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Les Précieuses ridicules. SCENE IX - Molière

Publié le 12/07/2011

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MAGDELON. — Eh ! mon Dieu, nous vous serons obligées de la dernière obligation, si vous nous faites cette amitié ; car enfin il faut avoir la connaissance de tous ces messieurs-là, si l'on veut être du beau monde. Ce sont eux qui donnent le branle à la réputation dans Paris, et vous savez qu'il y en a tel dont il ne faut que la seule fréquentation pour vous donner bruit de connaisseuse, quand il n'y aurait rien autre chose que cela. Mais pour moi, ce que je considère particulièrement, c'est que, par le moyen de ces visites spirituelles, on est instruite de cent choses qu'il faut savoir de nécessité, et qui sont de l'essence du bel esprit. On apprend par là chaque jour les petites nouvelles galantes, les jolis commerces de prose et de vers. On sait à point nommé: « Un tel a composé la plus jolie pièce du monde sur un tel sujet; une telle a fait des paroles sur un tel air; celui-ci a fait un madrigal sur une jouissance; celui-là a composé des stances sur une infidélité: Monsieur un tel écrivit hier au soir un sixain à Mademoiselle une telle, dont elle lui a envoyé la réponse ce matin à huit heures; un tel auteur a fait un tel dessein; celui-là en est à la troisième partie de son roman ; cet autre met ses ouvrages sous la presse. « C'est là ce qui vous fait valoir dans les compagnies; et si l'on ignore ces choses, je ne donnerais pas un clou de tout l'esprit qu'on peut avoir.

L'ensemble. — Dans ce fragment, Magdelon, femme précieuse, peu au courant des usages, montre naïvement sa vanité, son manque de culture, sa puérilité et sa gaucherie. Elle ne veut s'occuper de littérature que pour briller dans le monde, pour alimenter son bavardage de salons. Molière profite de cet étalage de stupidités pour blâmer la littérature précieuse qui ne se fonde en général que sur ces considérations frivoles, qui ne comprend rien à l'élan de l'âme vers le beau et le vrai, à la véritable culture de l'intelligence. Il critique la littérature de salon dont l'influence déforme et rabaisse les grands esprits; il rompt avec ces « petits vers galants « tant aimés à l'Hôtel de Rambouillet, mais dont le développement était en train de corrompre les lettres françaises. L'élément comique est fourni par un quiproquo : Magdelon s'adresse à un valet, Mascarille, qu'elle prend pour un grand seigneur bel esprit. 

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