Le Ventre de Paris --Eh bien, ca va-t-il a un sou?
Publié le 11/04/2014
Extrait du document
«
Certainement.
C'est que, voyez-vous, je le mettrai dans un coin du tableau.
Il fera bien, a gauche du poulailler.
J'ai
reflechi a ca toute la semaine...
Hein! les beaux legumes, ce matin je suis descendu de bonne heure, me
doutant qu'il y aurait un lever de soleil superbe sur ces gredins de choux.
Il montrait du geste toute la longueur du carreau.
La maraichere reprit:
Eh bien, je m'en vais.
Adieu...
A bientot, monsieur Claude!
Et comme elle partait, presentant Florent au jeune peintre:
Tenez, voila monsieur qui revient de loin, parait-il.
Il ne se reconnait plus dans votre gueux de Paris.
Vous
pourriez peut-etre lui donner un bon renseignement.
Elle s'en alla enfin, heureuse de laisser les deux hommes ensemble.
Claude regardait Florent avec interet;
cette longue figure, mince et flottante, lui semblait originale.
La presentation de madame Francois suffisait;
et, avec la familiarite d'un flaneur habitue a toutes les rencontres de hasard, il lui dit tranquillement:
Je vous accompagne.
Ou allez-vous?
Florent resta gene.
Il se livrait moins vite; mais, depuis son arrivee, il avait une question sur les levres.
Il se
risqua, il demanda, avec la peur d'une reponse facheuse:
Est-ce que la rue Pirouette existe toujours?
Mais oui, dit le peintre.
Un coin bien curieux du vieux Paris, cette rue-la! Elle tourne comme une
danseuse, et les maisons y ont des ventres de femme grosse...
J'en ai fait une eau-forte pas trop mauvaise.
Quand vous viendrez chez moi, je vous la montrerai...
C'est la que vous allez?
Florent, soulage, ragaillardi par la nouvelle que la rue Pirouette existait, jura que non, assura qu'il n'avait
nulle part a aller.
Toute sa mefiance se reveillait devant l'insistance de Claude.
Ca ne fait rien, dit celui-ci, allons tout de meme rue Pirouette.
La nuit, elle est d'une couleur!...
Venez
donc, c'est a deux pas.
Il dut le suivre.
Ils marchaient cote a cote, comme deux camarades, enjambant les paniers et les legumes.
Sur
le carreau de la rue Rambuteau, il y avait des tas gigantesques de choux-fleurs, ranges en piles comme des
boulets, avec une regularite surprenante.
Les chairs blanches et tendres des choux s'epanouissaient, pareilles a
d'enormes roses, au milieu des grosses feuilles vertes, et les tas ressemblaient a des bouquets de mariee,
alignes dans des jardinieres colossales.
Claude s'etait arrete, en poussant de petits cris d'admiration.
Puis, en face, rue Pirouette, il montra, expliqua chaque maison.
Un seul bec de gaz brulait dans un coin.
Les
maisons, tassees, renflees, avancaient leurs auvents comme des ventres de femme grosse, selon
l'expression du peintre, penchaient leurs pignons en arriere, s'appuyaient aux epaules les unes des autres.
Trois ou quatre, au contraire, au fond de trous d'ombre, semblaient pres de tomber sur le nez.
Le bec de gaz
en eclairait une, tres-blanche, badigeonnee a neuf, avec sa taille de vieille femme cassee et avachie, toute
poudree a blanc, peinturluree comme une jeunesse.
Puis la file bossuee des autres s'en allait, s'enfoncant en
plein noir, lezardee, verdie par les ecoulements des pluies, dans une debandade de couleurs et d'attitudes telle,
que Claude en riait d'aise.
Florent s'etait arrete au coin de la rue de Mondetour, en face de l'avant-derniere
maison, a gauche.
Les trois etages dormaient, avec leurs deux fenetres sans persiennes, leurs petits rideaux Le Ventre de Paris
Le Ventre de Paris 10.
»
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