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LE RÉGIME DÉMOCRATIQUE

Publié le 22/08/2011

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- D'abord n'est-on pas libre dans cette cité? Celle-ci n'y offre-t-elle pas licence et franc-parler à pleins bords avec la permission d'y faire ce qu'on veut? - Du moins à ce qu'on dit. - Mais, puisque permission il y a, il est évident que chacun peut s'y ménager le genre de vie qui lui plaît. - Evidemment. - Alors, sous un pareil régime, je pense, les citoyens prennent plus qu'ailleurs des aspects qui les différencient? - C'est forcé. - Cela risque bien d'être le plus beau des régimes. Tel qu'un manteau brodé de mille fleurs, ce régime bariolé aux mille caractères paraîtrait sûrement le plus magnifique. Et peut-être, ai-je ajouté, de même que les enfants et les femmes en admiration devant des broderies, peut-être beaucoup de gens l'estimeraient tel en effet. - Bien sûr. - Et c'est là qu'il est facile, heureux homme, de se mettre en quête d'une constitution. - Comment cela? - Parce qu'il en contient toutes sortes, et il semble bien que pour celui qui a l'intention d'organiser une cité - ce que nous faisons en ce moment - il n'y aurait qu'à visiter une cité démocratique pour choisir le régime à son goût, comme s'il parcourait une foire aux constitutions. Son choix fait, il n'aurait plus qu'à l'installer. - Sans doute fit-il, il ne manquerait pas de modèles. - Vrai, ai-je ajouté, le fait de n'être nullement obligé de commander dans une pareille cité, même si tu es capable de le faire; ni de se laisser commander, si tu ne le veux pas; ni de partir à la guerre quand les autres y partent, ni de rester en paix quand les autres y restent, si la paix ne te dit rien; et encore, quand quelque loi t'interdit de commander ou de juger, n'en commander et n'en juger pas moins, si cela te plaît; voyons, une telle condition n'est-elle pas à première vue délicieusement divine? - Sans doute, à première vue. - Et quoi encore? La complaisance à l'égard de certains condamnés n'y est-elle pas charmante? N'as-tu pas vu par hasard, sous pareil régime, des individus condamnés à mort ou à l'exil, qui ne s'y maintiennent pas moins et se promènent en public à la manière de fantômes ambulants, comme s'ils n'étaient ni vus ni connus de personne. - Bien sûr, des quantités! - Et cette indulgence avec cette absence complète de mesquinerie; ce mépris, au contraire, de ce principe que nous respections dans nos déclarations, quand nous organisions notre ville, à savoir qu'à moins d'être doué d'une excellente nature, on ne saurait devenir un homme de bien si, dès l'enfance, on ne jouait au milieu des belles choses, et si l'on ne suivait tout le beau programme des études! Hein! avec quelle superbe on foule aux pieds ce principe! On ne se soucie nullement de savoir à partir de quelle base d'instruction tel ou tel individu se lance dans la politique active; il suffit pour qu'on l'honore qu'il se déclare l'ami du peuple. - Voilà bien de la largeur d'esprit, fit-il. - Oui, voilà ce que la démocratie possède à son actif avec d'autres avantages secondaires, et ce serait, à ce qu'il semble, un système agréable, souple, varié, propre à établir aussi bien une certaine égalité entre des éléments inégaux.

PLATON. La République, Livre VIII

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