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lui reconnaître.

Publié le 04/11/2013

Extrait du document

lui reconnaître. * Toutes les grandes actions et toutes les grandes pensées ont un commencement dérisoire. Les grandes uvres naissent souvent au détour d'une rue ou dans le tambour d'un restaurant. Ainsi de l'absurdité. Le onde absurde plus qu'un autre tire sa noblesse de cette naissance misérable. Dans certaines situations épondre : « rien « à une question sur la nature de ses pensées peut être une feinte chez un homme. Les tres aimés le savent bien. Mais si cette réponse est sincère, si elle figure ce singulier état d'âme où le ide devient éloquent, où la chaîne des gestes quotidiens est rompue, où le coeur cherche en vain le maillon ui la renoue, elle est alors comme le premier signe de l'absurdité. Il arrive que les décors s'écroulent. Lever, tramway, quatre heures de bureau ou d'usine, repas, ramway, quatre heures de travail, repas, sommeil et lundi mardi mercredi jeudi vendredi et samedi sur le ême rythme, cette route se suit aisément la plupart du temps. Un jour seulement, le « pourquoi « s'élève t tout commence dans cette lassitude teintée d'étonnement. « Commence «, ceci est important. La assitude est à la fin des actes d'une vie machinale, mais elle inaugure en même temps le mouvement de la conscience. Elle l'éveille et elle provoque la suite. La suite, c'est le retour inconscient dans la chaîne, ou c'est l'éveil définitif. Au bout de l'éveil vient, avec le temps, la conséquence : suicide ou rétablissement. En soi, la lassitude a quelque chose d'écoeurant. Ici, je dois conclure qu'elle est bonne. Car tout commence par la conscience et rien ne vaut que par elle. Ces remarques n'ont rien d'original. Mais elles sont évidentes : cela suffit pour un temps, à l'occasion d'une reconnaissance sommaire dans les origines de l'absurde. Le simple « souci « est à l'origine de tout. De même et pour tous les jours d'une vie sans éclat, le temps nous porte. Mais un moment vient toujours où il faut le porter. Nous vivons sur l'avenir : « demain «, « plus tard «, « quand tu auras une situation «, « avec l'âge tu comprendras «. Ces inconséquences sont admirables, car enfin il s'agit de mourir. Un jour vient pourtant et l'homme constate ou dit qu'il a trente ans. Il affirme ainsi sa jeunesse. ais du même coup, il se situe par rapport au temps. Il y prend sa place. Il reconnaît qu'il est à un certain moment d'une courbe qu'il confesse devoir parcourir. Il appartient au temps et, à cette horreur qui le saisit, il y reconnaît son pire ennemi. Demain, il souhaitait demain, quand tout lui-même aurait dû s'y refuser. Cette révolte de la chair, c'est l'absurde  [3] . Un degré plus bas et voici l'étrangeté : s'apercevoir que le monde est « épais «, entrevoir à quel point ne pierre est étrangère, nous est irréductible, avec quelle intensité la nature, un paysage peut nous nier. Au fond de toute beauté git quelque chose d'inhumain et ces collines, la douceur du ciel, ces dessins d'arbres, voici qu'à la minute même, ils perdent le sens illusoire dont nous les revêtions, désormais plus lointains qu'un paradis perdu. L'hostilité primitive du monde, à travers les millénaires, remonte vers nous. Pour une seconde, nous ne le comprenons plus puisque pendant des siècles nous n'avons compris en lui que es figures et les dessins que préalablement nous y mettions, puisque désormais les forces nous manquent pour user de cet artifice. Le monde nous échappe puisqu'il redevient lui-même. Ces décors masqués par l'habitude redeviennent ce qu'ils sont. Ils s'éloignent de nous. De même qu'il est des jours où sous le visage familier d'une femme, on retrouve comme une étrangère celle qu'on avait aimée il y a des mois ou des années, peut-être allons-nous désirer même ce qui nous rend soudain si seuls. Mais le temps n'est pas encore venu. Une seule chose : cette épaisseur et cette étrangeté du monde, c'est l'absurde. Les hommes aussi sécrètent de l'inhumain. Dans certaines heures de lucidité, l'aspect mécanique de leurs gestes, leur pantomime privée de sens rend stupide tout ce qui les entoure. Un homme parle au téléphone derrière une cloison vitrée ; on ne l'entend pas, mais on voit sa mimique sans portée : on se demande pourquoi il vit. Ce malaise devant l'inhumanité de l'homme même, cette incalculable chute devant l'image de ce que nous sommes, cette « nausée « comme l'appelle un auteur de nos jours, c'est aussi l'absurde. De même l'étranger qui, à certaines secondes, vient à notre rencontre dans une glace, le frère familier et pourtant inquiétant que nous retrouvons dans nos propres photographies, c'est encore l'absurde. J'en viens enfin à la mort et au sentiment que nous en avons. Sur ce point tout a été dit et il est décent de se garder du pathétique. On ne s'étonnera cependant jamais assez de ce que tout le monde vive comme si personne « ne savait «. C'est qu'en réalité, il n'y a pas d'expérience de la mort. Au sens propre, n'est expérimenté que ce qui a été vécu et rendu conscient. Ici, c'est tout juste s'il est possible de parler de l'expérience de la mort des autres. C'est un succédané, une vue de l'esprit et nous n'en sommes jamais très convaincus. Cette convention mélancolique ne peut être persuasive. L'horreur vient en réalité du côté mathématique de l'événement. Si le temps nous effraie, c'est qu'il fait la démonstration, la solution vient derrière. Tous les beaux discours sur l'âme vont recevoir ici, au moins pour un temps, une preuve par neuf de leur contraire. De ce corps inerte où une gifle ne marque plus, l'âme a disparu. Ce côté élémentaire et définitif de l'aventure fait le contenu du sentiment absurde. Sous l'éclairage mortel de cette destinée, l'inutilité apparaît. Aucune morale, ni aucun effort ne sont a priori justifiables devant les sanglantes mathématiques qui ordonnent notre condition. Encore une fois, tout ceci a été dit et redit. Je me borne à faire ici un classement rapide et à indiquer ces thèmes évidents. Ils courent à travers toutes les littératures et toutes les philosophies. La onversation de tous les jours s'en nourrit. Il n'est pas question de les réinventer. Mais il faut s'assurer e ces évidences pour pouvoir s'interroger ensuite sur la question primordiale. Ce qui m'intéresse, je veux ncore le répéter, ce ne sont pas tant les découvertes absurdes. Ce sont leurs conséquences. Si l'on est ssuré de ces faits, que faut-il conclure, jusqu'où aller pour ne rien éluder ? Faudra-t-il mourir olontairement, ou espérer malgré tout ? Il est nécessaire auparavant d'opérer le même recensement apide sur le plan de l'intelligence. * La première démarche de l'esprit est de distinguer ce qui est vrai de ce qui est faux. Pourtant dès que a pensée réfléchit sur elle-même, ce qu'elle découvre d'abord, c'est une contradiction. Inutile de s'efforcer ici d'être convaincant. Depuis des siècles personne n'a donné de l'affaire une démonstration plus claire et plus élégante que ne le fit Aristote : « La conséquence souvent ridiculisée de ces opinions est u'elles se détruisent elles-mêmes. Car en affirmant que tout est vrai, nous affirmons la vérité de 'affirmation opposée et par conséquent la fausseté de notre propre thèse (car l'affirmation opposée 'admet pas qu'elle puisse être vraie). Et si l'on dit que tout est faux, cette affirmation se trouve fausse, lle aussi. Si l'on déclare que seule est fausse l'affirmation opposée à la nôtre ou bien que seule la nôtre 'est pas fausse, on se voit néanmoins obligé d'admettre un nombre infini de jugements vrais ou faux. Car elui qui émet une affirmation vraie prononce en même temps qu'elle est vraie, et ainsi de suite jusqu'à 'infini. « Ce cercle vicieux n'est que le premier d'une série où l'esprit qui se penche sur lui-même se perd dans n tournoiement vertigineux. La simplicité même de ces paradoxes fait qu'ils sont irréductibles. Quels que oient les jeux de mots et les acrobaties de la logique, comprendre c'est avant tout unifier. Le désir rofond de l'esprit même dans ses démarches les plus évoluées rejoint le sentiment inconscient de 'homme devant son univers : il est exigence de familiarité, appétit de clarté. Comprendre le monde pour n homme, c'est le réduire à l'humain, le marquer de son sceau. L'univers du chat n'est pas l'univers du ourmilier. Le truisme « Toute pensée est anthropomorphique « n'a pas d'autre sens. De même l'esprit qui herche à comprendre la réalité ne peut s'estimer satisfait que s'il la réduit en termes de pensée. Si 'homme reconnaissait que l'univers lui aussi peut aimer et souffrir, il serait réconcilié. Si la pensée écouvrait dans les miroirs changeants des phénomènes, des relations éternelles qui les puissent résumer t se résumer elles-mêmes en un principe unique, on pourrait parler d'un bonheur de l'esprit dont le mythe es bienheureux ne serait qu'une ridicule contrefaçon. Cette nostalgie d'unité, cet appétit d'absolu llustre le mouvement essentiel du drame humain. Mais que cette nostalgie soit un fait n'implique pas

