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Le Docteur Pascal Il s'etait assis de nouveau devant sa table, il ecrivit simplement: "Je t'attends, pars ce soir.

Publié le 11/04/2014

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Le Docteur Pascal Il s'etait assis de nouveau devant sa table, il ecrivit simplement: "Je t'attends, pars ce soir." --Voyons, reprit-il, nous sommes aujourd'hui le 6 novembre, n'est-ce pas?... Il est pres de dix heures, elle aura ma depeche vers midi. Cela lui donne tout le temps de faire ses malles et de prendre, ce soir, l'express de huit heures, qui la mettra demain a Marseille pour le dejeuner. Mais, comme il n'y a pas de train qui corresponde tout de suite, elle ne pourra etre ici, demain 7 novembre, que par celui de cinq heures. Apres avoir plie la depeche, il s'etait leve. --Mon Dieu! a cinq heures, demain!... Que cela est loin encore! que vais-je faire jusque-la? Puis, envahi d'une preoccupation, devenu grave: --Ramond, mon camarade, voulez-vous me faire la grande amitie d'etre tres franc avec moi? --Comment ca, maitre? --Oui, vous m'entendez bien.... L'autre jour, vous m'avez examine. Pensez-vous que je puisse aller un an encore? Et il tenait le jeune homme sous la fixite de son regard, il l'empechait de detourner les yeux. Pourtant, celui-ci tacha de s'echapper, en plaisantant: etait-ce vraiment un medecin qui posait une question pareille? --Je vous en prie, Ramond, soyons serieux. Alors, Ramond, en toute sincerite, repondit qu'il pouvait tres bien, selon lui, nourrir l'espoir de vivre encore une annee. Il donnait ses raisons, l'etat relativement peu avance de la sclerose, la sante parfaite des autres organes. Sans doute, il fallait faire la part de l'inconnu, de ce qu'on ne savait pas, car l'accident brutal etait toujours possible. Et tous deux en arriverent a discuter le cas, aussi tranquillement que s'ils s'etaient trouves en consultation, au chevet d'un malade, pesant le pour et le contre, donnant chacun leurs arguments, fixant d'avance la terminaison fatale, selon les indices les mieux etablis et les plus sages. Pascal, comme s'il ne se fut pas agi de lui, avait repris son sang-froid, son oubli de lui-meme. --Oui, murmura-t-il enfin, vous avez raison, une annee de vie est possible.... Ah! voyez-vous, mon ami, ce que je voudrais, ce seraient deux annees, un desir fou, sans doute, une eternite de joie.... Et, s'abandonnant a ce reve d'avenir: --L'enfant naitra vers la fin de mai.... Ce serait si bon de le voir grandir un peu, jusqu'a ses dix-huit mois, a ses vingt mois, tenez! pas davantage. Le temps seulement qu'il se debrouille et qu'il fasse ses premiers pas.... Je n'en demande pas beaucoup, je voudrais le voir marcher, et apres, mon Dieu! apres.... Il completa sa pensee d'un geste. Puis, gagne par l'illusion: --Mais deux annees, ce n'est pas impossible. J'ai eu un cas tres curieux, un charron du faubourg qui a vecu quatre ans, dejouant toutes mes previsions.... Deux annees, deux annees, je les vivrai! il faut bien que je les vive! Ramond, qui avait baisse la tete, ne repondait plus. Un embarras le prenait, a l'idee de s'etre montre trop optimiste; et la joie du maitre l'inquietait, lui devenait douloureuse, comme si cette exaltation meme, troublant XII 149 Le Docteur Pascal un cerveau autrefois si solide, l'avait averti d'un danger sourd et imminent. --Ne vouliez-vous pas envoyer cette depeche tout de suite? --Oui, oui! allez vite, mon bon Ramond, et je vous attends apres-demain. Elle sera ici, je veux que vous accouriez nous embrasser. La journee fut longue. Et, cette nuit-la, vers quatre heures, comme Pascal venait enfin de s'endormir, apres une insomnie heureuse d'espoirs et de reves, il fut reveille brutalement par une crise effroyable. Il lui sembla qu'un poids enorme, toute la maison, s'etait ecroule sur sa poitrine, a ce point que le thorax, aplati, touchait le dos; et il ne respirait plus, la douleur gagnait les epaules, le cou, paralysait le bras gauche. D'ailleurs, sa connaissance restait entiere, il avait la sensation que son coeur s'arretait, que sa vie etait sur le point de s'eteindre, dans cet affreux ecrasement d'etau qui l'etouffait. Avant que la crise fut a sa periode aigue, il avait eu la force de se lever, de taper au plancher avec une canne, pour faire monter Martine. Puis, il etait retombe sur son lit, ne pouvant plus ni bouger ni parler, trempe d'une sueur froide. Martine, heureusement, dans le grand silence de la maison vide, avait entendu. Elle s'habilla, s'enveloppa d'un chale, monta vivement, avec sa bougie. La nuit etait profonde encore, le petit jour allait paraitre. Et, quand elle apercut son maitre dont les yeux seuls vivaient, qui la regardait, les machoires serrees, la langue liee, le visage ravage par l'angoisse, elle s'epouvanta, s'effara, ne put que se jeter vers le lit, criant: --Mon Dieu! mon Dieu! monsieur, qu'avez-vous?... Repondez-moi, monsieur, vous me faites peur! Pendant une grande minute, Pascal etouffa davantage, ne parvenant pas a retrouver son souffle. Puis, l'etau de ses cotes se desserrant peu a peu, il murmura tres bas: --Les cinq mille francs du secretaire sont a Clotilde.... Vous lui direz que c'est arrange chez le notaire, qu'elle retrouvera la de quoi vivre.... Alors, Martine qui l'avait ecoute, beante, se desespera, confessa son mensonge, ignorant les bonnes nouvelles apportees par Ramond. --Monsieur, il faut me pardonner, j'ai menti. Mais ce serait mal de mentir davantage.... Quand je vous ai vu seul, et si malheureux, j'ai pris sur mon argent.... --Ma pauvre fille, vous avez fait ca! --Oh! j'ai bien espere un peu que monsieur me le rendrait un jour! La crise se calmait, il put tourner la tete et la regarder. Il etait stupefait et attendri. Que s'etait-il donc passe dans le coeur de cette vieille fille avare, qui pendant trente annees avait durement amasse son tresor, qui n'en avait jamais sorti un sou, ni pour les autres ni pour elle? Il ne comprenait pas encore, il voulut simplement se montrer reconnaissant et bon. --Vous etes une brave femme, Martine. Tout cela vous sera rendu.... Je crois bien que je vais mourir.... Elle ne le laissa pas achever, se revoltant, dans un sursaut de tout son etre, dans un cri de protestation. --Mourir, vous, monsieur!... Mourir avant moi! Je ne veux pas, je ferai tout, je l'empecherai bien! XII 150
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« un cerveau autrefois si solide, l'avait averti d'un danger sourd et imminent. --Ne vouliez-vous pas envoyer cette depeche tout de suite? --Oui, oui! allez vite, mon bon Ramond, et je vous attends apres-demain.

Elle sera ici, je veux que vous accouriez nous embrasser. La journee fut longue.

Et, cette nuit-la, vers quatre heures, comme Pascal venait enfin de s'endormir, apres une insomnie heureuse d'espoirs et de reves, il fut reveille brutalement par une crise effroyable.

Il lui sembla qu'un poids enorme, toute la maison, s'etait ecroule sur sa poitrine, a ce point que le thorax, aplati, touchait le dos; et il ne respirait plus, la douleur gagnait les epaules, le cou, paralysait le bras gauche.

D'ailleurs, sa connaissance restait entiere, il avait la sensation que son coeur s'arretait, que sa vie etait sur le point de s'eteindre, dans cet affreux ecrasement d'etau qui l'etouffait.

Avant que la crise fut a sa periode aigue, il avait eu la force de se lever, de taper au plancher avec une canne, pour faire monter Martine.

Puis, il etait retombe sur son lit, ne pouvant plus ni bouger ni parler, trempe d'une sueur froide. Martine, heureusement, dans le grand silence de la maison vide, avait entendu.

Elle s'habilla, s'enveloppa d'un chale, monta vivement, avec sa bougie.

La nuit etait profonde encore, le petit jour allait paraitre.

Et, quand elle apercut son maitre dont les yeux seuls vivaient, qui la regardait, les machoires serrees, la langue liee, le visage ravage par l'angoisse, elle s'epouvanta, s'effara, ne put que se jeter vers le lit, criant: --Mon Dieu! mon Dieu! monsieur, qu'avez-vous?...

Repondez-moi, monsieur, vous me faites peur! Pendant une grande minute, Pascal etouffa davantage, ne parvenant pas a retrouver son souffle.

Puis, l'etau de ses cotes se desserrant peu a peu, il murmura tres bas: --Les cinq mille francs du secretaire sont a Clotilde....

Vous lui direz que c'est arrange chez le notaire, qu'elle retrouvera la de quoi vivre.... Alors, Martine qui l'avait ecoute, beante, se desespera, confessa son mensonge, ignorant les bonnes nouvelles apportees par Ramond. --Monsieur, il faut me pardonner, j'ai menti.

Mais ce serait mal de mentir davantage....

Quand je vous ai vu seul, et si malheureux, j'ai pris sur mon argent.... --Ma pauvre fille, vous avez fait ca! --Oh! j'ai bien espere un peu que monsieur me le rendrait un jour! La crise se calmait, il put tourner la tete et la regarder.

Il etait stupefait et attendri.

Que s'etait-il donc passe dans le coeur de cette vieille fille avare, qui pendant trente annees avait durement amasse son tresor, qui n'en avait jamais sorti un sou, ni pour les autres ni pour elle? Il ne comprenait pas encore, il voulut simplement se montrer reconnaissant et bon. --Vous etes une brave femme, Martine.

Tout cela vous sera rendu....

Je crois bien que je vais mourir.... Elle ne le laissa pas achever, se revoltant, dans un sursaut de tout son etre, dans un cri de protestation. --Mourir, vous, monsieur!...

Mourir avant moi! Je ne veux pas, je ferai tout, je l'empecherai bien! Le Docteur Pascal XII 150. »

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