cent trente chateaux d'eau, Balbus batissait un theatre, Philippe des musees, et Pollion un sanctuaire a la Liberte. Ainsi, en presidant a ces immenses travaux, Auguste se sentait-il pris d'un, de ces rares mouvements d'orgueil auxquels il permettait de se produire au grand jour.--Voyez cette Rome, disait-il, je l'ai prise de brique, je la rendrai de marbre. Auguste eut une de ces longues existences comme le ciel en garde aux fondateurs de monarchies. Il avait soixante-seize ans, lorsqu'un jour qu'il naviguait entre les iles jetees au milieu du golfe de Naples comme des corbeilles de fleurs et de verdure, il fut pris d'une douleur assez forte pour desirer relacher au port le plus prochain. Cependant il eut le temps d'arriver jusqu'a Nole; la il se sentit si mal qu'il s'alita. Mais, loin de deplorer la perte d'une existence si bien remplie, Auguste se prepara a la mort comme a une fete; il prit un miroir, se fit friser les cheveux, se mit du rouge; puis, comme un acteur qui quitte la scene et qui, avant de passer derriere la coulisse, demande un dernier compliment au parterre: --Messieurs, dit-il en se tournant vers les amis qui entouraient sa couche, repondez franchement, ai-je bien joue la farce de la vie? III. Le Tombeau de Virgile. 225

« C'est la qu'Auguste vecut encore quarante-six ans, suppliant sans cesse le peuple de lui retirer le fardeau du gouvernement, et sans cesse force par lui d'accepter de nouveaux honneurs.

Ayant beau dire qu'il n'etait qu'un simple citoyen comme les autres, ayant beau se facher quand on l'appelait seigneur, ayant beau repeter que ses noms etaient Caius Julius Cesar Octavianus et qu'il ne voulait etre appele d'aucun autre nom, il lui fallut se resigner a etre prince, grand pontife, consul et regulateur des moeurs a perpetuite.

On avait voulu le nommer tribun, mais il avait fait observer qu'en sa qualite de patricien il ne pouvait accepter cette charge.

Alors, au lieu du tribunal, il avait recu la puissance tribunitienne.

C'etait bien peut-etre jouer un peu sur les mots, mais il y avait de l'avocat dans Auguste, et c'etait par ce cote-la tres probablement que Salluste etait devenu si fort son ami. De cette facon, tout le monde etait content a Rome.

Les cesariens avaient un roi, ou du moins quelque chose qui leur en tenait lieu.

Les republicains entendaient sans cesse parler de la republique, et d'ailleurs le S.P.Q.R. etait partout, sur les enseignes, sur les faisceaux, sur la maison meme du prince.

Enfin les poetes, les peintres, les artistes avaient Mecene, a qui Auguste avait transmis ses pleins pouvoirs, et qui se chargeait de leur assurer cette aurea mediocritas tant vantee par Horace. Au milieu de tous ces honneurs, Auguste restait toujours le meme: travaillant six heures par jour, mangeant du pain bis, des figues et des petits poissons; jouant aux noix avec les polissons de Rome, et allant, vetu des habits files par sa femme ou par ses filles, rendre temoignage pour un vieux soldat d'Actium. Nous avons dit que sa maison du mont Palatin brula vers l'an 748.

A peine cet accident fut-il connu, que les veterans, les decuries, les tribus souscrivirent pour une somme considerable, car ils voulaient que cette maison, rebatie aux frais publics, attestat de l'amour public pour l'empereur.

Auguste fit venir les uns apres les autres tous les souscripteurs, et, pour ne pas dire qu'il refusait leur offrande, prit a chacun d'eux un denier. Puis, apres le tour des dieux, de l'aristocratie, du peuple, du tresor, vint le tour de Rome.

La ville republicaine etait sale, etroite et sombre.

Le Forum antiquum etait devenu trop petit pour la population toujours croissante de la reine du monde, le forum de Cesar etait encombre aux jours de fetes; Auguste fit batir un troisieme forum entre le Capitolin et le Viminal, un temple de Jupiter tonnant au Capitole, un temple a Apolon sur le mont Palatin, le theatre de Marcellus au Champ-de-Mars, enfin les portiques de Livie et d'Octavie, et la basilique de Lucius et de Caius.

Ce n'est pas tout, en meme temps que les obelisques egyptiens s'elevaient sur les places, que des routes magnifiques, partant de la meta sudans, s'elancaient vers tous les points du monde comme les rayons d'une etoile, que soixante-sept lieues d'aqueducs et de canaux amenaient par jour a Rome deux millions trois cent dix-neuf mille metres cubes d'eau, qu'Agrippa, tout en construisant son Pantheon, distribuait en cinq cents fontaines, en cent soixante-dix bassins et en cent trente chateaux d'eau, Balbus batissait un theatre, Philippe des musees, et Pollion un sanctuaire a la Liberte. Ainsi, en presidant a ces immenses travaux, Auguste se sentait-il pris d'un, de ces rares mouvements d'orgueil auxquels il permettait de se produire au grand jour.—Voyez cette Rome, disait-il, je l'ai prise de brique, je la rendrai de marbre. Auguste eut une de ces longues existences comme le ciel en garde aux fondateurs de monarchies.

Il avait soixante-seize ans, lorsqu'un jour qu'il naviguait entre les iles jetees au milieu du golfe de Naples comme des corbeilles de fleurs et de verdure, il fut pris d'une douleur assez forte pour desirer relacher au port le plus prochain.

Cependant il eut le temps d'arriver jusqu'a Nole; la il se sentit si mal qu'il s'alita.

Mais, loin de deplorer la perte d'une existence si bien remplie, Auguste se prepara a la mort comme a une fete; il prit un miroir, se fit friser les cheveux, se mit du rouge; puis, comme un acteur qui quitte la scene et qui, avant de passer derriere la coulisse, demande un dernier compliment au parterre: —Messieurs, dit-il en se tournant vers les amis qui entouraient sa couche, repondez franchement, ai-je bien joue la farce de la vie? Le Corricolo III.

Le Tombeau de Virgile.

225. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles