Devoir de Philosophie

Les Cinq Cents Millions de la Begum (( Est-ce que ces nouveaux boulons d'acier vaudront mieux que ceux dont vous nous aviez montré le dessin ?

Publié le 12/04/2014

Extrait du document

Les Cinq Cents Millions de la Begum (( Est-ce que ces nouveaux boulons d'acier vaudront mieux que ceux dont vous nous aviez montré le dessin ? demandait Jeanne, qui s'intéressait à tous les travaux de la défense. Sans nul doute, mademoiselle, répondait Marcel. Ah ! j'en suis bien heureuse ! Mais que le moindre détail industriel représente de recherche et de peine !... Vous me disiez que le génie a creusé hier cinq cents nouveaux mètres de fossés ? C'est beaucoup, n'est-ce pas ? Mais non, ce n'est même pas assez ! De ce train-là nous n'aurons pas terminé l'enceinte à la fin du mois. Je voudrais bien la voir finie, et que ces affreux Schultziens arrivassent ! Les hommes sont bien heureux de pouvoir agir et se rendre utiles. L'attente est ainsi moins longue pour eux que pour nous, qui ne sommes bonnes à rien. Bonnes à rien ! s'écriait Marcel, d'ordinaire plus calme, bonnes à rien. Et pour qui donc, selon vous, ces braves gens, qui ont tout quitté pour devenir soldats, pour qui donc travaillent-ils, sinon pour assurer le repos et le bonheur de leurs mères, de leurs femmes, de leurs fiancées ? Leur ardeur, à tous, d'où leur vient-elle, sinon de vous, et à qui ferez vous remonter cet amour du sacrifice, sinon... )) Sur ce mot, Marcel, un peu confus, s'arrêta. Mlle Jeanne n'insista pas, et ce fut la bonne Mme Sarrasin qui fut obligée de fermer la discussion, en disant au jeune homme que l'amour du devoir suffisait sans doute à expliquer le zèle du plus grand nombre. Et lorsque Marcel, rappelé par la tâche impitoyable, pressé d'aller achever un projet ou un devis, s'arrachait à regret à cette douce causerie, il emportait avec lui l'inébranlable résolution de sauver France-Ville et le moindre de ses habitants. Il ne s'attendait guère à ce qui allait arriver, et, cependant, c'était la conséquence naturelle, inéluctable, de cet état de choses contre nature, de cette concentration de tous en un seul, qui était la loi fondamentale de la Cité de l'Acier. XV LA BOURSE DE SAN FRANCISCO La Bourse de San Francisco, expression condensée et en quelque sorte algébrique d'un immense mouvement industriel et commercial, est l'une des plus animées et des plus étranges du monde. Par une conséquence naturelle de la position géographique de la capitale de la Californie, elle participe du caractère cosmopolite, qui est un de ses traits les plus marqués. Sous ses portiques de beau granit rouge, le Saxon aux cheveux blonds, à la taille élevée, coudoie le Celte au teint mat, aux cheveux plus foncés, aux membres plus souples et plus fins. Le Nègre y rencontre le Finnois et l'Indu. Le Polynésien y voit avec surprise le Groenlandais. Le Chinois aux yeux obliques, à la natte soigneusement tressée, y lutte de finesse avec le Japonais, son ennemi historique. Toutes les langues, tous les dialectes, tous les jargons s'y heurtent comme dans une Babel moderne. L'ouverture du marché du 12 octobre, à cette Bourse unique au monde, ne présenta rien d'extraordinaire. Comme onze heures approchaient, on vit les principaux courtiers et agents d'affaires s'aborder gaiement ou gravement, selon leurs tempéraments particuliers, échanger des poignées de main, se diriger vers la buvette et préluder, par des libations propitiatoires, aux opérations de la journée. Ils allèrent, un à un, ouvrir la petite porte de cuivre des casiers numérotés qui reçoivent, dans le vestibule, la correspondance des abonnés, en tirer d'énormes paquets de lettres et les parcourir d'un oeil distrait. XV LA BOURSE DE SAN FRANCISCO 73 Les Cinq Cents Millions de la Begum Bientôt, les premiers cours du jour se formèrent, en même temps que la foule affairée grossissait insensiblement. Un léger brouhaha s'éleva des groupes, de plus en plus nombreux. Les dépêches télégraphiques commencèrent alors à pleuvoir de tous les points du globe. Il ne se passait guère de minute sans qu'une bande de papier bleu, lue à tue-tête au milieu de la tempête des voix, vînt s'ajouter sur la muraille du nord à la collection des télégrammes placardés par les gardes de la Bourse. L'intensité du mouvement croissait de minute en minute. Des commis entraient en courant, repartaient, se précipitaient vers le bureau télégraphique, apportaient des réponses. Tous les carnets étaient ouverts, annotés, raturés, déchirés. Une sorte de folie contagieuse semblait avoir pris possession de la foule, lorsque, vers une heure, quelque chose de mystérieux sembla passer comme un frisson à travers ces groupes agités. Une nouvelle étonnante, inattendue, incroyable, venait d'être apportée par l'un des associés de la Banque du Far West et circulait avec la rapidité de l'éclair. Les uns disaient : (( Quelle plaisanterie !... C'est une manoeuvre ! Comment admettre une bourde pareille ? Eh ! eh ! faisaient les autres, il n'y a pas de fumée sans feu ! Est-ce qu'on sombre dans une situation comme celle-là ? On sombre dans toutes les situations ! Mais, monsieur, les immeubles seuls et l'outillage représentent plus de quatre-vingts millions de dollars ! s'écriait celui-ci. Sans compter les fontes et aciers, approvisionnements et produits fabriqués ! répliquait celui-là. Parbleu ! c'est ce que je disais ! Schultze est bon pour quatre-vingt- dix millions de dollars, et je me charge de les réaliser quand on voudra sur son actif ! Enfin, comment expliquez-vous cette suspension de paiements ? Je ne me l'explique pas du tout !... Je n'y crois pas ! Comme si ces choses-là n'arrivaient pas tous les jours et aux maisons réputées les plus solides ! Stahlstadt n'est pas une maison, c'est une ville ! Après tout, il est impossible que ce soit fini ! Une compagnie ne peut manquer de se former pour reprendre ses affaires ! Mais pourquoi diable Schultze ne l'a-t-il pas formée, avant de se laisser protester ? Justement, monsieur, c'est tellement absurde que cela ne supporte pas l'examen ! C'est purement et simplement une fausse nouvelle, probablement lancée par Nash, qui a terriblement besoin d'une hausse sur les aciers ! Pas du tout une fausse nouvelle ! Non seulement Schultze est en faillite, mais il est en fuite ! XV LA BOURSE DE SAN FRANCISCO 74

