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LE PROBLÈME DE LA CAUSALITÉ (d'après l'Enquête sur l'Entendement) - HUME

Publié le 05/02/2011

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Nous n'avons pas besoin de craindre que cette philosophie, alors qu'elle tente de limiter nos recherches à la vie courante, sape jamais les raisonnements de la vie courante et porte ses doutes assez loin pour détruire toute action aussi bien que toute spéculation. La nature maintiendra toujours ses droits et prévaudra à la fin sur tous les raisonnements abstraits. Même si nous concluons, par exemple, comme dans la section précédente, que, dans tous les raisonnements tirés de l'expérience, l'esprit fait un pas qui n'est soutenu par aucun argument ni progrès d'entendement, il n'y a aucun danger que ces raisonnements, dont dépend presque toute connaissance, soient jamais affectés par une telle découverte. Si l'esprit n'est pas engagé à faire ce pas par un argument, il doit être entraîné par un autre principe égal en poids et en autorité ; ce principe conservera son influence aussi longtemps que la nature humaine demeurera la même. La nature de ce principe mérite bien qu'on se donne la peine d'enquêter à son sujet.    Supposez qu'un homme, pourtant doué des plus puissantes facultés de raison et de réflexion, soit soudain transporté dans ce monde ; il observerait immédiatement, certes, une continuelle succession d'objets, un événement en suivant un autre ; mais il serait incapable de découvrir autre chose. Il serait d'abord incapable, par aucun raisonnement, d'atteindre l'idée de cause et d'effet, car les pouvoirs particuliers qui accomplissent toutes les opérations naturelles n'apparaissent jamais aux sens ; et il n'est pas raisonnable de conclure, uniquement parce qu'un événement en précède un autre dans un seul cas, que l'un est la cause et l'autre l'effet. Leur conjonction peut être arbitraire et accidentelle. Il n'y a pas de raison d'inférer l'existence de l'un de l'apparition de l'autre. En un mot, un tel homme, sans plus d'expérience, ne ferait jamais de conjecture ni de raisonnement sur aucune question de fait ; il ne serait certain de rien d'autre que de ce qui est immédiatement présent à sa mémoire et à ses sens.    Supposez encore que cet homme ait acquis plus d'expérience et qu'il ait vécu assez longtemps dans le monde pour qu'il ait remarqué la conjonction constante d'objets et d'événements familiers ; que résulte-t-il de cette expérience ? Il infère immédiatement l'existence d'un des objets de l'apparition de l'autre. Il n'a pourtant acquis, par toute son expérience, aucune idée, aucune connaissance du pouvoir caché par lequel l'un des objets produit l'autre ; et ce n'est par aucun progrès de raisonnement qu'il est engagé à tirer cette conclusion. Mais il se trouve toujours déterminé à la tirer ; et, même si on le convainquait que son entendement n'a aucune part dans l'opération, il continuerait pourtant le même cours de pensée. Il y a un autre principe qui le détermine à former une telle conclusion.    Ce principe, c'est l'accoutumance, l'habitude. Car, toutes les fois que la répétition d'une opération ou d'un acte particulier produit une tendance à renouveler le même acte ou la même opération sans l'impulsion d'aucun raisonnement ou progrès de l'entendement, nous disons toujours que cette tendance est l'effet de l'accoutumance. En employant ce mot, nous ne prétendons pas que nous avons donné la raison dernière d'une telle tendance. Nous désignons seulement un principe de la nature humaine, universellement reconnu et bien connu par ses effets.

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