Devoir de Philosophie

L'Homme. RÉSIGNATION ET PRIÈRE

Publié le 10/07/2011

Extrait du document

Je suis pour accomplir tes ordres souverains ; Dispose, ordonne, agis; dans les temps, dans l'espace. Marque-moi pour ta gloire et mon jour et ma place : Mon être, sans se plaindre et sans t'interroger, De soi-même, en silence, accourra s'y ranger. Comme ces globes d'or qui dans les champs du vide Suivent avec amour ton ombre qui les guide, Noyé dans la lumière ou perdu dans la nuit, Je marcherai comme eux où ton doigt me conduit: Soit que, choisi par toi pour éclairer les mondes, Réfléchissant sur eux les feux dont tu m'inondes, Je m'élance entouré d'esclaves radieux, Et franchisse d'un pas tout l'abîme des cieux; Soit que, me reléguant loin, bien loin de ta vue, Tu ne fasses de moi, créature inconnue, Qu'un atome oublié sur les bords du néant, Ou qu'un grain de poussière emporté par le vent, Glorieux de mon sort, puisqu'il est ton ouvrage, J'irai, j'irai partout te rendre un même hommage, Et, d'un égal amour accomplissant ta loi, Jusqu'aux bords du néant murmurer: « Gloire à toi ! « Ni si haut, ni si bas! simple enfant de la terre, Mon sort est un problème, et ma fin un mystère; Je ressemble, Seigneur, au globe de la nuit, _ Qui, dans la route obscure où ton doigt le conduit, Réfléchit d'un côté les clartés éternelles, Et de l'autre est plongé dans les ombres mortelles. L'homme est le point fatal où les deux infinis Par la toute-puissance ont été réunis. A tout autre degré, moins malheureux peut-être, J'eusse été... Mais je suis ce que je devais être; J'adore sans la voir ta suprême raison: Gloire à toi qui m'as fait! ce que tu fais est bon. Cependant, accablé sous le poids de ma chaîne, Du néant au tombeau l'adversité m'entraîne; Je marche dans la nuit par un chemin mauvais, Ignorant d'où je viens, incertain où je vais, Et je rappelle en vain ma jeunesse écoulée, Comme l'eau du torrent dans sa source troublée. Gloire à toi! le malheur en naissant m'a choisi, Comme un jouet vivant ta droite m'a saisi: J'ai mangé dans les pleurs le pain de ma misère, Et tu m'as abreuvé des eaux de ta colère. Gloire à toi! J'ai crié, tu n'as pas répondu: J'ai jeté sur la terre un regard confondu ; J'ai cherché dans le ciel le jour de ta justice; Il s'est levé, Seigneur, et c'est pour mon supplice.

L'ensemble. — Tout ce passage semble un seul cri de foi et d'amour. Lamartine avait une âme profondément religieuse, qui sentait l'action de Dieu dans la Nature et dans la Vie, mais, pour convertir Byron, ou du moins pour répondre à ses objections, il exagère le caractère aveugle de sa croyance et, tandis qu'il montre l'homme accablé par tous les maux que Dieu lui envoie, il manifeste dans son acceptation, dans sa résignation sublime, une générosité supérieure à sa destinée. Là encore, il rappelle sa grande douleur,

Les mots : néant (du latin nihil) : rien. les deux infinis : allusion à la célèbre page de Pascal sur l'infini de grandeur et l'infini de petitesse qui entourent et angoissent l'homme.

Liens utiles