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« L'homme n'est qu'un animal, ou un assemblage de ressorts »

Publié le 02/03/2011

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En faut-il davantage [... ] pour prouver que l'Homme n'est qu'un Animal, ou V--v un assemblage de ressorts, qui tous se montent les uns par les autres, sans qu'on puisse dire par quel point du cercle humain la Nature a commencé? Si ces ressorts diffèrent entre eux, ce n'est donc que par leur siège et par quelques degrés de force, et jamais par leur nature ; et par conséquent l'âme n'est qu'un principe de mouvement, ou une partie matérielle sensible du cerveau qu'on peut, sans craindre l'erreur, regarder comme un ressort principal de toute la machine, qui a une influence visible sur tous les autres, et même paraît avoir été fait le premier ; en sorte que tous les autres n'en seraient qu'une émanation, comme on le verra par quelques observations que je rapporterai et qui ont été faites sur divers embryons. Cette oscillation naturelle ou propre à notre machine, et dont est douée chaque fibre et, pour ainsi dire, chaque élément fibreux, semblable à celle d'une pendule, ne peut toujours s'exercer. Il faut la renouveler à mesure qu'elle se perd ; lui donner des forces quand elle languit ; l'affaiblir, lorsqu'elle est opprimée par un excès de force et de vigueur. C'est en cela seul que la vraie médecine consiste. Le corps n'est qu'une horloge, dont le nouveau chyle est l'horloger. Le premier soin de la Nature, quand il entre dans le sang, c'est d'y exciter une sorte de fièvre que les chimistes qui ne rêvent que fourneaux ont dû prendre pour une fermentation. Cette fièvre procure une plus grande filtration d'esprits, qui machinalement vont animer les muscles et le cœur, comme s'ils y étaient envoyés par ordre de la volonté. Ce sont donc les causes ou les forces de la vie, qui entretiennent ainsi durant cent ans le mouvement perpétuel des solides et des fluides, aussi nécessaire aux uns qu'aux autres. Mais qui peut dire si les solides contribuent à ce jeu plus que les fluides, et vice versai Tout ce qu'on sait, c'est que l'action des premiers serait bientôt anéantie, sans le secours des seconds. Ce sont des liqueurs qui par leur choc éveillent et conservent l'élasticité des vaisseaux, de laquelle dépend leur propre circulation. De là vient qu'après la mort, le ressort naturel de chaque substance est plus ou moins fort encore suivant les restes de la vie, auxquels il survit, pour expirer le dernier. Tant il est vrai que cette force des parties animales peut bien se conserver et s'augmenter par celle de la circulation, mais qu'elle n'en dépend point, puisqu'elle se passe même de l'intégrité de chaque membre ou viscère, comme on l'a vu. [... ] Qu'on m'accorde seulement que la matière organisée est douée d'un principe moteur, qui seul la différencie de celle qui ne l'est pas (eh ! peut-on rien refuser à l'observation la plus incontestable?), et que tout dépend dans les animaux de la diversité de cette organisation, comme je l'ai assez prouvé : c'en est assez pour deviner l'énigme des substances et celle de l'homme. On voit qu'il n'y en a qu'une dans l'univers, et que l'homme est la plus parfaite. Il est au singe, aux animaux les plus spirituels, ce que la pendule planétaire de Huygens est à une montre de Julien le Roi. [...] Il était donc de même nécessaire que la Nature employât plus d'art et d'appareil pour faire et entretenir une machine qui pendant un siècle entier pût marquer tous les battements du cœur et de l'esprit; car si on n'en voit pas au pouls les heures, c'est du moins le baromètre de la chaleur et de la vivacité, par laquelle on peut juger de la nature de l'âme. Je ne me trompe point : le corps humain est une horloge, mais immense, et construite avec tant d'artifice et d'habileté, que si la roue qui sert à marquer les secondes vient à s'arrêter, celle des minutes tourne et va toujours son train ; comme la roue des quarts continue de se mouvoir, et ainsi des autres, quand les premières, rouillées ou dérangées par quelque cause que ce soit, ont interrompu leur marche. L'HOMME-MACHINE, 1748.

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