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Le Misanthrope. ACTE PREMIER. SCENE PREMIERE (Molière)

Publié le 12/07/2011

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ALCESTE. Non, elle est générale, et je hais tous les hommes: Les uns, parce qu'ils sont méchants et malfaisants, Et les autres, pour être aux méchants complaisants, Et n'avoir pas pour eux ces haines vigoureuses Que doit donner le vice aux âmes vertueuses. De cette complaisance on voit l'injuste excès Pour le franc scélérat avec qui j'ai procès; Au travers de son masque on voit à plein le traître; Partout il est connu pour tout ce qu'il peut être; Et ses roulements d'yeux et son ton radouci N'imposent qu'à des gens qui ne sont point d'ici. On sait que ce pied-plat digne qu'on le confonde, Par de sales emplois s'est poussé dans le monde, Et que par eux son sort de splendeur revêtu Fait gronder le mérite et rougir la vertu. Quelques titres honteux qu'en tous lieux on lui donne, Son misérable honneur ne voit pour lui personne; Nommez-le fourbe, infâme et scélérat maudit, Tout le monde en convient, et nul n'y contredit. Cependant sa grimace est partout bienvenue: On l'accueille, on lui rit, partout il s'insinue; Et s'il est, pour la brigue, un rang à disputer, Sur le plus honnête homme on le voit l'emporter. Têtebleu ! ce me sont de mortelles blessures, De voir qu'avec le vice on garde des mesures; Et parfois il me prend des mouvements soudains De fuir dans un désert l'approche des humains.

PHILINTE. Mon Dieu, des mœurs du temps mettons-nous moins en peine, Et faisons un peu grâce à la nature humaine; Ne l'examinons point dans la grande rigueur, Et voyons ses défauts avec quelque douceur. Il faut, parmi le monde, une vertu traitable; A force de sagesse on peut être blâmable; La parfaite raison fuit toute extrémité, Et veut que l'on soit sage avec sobriété. Cette grande roideur des vertus des vieux âges Heurte trop notre siècle et les communs usages: Elle veut aux mortels trop de perfection : Il faut fléchir au temps sans obstination ; Et c'est une folie à nulle autre seconde De vouloir se mêler de corriger le monde

L'ensemble. — Molière a été appelé à juste titre par Boileau « l'auteur du Misanthrope «, c'est dire que cette pièce correspond exactement à la plus haute forme de son génie. L'étude psychologique, sociale, philosophique, la constitue tout entière. C'est d'abord une suite d'analyses de caractères : Alceste, Philinte, Célimène, Arsinoë, offrent toutes les nuances des sentiments humains et des attitudes morales les plus variées. C'est aussi une discussion de théories sociales et même philosophiques : l'homme est-il bon ? est-il mauvais ? comment devons-nous nous conduire à l'égard de nos semblables ? que penser d'eux ? Les thèses opposées sont placées ici dans la bouche d'Alceste et de Philinte. Chacun expose ses arguments, chacun défend sa manière de voir. Comme dans toute discussion philosophique, chacun reste sur ses positions. Il est impossible de conclure. Les raisons sont valables dans l'un et l'autre sens.

Situation du morceau. — Alceste et Philinte, deux gentilshommes, se sont rencontrés en allant chez une jeune veuve de leurs amies, Célimène, qu'aime Alceste. Leur discussion a commencé parce qu'Alceste -s'est indigné de voir Philinte entretenir cordialement quelqu'un dont, ensuite, il n'a pas pu dire le nom. De là, controverse générale sur la politesse, la compréhension optimiste ou pessimiste de l'humanité, les sentiments éprouvés pour nos semblables.

Plan. — 1° Opinion générale d'Alceste; 2° raisons personnelles; 3° résolution ou du moins désir de fuir dans un désert. — 1° Indulgence de Philinte; 2° idéal de vertu moyenne de juste milieu; 3° connaissance du monde et de la vie. Sentiments des personnages. — Alceste est assez noble, mais très égoïste et très aveugle. Il donne des motifs trop personnels à son indignation et ne se rend pas compte que tous les hommes sont ainsi faits. Philinte, ici surtout, voit plus juste, il sait que les mortels ne sont pas parfaits, il est d'un commerce plus agréable et meilleur psychologue.

Idées de Fauteur. — Molière participe à ce qu'il y a de généreux dans l'âme d'Alceste. Il s'indigne devant la sottise et la lâcheté humaine, mais il possède aussi l'indulgence de Philinte et le même idéal de perfection moyenne se fondant sur une exacte connaissance de la vie. Reflet du temps. — Le règne des salons; l'influence des moralistes; conversations sur les idées générales; idéal de juste milieu. Méditation personnelle. — Nous faisons partie de cette humanité que nous jugeons si mal. Transformons-nous donc, élevons-nous avant de songer à « corriger le monde «.

PLAN DE TRAVAIL 1° Imaginez la réponse que vous feriez à Alceste et à Philinte. 2° Mettez en valeur, en vous inspirant des Pensées de Pascal, du Sermon sur la Mort de Bossuet et de l'Homme de Lamartine, ce qui fait que l'homme est à la fois bon et mauvais « ange et bête «.   

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