« l'absurde. Demême l'étranger qui,àcertaines secondes, vientànotre rencontre dansuneglace, lefrère familier etpourtant inquiétant quenous retrouvons dansnospropres photographies, c'estencore l'absurde. J'en viens enfin àla mort etau sentiment quenous enavons.

Surcepoint toutaété ditetilest décent desegarder dupathétique.

Onnes'étonnera cependantjamaisassezdeceque tout lemonde vive comme sipersonne « nesavait ».

C'estqu'en réalité, iln'y apas d'expérience delamort.

Ausens propre, n'est expérimenté quecequi aété vécu etrendu conscient.

Ici,c'est toutjuste s'ilest possible deparler de l'expérience delamort desautres.

C'estunsuccédané, unevuedel'esprit etnous n'ensommes jamais très convaincus.

Cetteconvention mélancolique nepeut êtrepersuasive.

L'horreurvientenréalité ducôté mathématique del'événement.

Siletemps nouseffraie, c'estqu'ilfaitladémonstration, lasolution vient derrière.

Touslesbeaux discours surl'âme vontrecevoir ici,aumoins pouruntemps, unepreuve parneuf de leur contraire.

Dececorps inerte oùune gifle nemarque plus,l'âme adisparu.

Cecôté élémentaire et définitif del'aventure faitlecontenu dusentiment absurde.Sousl'éclairage morteldecette destinée, l'inutilité apparaît.Aucunemorale, niaucun effort nesont a priori justifiables devantlessanglantes mathématiques quiordonnent notrecondition. Encore unefois, toutceciaété ditetredit.

Jeme borne àfaire iciunclassement rapideetàindiquer ces thèmes évidents.

Ilscourent àtravers toutesleslittératures ettoutes lesphilosophies.

La conversation detous lesjours s'ennourrit.

Iln'est pasquestion deles réinventer.

Maisilfaut s'assurer de ces évidences pourpouvoir s'interroger ensuitesurlaquestion primordiale.

Cequi m'intéresse, jeveux encore lerépéter, cene sont pastant lesdécouvertes absurdes.Cesont leurs conséquences.

Sil'on est assuré deces faits, quefaut-il conclure, jusqu'oùallerpournerien éluder ? Faudra-t-il mourir volontairement, ouespérer malgrétout ?Ilest nécessaire auparavant d'opérerlemême recensement rapide surleplan del'intelligence. * La première démarche del'esprit estdedistinguer cequi est vrai decequi est faux.

Pourtant dèsque la pensée réfléchit surelle-même, cequ'elle découvre d'abord,c'estunecontradiction.

Inutilede s'efforcer icid'être convaincant.

Depuisdessiècles personne n'adonné del'affaire unedémonstration plus claire etplus élégante quenelefit Aristote : « Laconséquence souventridiculisée deces opinions est qu'elles sedétruisent elles-mêmes.

Carenaffirmant quetout estvrai, nous affirmons lavérité de l'affirmation opposéeetpar conséquent lafausseté denotre propre thèse(carl'affirmation opposée n'admet pasqu'elle puisseêtrevraie).

Etsil'on ditque tout estfaux, cette affirmation setrouve fausse, elle aussi.

Sil'on déclare queseule estfausse l'affirmation opposéeàla nôtre oubien queseule lanôtre n'est pasfausse, onsevoit néanmoins obligéd’admettre unnombre infinidejugements vraisoufaux.

Car celui quiémet uneaffirmation vraieprononce enmême temps qu'elle estvraie, etainsi desuite jusqu'à l'infini. » Ce cercle vicieux n'estquelepremier d'unesérieoùl'esprit quisepenche surlui-même seperd dans un tournoiement vertigineux.Lasimplicité mêmedeces paradoxes faitqu'ils sontirréductibles.

Quelsque soient lesjeux demots etles acrobaties delalogique, comprendre c'estavant toutunifier.

Ledésir profond del'esprit mêmedanssesdémarches lesplus évoluées rejointlesentiment inconscient de l'homme devantsonunivers : ilest exigence defamiliarité, appétitdeclarté.

Comprendre lemonde pour un homme, c'estleréduire àl'humain, lemarquer deson sceau.

L'univers duchat n'est pasl'univers du fourmilier.

Letruisme « Toute penséeestanthropomorphique » n'apas d'autre sens.Demême l'esprit qui cherche àcomprendre laréalité nepeut s'estimer satisfaitques'illaréduit entermes depensée.

Si l'homme reconnaissait quel'univers luiaussi peutaimer etsouffrir, ilserait réconcilié.

Silapensée découvrait danslesmiroirs changeants desphénomènes, desrelations éternelles quilespuissent résumer et se résumer elles-mêmes enunprincipe unique,onpourrait parlerd'unbonheur del'esprit dontlemythe des bienheureux neserait qu'une ridicule contrefaçon.

Cettenostalgie d'unité,cetappétit d'absolu illustre lemouvement essentieldudrame humain.

Maisquecette nostalgie soitunfait n'implique pas. »

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