« Bientôt, les premiers cours du jour se formèrent, en même temps que la foule affairée grossissait insensiblement.

Un léger brouhaha s'éleva des groupes, de plus en plus nombreux. Les dépêches télégraphiques commencèrent alors à pleuvoir de tous les points du globe.

Il ne se passait guère de minute sans qu'une bande de papier bleu, lue à tue-tête au milieu de la tempête des voix, vînt s'ajouter sur la muraille du nord à la collection des télégrammes placardés par les gardes de la Bourse. L'intensité du mouvement croissait de minute en minute.

Des commis entraient en courant, repartaient, se précipitaient vers le bureau télégraphique, apportaient des réponses.

Tous les carnets étaient ouverts, annotés, raturés, déchirés.

Une sorte de folie contagieuse semblait avoir pris possession de la foule, lorsque, vers une heure, quelque chose de mystérieux sembla passer comme un frisson à travers ces groupes agités. Une nouvelle étonnante, inattendue, incroyable, venait d'être apportée par l'un des associés de la Banque du Far West et circulait avec la rapidité de l'éclair. Les uns disaient : (( Quelle plaisanterie !...

C'est une manoeuvre ! Comment admettre une bourde pareille ? \24 Eh ! eh ! faisaient les autres, il n'y a pas de fumée sans feu ! \24 Est-ce qu'on sombre dans une situation comme celle-là ? \24 On sombre dans toutes les situations ! \24 Mais, monsieur, les immeubles seuls et l'outillage représentent plus de quatre-vingts millions de dollars ! s'écriait celui-ci. \24 Sans compter les fontes et aciers, approvisionnements et produits fabriqués ! répliquait celui-là. \24 Parbleu ! c'est ce que je disais ! Schultze est bon pour quatre-vingt- dix millions de dollars, et je me charge de les réaliser quand on voudra sur son actif ! \24 Enfin, comment expliquez-vous cette suspension de paiements ? \24 Je ne me l'explique pas du tout !...

Je n'y crois pas ! \24 Comme si ces choses-là n'arrivaient pas tous les jours et aux maisons réputées les plus solides ! \24 Stahlstadt n'est pas une maison, c'est une ville ! \24 Après tout, il est impossible que ce soit fini ! Une compagnie ne peut manquer de se former pour reprendre ses affaires ! \24 Mais pourquoi diable Schultze ne l'a-t-il pas formée, avant de se laisser protester ? \24 Justement, monsieur, c'est tellement absurde que cela ne supporte pas l'examen ! C'est purement et simplement une fausse nouvelle, probablement lancée par Nash, qui a terriblement besoin d'une hausse sur les aciers ! \24 Pas du tout une fausse nouvelle ! Non seulement Schultze est en faillite, mais il est en fuite ! Les Cinq Cents Millions de la Begum XV LA BOURSE DE SAN FRANCISCO 74. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles