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Le Docteur Pascal impuissant.

Publié le 11/04/2014

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pascal
Le Docteur Pascal impuissant. Elle eut un grand cri. --Mais il est mort! Et elle chancela, foudroyee, elle s'abattit entre les bras de Ramond, qui l'etreignit fraternellement, dans un sanglot. Tous les deux, au cou l'un de l'autre, pleurerent. Puis, lorsqu'il l'eut assise sur une chaise et qu'il put parler: --C'est moi, hier, vers dix heures et demie, qui ai mis au telegraphe la depeche que vous avez recue. Il etait si heureux, si plein d'espoir! Il faisait des reves d'avenir, un an, deux ans de vie.... Et c'est ce matin, a quatre heures, qu'il a ete pris de la premiere crise et qu'il m'a envoye chercher. Tout de suite, il s'etait vu perdu. Mais il esperait durer jusqu'a six heures, vivre assez pour vous revoir.... Le mal a marche trop vite. Il m'en a dit les progres jusqu'au dernier souffle, minute par minute, comme un professeur qui disseque a l'amphitheatre. Il est mort avec votre nom aux levres, calme et desespere, en heros. Clotilde aurait voulu courir, monter d'un bond dans la chambre, et elle restait clouee, sans force pour quitter la chaise. Elle avait ecoute, les yeux noyes de grosses larmes qui coulaient sans fin. Chacune des phrases, le recit de cette mort stoique retentissait dans son coeur, s'y gravait profondement. Elle reconstituait l'abominable journee. A jamais elle devait la revivre. Mais, surtout, son desespoir deborda, lorsque Martine, entree depuis un instant, dit d'une voix dure: --Ah! mademoiselle a bien raison de pleurer, car si monsieur est mort, c'est bien a cause de mademoiselle. La vieille servante se tenait la debout, a l'ecart, pres de la porte de sa cuisine, souffrante, exasperee qu'on lui eut pris et tue son maitre; et elle ne cherchait meme pas une parole de bienvenue et de soulagement, pour cette enfant qu'elle avait elevee. Sans calculer la portee de son indiscretion, la peine ou la joie qu'elle pouvait faire, elle se soulageait, elle disait tout ce qu'elle savait. --Oui, si monsieur est mort, c'est bien parce que mademoiselle est partie. Du fond de son aneantissement, Clotilde protesta. --Mais c'est lui qui s'est fache, qui m'a forcee a partir! --Ah bien! il a fallu que mademoiselle y mit de la complaisance, pour ne pas voir clair.... La nuit d'avant le depart, j'ai trouve monsieur a moitie etouffe, tant il avait du chagrin; et, quand j'ai voulu prevenir mademoiselle, c'est lui qui m'en a empechee.... Puis, je l'ai bien vu, moi, depuis que mademoiselle n'est plus la. Toutes les nuits, ca recommencait, il se tenait a quatre pour ne pas ecrire et la rappeler.... Enfin, il en est mort, c'est la verite pure. Une grande clarte se faisait dans l'esprit de Clotilde, a la fois bien heureuse et torturee. Mon Dieu! c'etait donc vrai, ce qu'elle avait soupconne un instant? Ensuite, elle avait pu finir par croire, devant l'obstination violente de Pascal, qu'il ne mentait pas, qu'entre elle et le travail il choisissait sincerement le travail, en homme de science chez qui l'amour de l'oeuvre l'emporte sur l'amour de la femme. Et il mentait pourtant, il avait pousse le devouement, l'oubli de lui-meme, jusqu'a s'immoler, pour ce qu'il pensait etre son bonheur, a elle. Et la tristesse des choses voulait qu'il se fut trompe, qu'il eut consomme ainsi leur malheur a tous. XIII 159 Le Docteur Pascal De nouveau, Clotilde protestait, se desesperait. --Mais comment aurais-je pu savoir?... J'ai obei, j'ai mis toute ma tendresse dans mon obeissance. --Ah! cria encore Martine, il me semble que j'aurais devine, moi! Ramond intervint, parla doucement. Il avait repris les mains de son amie, il lui expliqua que le chagrin avait pu hater l'issue fatale, mais que le maitre etait malheureusement condamne depuis quelque temps. La maladie de coeur dont il souffrait devait dater d'assez loin deja: beaucoup de surmenage, une part certaine d'heredite, enfin toute sa passion derniere; et le pauvre coeur s'etait brise. --Montons, dit Clotilde. Je veux le voir. En haut, dans la chambre, on avait ferme les volets, le crepuscule melancolique n'etait meme pas entre. Deux cierges brulaient sur une petite table, dans des flambeaux, au pied du lit. Et ils eclairaient d'une pale lueur jaune Pascal etendu, les jambes serrees, les mains ramenees et a demi jointes, sur la poitrine. Pieusement, on avait clos les paupieres. Le visage semblait dormir, bleuatre encore, pourtant apaise deja, dans le flot epandu de la chevelure blanche et de la barbe blanche. Il etait mort depuis une heure et demie a peine. L'infinie serenite commencait, l'eternel repos. A le revoir ainsi, a se dire qu'il ne l'entendait plus, qu'il ne la voyait plus, qu'elle etait seule desormais, qu'elle le baiserait une derniere fois, puis qu'elle le perdrait pour toujours, Clotilde avait eu un grand elan de douleur, s'etait jetee sur le lit, en ne pouvant balbutier que cet appel de tendresse: --Oh! maitre, maitre, maitre.... Ses levres s'etaient posees sur le front du mort; et, comme elle le trouvait refroidi a peine, encore tiede de vie, elle put avoir un instant d'illusion, croire qu'il restait sensible a cette caresse derniere, si longtemps attendue. N'avait-il pas souri dans son immobilite, heureux enfin et pouvant achever de mourir, a present qu'il les sentait la tous deux, elle et l'enfant qu'elle portait? Puis, defaillante devant la terrible realite, elle sanglota de nouveau, eperdument. Martine entrait, avec une lampe, qu'elle posa a l'ecart, sur un coin de la cheminee. Et elle entendit Ramond, qui surveillait Clotilde, inquiet de la voir bouleversee, a ce point, dans sa situation. --Je vais vous emmener, si vous manquez de courage. Songez que vous n'etes pas seule, qu'il y a le cher petit etre, dont il me parlait deja avec tant de joie et de tendresse. Dans la journee, la servante s'etait etonnee de certaines phrases, surprises par hasard. Brusquement, elle comprit; et, comme elle etait sur le point de quitter la chambre, elle s'arreta, elle ecouta encore. Ramond avait baisse la voix. --La clef de l'armoire est sous l'oreiller, il m'a repete plusieurs fois de vous en avertir.... Vous savez ce que vous avez a faire? Clotilde tacha de se rappeler et de repondre. --Ce que j'ai a faire? pour les papiers, n'est-ce pas?... Oui, oui! je me souviens, je dois garder les dossiers et vous donner les autres manuscrits.... N'ayez pas peur, j'ai toute ma tete, je serai tres raisonnable. Mais je ne veux pas le quitter, je vais passer la nuit la, bien tranquille, je vous le promets. XIII 160
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« De nouveau, Clotilde protestait, se desesperait. --Mais comment aurais-je pu savoir?...

J'ai obei, j'ai mis toute ma tendresse dans mon obeissance. --Ah! cria encore Martine, il me semble que j'aurais devine, moi! Ramond intervint, parla doucement.

Il avait repris les mains de son amie, il lui expliqua que le chagrin avait pu hater l'issue fatale, mais que le maitre etait malheureusement condamne depuis quelque temps.

La maladie de coeur dont il souffrait devait dater d'assez loin deja: beaucoup de surmenage, une part certaine d'heredite, enfin toute sa passion derniere; et le pauvre coeur s'etait brise. --Montons, dit Clotilde.

Je veux le voir. En haut, dans la chambre, on avait ferme les volets, le crepuscule melancolique n'etait meme pas entre.

Deux cierges brulaient sur une petite table, dans des flambeaux, au pied du lit.

Et ils eclairaient d'une pale lueur jaune Pascal etendu, les jambes serrees, les mains ramenees et a demi jointes, sur la poitrine.

Pieusement, on avait clos les paupieres.

Le visage semblait dormir, bleuatre encore, pourtant apaise deja, dans le flot epandu de la chevelure blanche et de la barbe blanche.

Il etait mort depuis une heure et demie a peine.

L'infinie serenite commencait, l'eternel repos. A le revoir ainsi, a se dire qu'il ne l'entendait plus, qu'il ne la voyait plus, qu'elle etait seule desormais, qu'elle le baiserait une derniere fois, puis qu'elle le perdrait pour toujours, Clotilde avait eu un grand elan de douleur, s'etait jetee sur le lit, en ne pouvant balbutier que cet appel de tendresse: --Oh! maitre, maitre, maitre.... Ses levres s'etaient posees sur le front du mort; et, comme elle le trouvait refroidi a peine, encore tiede de vie, elle put avoir un instant d'illusion, croire qu'il restait sensible a cette caresse derniere, si longtemps attendue. N'avait-il pas souri dans son immobilite, heureux enfin et pouvant achever de mourir, a present qu'il les sentait la tous deux, elle et l'enfant qu'elle portait? Puis, defaillante devant la terrible realite, elle sanglota de nouveau, eperdument. Martine entrait, avec une lampe, qu'elle posa a l'ecart, sur un coin de la cheminee.

Et elle entendit Ramond, qui surveillait Clotilde, inquiet de la voir bouleversee, a ce point, dans sa situation. --Je vais vous emmener, si vous manquez de courage.

Songez que vous n'etes pas seule, qu'il y a le cher petit etre, dont il me parlait deja avec tant de joie et de tendresse. Dans la journee, la servante s'etait etonnee de certaines phrases, surprises par hasard.

Brusquement, elle comprit; et, comme elle etait sur le point de quitter la chambre, elle s'arreta, elle ecouta encore. Ramond avait baisse la voix. --La clef de l'armoire est sous l'oreiller, il m'a repete plusieurs fois de vous en avertir....

Vous savez ce que vous avez a faire? Clotilde tacha de se rappeler et de repondre. --Ce que j'ai a faire? pour les papiers, n'est-ce pas?...

Oui, oui! je me souviens, je dois garder les dossiers et vous donner les autres manuscrits....

N'ayez pas peur, j'ai toute ma tete, je serai tres raisonnable.

Mais je ne veux pas le quitter, je vais passer la nuit la, bien tranquille, je vous le promets.

Le Docteur Pascal XIII 160. »

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