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LES REGLES, LA NATURE, LE GENIE.

Publié le 08/07/2011

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Les règles étaient encore fort bien portantes au début du xix9 siècle. Dans la Préface de Cromwell (1827), manifeste du romantisme, Victor Hugo part en guerre contre elles en ces termes : Disons-le donc hardiment : le temps en est venu, et il serait étrange qu'à cette époque, la liberté, comme la lumière, pénétrât partout, excepté dans ce qu'il y a de plus native- ment libre au monde, les choses de la pensée. Mettons le marteau dans les théories, les poétiques et les systèmes. Jetons bas ce vieux plâtrage qui masque la façade de l'art ! Il n'y a ni règles ni modèles ; ou plutôt il n'y a d'autres règles que les lois générales de la nature, qui planent sur l'art tout entier, et les lois spéciales qui, pour chaque composition, résultent des conditions propres à chaque sujet. Les unes sont éternelles, intérieures et restent ; les autres variables, extérieures et ne servent qu'une fois. Les premières sont la charpente qui soutient la maison ; les secondes, l'échafaudage qui sert à la bâtir et qu'on refait à chaque édifice. Celles-ci enfin sont l'ossement, celles-là le vêtement du drame. Du reste, ces règles-là ne s'écrivent pas dans les poétiques. Richelet * ne s'en doute pas. Le génie, qui devine plutôt qu'il n'apprend, extrait, pour chaque ouvrage, les premières, de l'ordre général des choses, les secondes, de l'ensemble isolé du sujet qu'il traite ; non pas à la façon du chimiste qui allume son fourneau, souffle son feu, chauffe son creuset, analyse et détruit ; mais à la manière de l'abeille qui vole sur ses ailes d'or, se pose sur chaque fleur et en tire son miel* sans que le calice perde rien de son éclat, la corolle rien de son parfum. Le poète, insistons sur ce point, ne doit donc prendre conseil que de la nature, de la vérité et de l'inspiration qui est aussi une vérité et une nature.

VICTOR HUGO.

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