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« Les artistes contre la Tour Eiffel ». Paris et ses monuments. (Journal Le Temps)

Publié le 22/03/2011

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eiffel

   Nous venons, écrivains, peintres, sculpteurs, architectes amateurs passionnés de la beauté, jusqu'ici intacte, de Paris, protester de toutes nos forces, de toute notre indignation, au nom du goût français méconnu, au nom de l'art et de l'histoire français menacés, contre l'érection, en plein cœur de notre capitale, de l'inutile et monstrueuse Tour Eiffel, que la malignité publique, souvent empreinte de bon sens et d'esprit de justice, a déjà baptisé du nom de « Tour de Babel «    Sans tomber dans l'exaltation du chauvinisme, nous avons le droit de proclamer bien haut que Paris est la ville sans rivale dans le monde. Au-dessus de ses rues, de ses boulevards élargis, du milieu de ses magnifiques promenades, surgissent les plus nobles monuments que le genre humain ait enfantés. L'âme de la France, créatrice de chefs-d'œuvre, resplendit parmi cette floraison auguste de pierre. L'Italie, l'Allemagne, les Flandres, si fières à juste titre de leur héritage artistique, ne possèdent rien qui soit comparable au nôtre, et de tous les coins de l'univers Paris attire les curiosités et les admirations.    Allons-nous donc laisser profaner tout cela ? La ville de Paris va-t-elle donc s'associer plus longtemps aux baroques, aux mercantiles imaginations d'un constructeur de machines pour s'enlaidir irréparablement et se déshonorer?    Car la Tour Eiffel, dont la commerciale Amérique elle-même ne voudrait pas, c'est, n'en doutez point, le déshonneur de Paris. Chacun le sent, chacun le dit, chacun s'en afflige profondément et nous ne sommes qu'un faible écho de l'opinion universelle, si légitimement alarmée. Enfin lorsque les étranger viendront visiter notre exposition, ils s'écrieront, étonnés « Quoi ! c'est cette horreur que les Français ont trouvée pou nous donner une idée de leur goût si fort vanté ?« Et ils auront raison de se moquer de nous parce que le Paris des gothiques sublimes, le Paris de Jean Goujon, de Germain Pilon, de Puget de Rude, de Barye, etc... sera devenu le Paris de M. Eiffel.    il suffit d'ailleurs pour se rendre compte de ce que nous avançons, de se figurer un instant une tour vertigineusement ridicule dominant Paris, ainsi qu'une gigantesque cheminée d'usine, écrasant de sa masse barbare Notre-Dame, la Sainte-Chapelle, le dôme des Invalides, l'Arc de Triomphe, tous nos monuments humiliés, toutes nos architectures rapetissées, qui disparaîtront dans ce rêve stupéfiant. Et pendant vingt ans nous verrons s'allonger sur la ville entière, frémissante encore du génie de tant de siècles, nous verrons s'allonger comme une tache d'encre l'ombre odieuse de l'odieuse colonne de tôle boulonnée...    Questions :    1) Résumez ce texte en une dizaine de lignes.    2) Expliquez les mots et expressions : « malignité publique; chauvinisme; floraison auguste de pierre «.    3) Dans les situations analogues qui peuvent se présenter aujourd'hui, une réaction comme celle des journalistes de 1887 vous paraît-elle justifiée ?

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