Devoir de Philosophie

Lusignan retrouve ses enfants (Zaïre).

Publié le 20/06/2011

Extrait du document

Zaïre est, depuis son enfance, captive du sultan Orosmane. Celui-ci l'aime, et va l'épouser. Ce jour-là même, le chevalier français Nérestan rapporte la rançon de dix de ses compagnons de captivité. Orosmane, disposé à la générosité par son bonheur, rend cent captifs à Nérestan; mais il veut faire exception pour le vieux Lusignan, descendant des rois de Jérusalem. A la prière de Zaïre, il accorde cependant la liberté à Lusignan, qui, à l'acte III, apparaît sur la scène, entre Zaïre et Nérestan. ZAIRE LUSIGNAN, CHATILLON, NÉRESTAN.

PLUSIEURS ESCLAVES CHRÉTIENS

LUSIGNAN ... Une fille, trois fils, ma superbe espérance, Me furent arrachés dès leur plus tendre enfance O mon cher Châtillon, tu dois t'en souvenir! CHATILLON De vos malheurs encor vous me voyez frémir. LUSIGNAN Prisonnier avec moi dans Césarée en flamme, Tes yeux virent périr mes deux fils et ma femme. CHATILLON Mon bras, chargé de fers, ne les put secourir. LUSIGNAN Hélas! et j'étais père, et je ne pus mourir! Veillez du haut des cieux, chers enfants que j'implore, Sur mes autres enfants, s'ils sont vivants encore : Mon dernier fils, ma fille, aux chaînes réservés, Par des barbares mains pour servir conservés, Loin d'un père accablé, furent portés ensemble Dans ce même sérail où le ciel nous rassemble. CHATILLON Il est vrai, dans l'horreur de ce péril nouveau, Je tenais votre fille à peine en son berceau : Ne pouvant la sauver, seigneur, j'allais moi-même Répandre sur son front l'eau sainte du baptême, Lorsque les Sarrasins, de carnage fumants, Revinrent l'arracher à mes bras tout sanglants. Votre plus jeune fils, à qui les destinées Avaient à peine encore accordé quatre années, Trop capable déjà de sentir son malheur, Fut dans Jérusalem conduit avec sa soeur. NÉRESTAN De quel ressouvenir mon âme est déchirée! A cet âge fatal j'étais dans Césarée, Et, tout couvert de sang et chargé de liens, Je suivis en ces lieux la foule des chrétiens. LUSIGNAN Vous, seigneur! Ce sérail éleva votre enfance?... (En le regardant.) Hélas! de mes enfants auriez-vous connaissance? Ils seraient de votre âge, et peut-être mes yeux.... (Tournant ses yeux sur Zaïre.) Quel ornement, madame, étranger en ces lieux! Depuis quand l'avez-vous? ZAÏRE Depuis que je respire, Seigneur.... Eh quoi! D'où vient que votre âme soupire?. LUSIGNAN Ah! daignez confier à mes tremblantes mains... ZAÏRE (Elle lui donne la croix.) De quel trouble nouveau tous mes sens sont atteints! (Lusignan l'approche de sa bouche en pleurant.) Seigneur, que faites-vous? LUSIGNAN O ciel! ô Providence! Mes yeux, ne trompez point ma timide espérance! Serait-il bien possible! Oui, c'est elle... je voi Ce présent qu'une épouse avait reçu de moi, Et qui de mes enfants ornait toujours la tête. Lorsque de leur naissance on célébrait la fête. Je revois... je succombe à mon saisissement. ZAÏRE Qu'entends-je? et quel soupçon m'agite en ce moment? Ah, seigneur! LUSIGNAN Dans l'espoir dont j'entrevois les charmes Ne m'abandonnez pas, Dieu qui voyez mes larmes! Dieu mort sur cette croix, et qui revis pour nous, Parle, achève, ô mon Dieu! ce sont là de tes coups. Quoi! madame, en vos mains elle était demeurée? Quoi! tous les deux captifs, et pris dans Césarée! ZAÏRE Oui, seigneur. NÉRESTAN Se peut-il? LUSIGNAN Leur parole, leurs traits, De leur mère en effet sont les vivants portraits : Oui, grand Dieu! tu le veux, tu permets que je voie.... Dieu, ranime mes sens trop faibles pour ma joie!... Madame.... Nérestan.... Soutiens-moi, Châtillon.... Nérestan, si je dois vous nommer de ce nom, Avez-vous dans le sein la cicatrice heureuse Du fer dont à mes yeux une main furieuse.... NÉRESTAN Oui, seigneur, il est vrai. LUSIGNAN Dieu juste! heureux moments' NÉRESTAN, se jetant à genoux. Ah, seigneur! ah, Zaïre! LUSIGNAN Approchez, mes enfants. 6o NÉRESTAN Moi, votre fils! ZAÏRE Seigneur! LUSIGNAN Heureux jour qui m'éclaire, Ma fille, mon cher fils, embrassez votre père. CHATILLON Que d'un bonheur si grand mon coeur se sent toucher! LUSIGNAN De vos bras, mes enfants, je ne puis m'arracher. Je vous revois enfin, chère et triste famille, Mon fils, digne héritier... vous... hélas! vous, ma fille! Dissipez mes soupçons, ôtez-moi cette horreur, Ce trouble qui m'accable au comble du bonheur. Toi qui seul as conduit sa fortune et la mienne, Mon Dieu qui me la rends, me la rends-tu chrétienne? Tu pleures, malheureuse, et tu baisses les yeux! Tu te tais! je t'entends! 0 crime! ô justes cieux! ZAÏRE Je ne puis vous tromper.: sous les lois d'Orosmane.... Punissez votre fille... elle était musulmane. LUSIGNAN Que la foudre en éclats ne tombe que sur moi! Ah! mon fils! à ces mots j'eusse expiré sans toi. Mon Dieu! j'ai combattu soixante ans pour ta gloire; J'ai vu tomber ton temple et périr ta mémoire; Dans un cachot affreux abandonné vingt ans, Mes larmes t'imploraient pour mes tristes enfants; Et lorsque ma famille est par toi réunie, Quand, je trouve une fille, elle est ton ennemie : Je suis bien malheureux.... C'est ton père, c'est moi, C'est ma seule prison qui t'a ravi ta foi. Ma fille, tendre objet de mes dernières peines, Songe au moins, songe au sang qui coule dans tes veines! C'est le sang de vingt rois, tous chrétiens comme moi; C'est le sang des héros, défenseurs de ma loi; C'est le sang des martyrs.... O fille encor trop chère, Connais-tu ton destin? sais-tu quelle est ta mère? Sais-tu bien qu'à l'instant que son sein mit au jour Ce triste et dernier fruit d'un malheureux amour, Je la vis massacrer par la main forcenée, Par la main des brigands à qui tu t'es donnée? Tes frères, ces martyrs égorgés à mes yeux, T'ouvrent leurs bras sanglants, tendus du haut des cieux. Ton Dieu que tu trahis, ton Dieu que tu blasphèmes, Pour toi, pour l'univers, est mort en ces lieux mêmes; En ces lieux où mon bras le servit tant de fois, En ces lieux où son sang te parle par ma voix. Vois ces murs, vois ce temple envahi par tes maîtres; Tout annonce le Dieu qu'ont vengé tes ancêtres. Tourne les yeux, sa tombe est près de ce palais; C'est ici la montagne où, lavant nos forfaits, Il voulut expirer sous les coups de l'impie; ro5 C'est là que de sa tombe il rappela sa vie. Tu ne saurais marcher dans cet auguste lieu, Tu n'y peux faire un pas, sans y trouver ton Dieu; Et tu n'y peux rester sans renier ton père, Ton honneur qui te parle et ton Dieu qui t'éclaire. Je te vois dans mes bras et pleurer et frémir; Sur ton front pâlissant Dieu met le repentir : Je vois la vérité dans ton coeur descendue; Je retrouve ma fille après l'avoir perdue, Et je reprends ma gloire et ma félicité En dérobant mon sang à l'infidélité. NÉRESTAN Je revois donc ma soeur L.. et son âme.... ZAÏRE Ah! mon père, Cher auteur de mes jours, parlez, que dois-je faire? LUSIGNAN M'ôter, par un seul mot, ma honte et mes ennuis. Dire : Je suis chrétienne. ZAÏRE Oui... seigneur... je le suis. LUSIGNAN Dieu, reçois son aveu du sein de ton empire!

(Zaïre, acte II, sc. III.)

QUESTIONS D'EXAMEN

I. — L'ensemble. — Une scène pathétique : un père qui retrouve ses enfants. — Situez la scène; Quels sont les principaux personnages mis en présence? 3° A quelle occasion la liberté est-elle rendue à Lusignan? A quoi reconnaît-il sa fille? — son fils? Par quoi est troublé le bonheur qu'il éprouve? (ne pas perdre de vue que Lusignan vit au XIIIe siècle, et qu'il est le descendant des rois chrétiens de Jérusalem); D'où provient l'intérêt de cette scène? Montrez que le mot de Zaïre : je le suis (avant-dernier vers) fait prévoir une situation terrible. Pourquoi?

II. - L'analyse de la scène. — Distinguez les différentes parties de la scène : a) Lusignan évoque le souvenir du meurtre de sa femme et de deux de ses fils; b) La reconnaissance de sa fille. — de son fils; c) La fille et le fils se jettent dans les bras de leur père; d) La pensée qui trouble le bonheur de Lusignan; ses plaintes; e) Zaïre, chrétienne; Quelles circonstances indiquées par Châtillon vont faciliter la reconnaissance de Zaïre et de Nérestan par leur père ? Les Procédés de reconnaissance qu'emploie Voltaire dans cette scène (les indiquer) n'ont-ils pas quelque chose d'artificiel? (montrer que les situations qu'ils déterminent ne résultent pas du développement des passions humaines, - contrairement à celles des pièces de Corneille et de Racine); Indiquez le touchant tableau que présente la scène; Pourquoi Lusignan, qui devrait être tout à la joie d'avoir retrouvé ses enfants, nous apparaît-il si malheureux? (étudier avec soin son apostrophe à Dieu, son adjuration à sa fille); Montrez le déchirement intérieur que doit éprouver Zaïre à dire ces simples mots : le le suis.  

III. — Le style; — les expressions. — Y a-t-il, dans cette scène, des vers, ou simplement des expressions, qui se fixent aisément dans la mémoire, comme dans les scènes de Corneille et de Racine précédemment étudiées? Quelles vous paraissent, dans ce morceau, les principales qualités du style? (la véhémence; paroles de Lusignan surtout; — la propriété des termes; citer quelques passages); Commentez ce vers : Je retrouve ma fille après l'avoir perdue; Quel est le sens de cette expression : une main forcenée? (rechercher l'étymologie du mot forcenée).

IV. — La grammaire. — Indiquez un synonyme de foudre, —de foi, — de félicité; — Distinguez les propositions contenues dans ces deux vers :

Ton Dieu que tu trahis, ton Dieu que tu blasphèmes, Pour toi, pour l'univers, est mort en ces lieux mêmes.

Indiquez la nature de chacune d'elles et la fonction des deux premières; — Analyse grammaticale des deux que; — énumération des propositions que contient le dernier vers.

Rédaction. — Lusignan, en songeant à ses malheurs (meurtre de sa femme et de deux de ses fils, captivité de son troisième fils et de sa fille), s'écrie : Hélas! et j'étais père, et je ne pus mourir!

Expliquez ce vers.

« Je revois...

je succombe à mon saisissement.ZAÏREQu'entends-je? et quel soupçon m'agite en ce moment? Ah, seigneur!LUSIGNANDans l'espoir dont j'entrevois les charmesNe m'abandonnez pas, Dieu qui voyez mes larmes!Dieu mort sur cette croix, et qui revis pour nous,Parle, achève, ô mon Dieu! ce sont là de tes coups.Quoi! madame, en vos mains elle était demeurée?Quoi! tous les deux captifs, et pris dans Césarée!ZAÏREOui, seigneur.NÉRESTANSe peut-il?LUSIGNANLeur parole, leurs traits,De leur mère en effet sont les vivants portraits :Oui, grand Dieu! tu le veux, tu permets que je voie....Dieu, ranime mes sens trop faibles pour ma joie!...Madame....

Nérestan....

Soutiens-moi, Châtillon....Nérestan, si je dois vous nommer de ce nom,Avez-vous dans le sein la cicatrice heureuseDu fer dont à mes yeux une main furieuse....NÉRESTANOui, seigneur, il est vrai.LUSIGNANDieu juste! heureux moments'NÉRESTAN, se jetant à genoux.Ah, seigneur! ah, Zaïre!LUSIGNANApprochez, mes enfants.

6oNÉRESTANMoi, votre fils!ZAÏRESeigneur!LUSIGNANHeureux jour qui m'éclaire,Ma fille, mon cher fils, embrassez votre père.CHATILLONQue d'un bonheur si grand mon coeur se sent toucher!LUSIGNANDe vos bras, mes enfants, je ne puis m'arracher.Je vous revois enfin, chère et triste famille,Mon fils, digne héritier...

vous...

hélas! vous, ma fille!Dissipez mes soupçons, ôtez-moi cette horreur,Ce trouble qui m'accable au comble du bonheur.Toi qui seul as conduit sa fortune et la mienne,Mon Dieu qui me la rends, me la rends-tu chrétienne?Tu pleures, malheureuse, et tu baisses les yeux!Tu te tais! je t'entends! 0 crime! ô justes cieux!ZAÏREJe ne puis vous tromper.: sous les lois d'Orosmane....Punissez votre fille...

elle était musulmane.LUSIGNANQue la foudre en éclats ne tombe que sur moi!Ah! mon fils! à ces mots j'eusse expiré sans toi.Mon Dieu! j'ai combattu soixante ans pour ta gloire;J'ai vu tomber ton temple et périr ta mémoire;Dans un cachot affreux abandonné vingt ans,Mes larmes t'imploraient pour mes tristes enfants;Et lorsque ma famille est par toi réunie,Quand, je trouve une fille, elle est ton ennemie :Je suis bien malheureux....

C'est ton père, c'est moi,C'est ma seule prison qui t'a ravi ta foi.Ma fille, tendre objet de mes dernières peines,Songe au moins, songe au sang qui coule dans tes veines!C'est le sang de vingt rois, tous chrétiens comme moi;C'est le sang des héros, défenseurs de ma loi;C'est le sang des martyrs....

O fille encor trop chère,. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles