Devoir de Philosophie

LOTI : Le Roman d'un spahi

Publié le 18/07/2012

Extrait du document

loti

À l'entrée de Saint-Louis, Fatou-gaye était postée depuis le

matin, pour ne pas manquer l'arrivée de la colonne.

Quand elle vit Jean passer, elle le salua d'un « kéou « discret,

accompagné d'une petite révérence très comme il faut.·

Elle ne voulut pas l'inquiéter davantage dans les rangs et eut

le bon goût d'attendre deux grandes heures pour venir lui

présenter ses compliments au quartier.

Fatou avait beaucoup changé. En trois mois, elle avait

grandi et s'était développée tout d'un coup, comme font les

plantes de son pays.

Elle ne demandait plus de sous. Elle avait même acquis une

certaine grâce de timidité qui sentait la jeune fille.

Un boubou de mousseline blanche couvrait maintenant sa

poitrine arrondie, comme cela est d'usage pour les petites

filles qui deviennent nubiles. Elle sentait très bien le musc et

le soumaré.

Plus de petites queues raides sur la tête ; elle laissait pousser

ses cheveux, qui allaient dans quelque temps être livrés aux

mains habiles des coiffeuses pour devenir l'échafaudage compliqué

qui doit surmonter la tête d'une femme africaine.

Pour le moment, trop courts encore; ils s'épanouissaient en

masses ébouriffées et crépues, et cela changeait absolument

sa physionomie, qui, de gentille et comique, était devenue

gracieuse et originale, presque charmante.

loti

« d'autrefois, ses promenades à la plage et ses longues courses dans la campagne.

Ces mois de calme et de rêverie qu'il venait de passer au campement lui avaient fait du bien.

Il avait à peu près retrouvé son équilibre moral; l'image de ses vieux parents, de sa toute jeune fiancée r attendant, confiante, au village, avait repris sur lui tout leur charme honnête, tout leur empire.

Il avait bien fini ses enfantillages et ses bravades, et, à présent, il ne s' expli­ quait plus comment dame Virginie avait pu le compter parmi ses clients.

Non seulement il s'était juré de ne plus boire ·d'absinthe, mais aussi de rester maintenant fidèle à sa fiancée, jusqu'au bienheureux jour de leur mariage.

XXVIII L'air était chargé d'effluves lourds et brûlants de senteurs vitales, de parfums de jeunes plantes.

La nature se dépêchait d'accomplir ses enfantements prodigieux.

Autrefois, Jean, aux premiers moments de son arrivée, avait jeté un même regard de dégoût sur cette population noire : à ses yeux, tous se ressemblaient ; c'était toujours pour lui le même masque simiesque, et, sous ce poli d'ébène huilé, il n'eût pas su reconnaître un individu d'un autre.

Peu à peu pourtant il s'était fait à ces visages; maintenant il les distinguait ; en voyant passer les filles noires aux brace­ lets d'argent, il les comparait: il trouvait celle-ci laide, cel1e-là jolie - celle-ci fine, celle-là bestiale -; les négresses avaient pour lui une physionomie tout comme les femmes blanches, et lui répugnaient moins.

XXIX Juin ! C'était bien un printemps - mais un printemps de là-bas, rapide, enfiévré, avec des odeurs énervantes, des lour­ deurs d'orage.

C'était le retour des papillons, des oiseaux, de la vie ; les colibris avaient quitté leur robe grise pour reprendre leurs couleurs éclatantes de l'été.

Tout verdissait comme par enchantement, un peu d'ombre tiède et molle descendait maintenant des arbres feuillus sur le sol humide ; les mimosas, fleuris à profusion, ressemblaient à d'énormes bouquets, à de grosses houppes roses ou orangées, dans lesquelles les colibris. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles