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M. J. Duvry, Réponses

Publié le 26/04/2011

Extrait du document

« Actuellement ceux qui croient encore que la connaissance de la vie d'un homme n'est peut-être pas inutile pour comprendre son œuvre ont tous mauvaise conscience. La tendance actuelle est au contraire de dissocier l'œuvre et l'homme. En est responsable, pour une grande part, l'abus des biographies romancées, l'abus même des biographies tout court, où le biographe veut tout savoir, ne nous fait grâce de rien, aimerait à nous faire compter les boutons cousus au veston de l'auteur dont il parle, ou à nous montrer la couleur de toutes les cravates que cet auteur a pu arborer au cours de toute sa vie. D'ailleurs, c'est une chose admirable que d'être comme englouti par son œuvre; c'est sans doute la plus grande consécration qui puisse être, qu'on ne sache pas si Homère a existé, que l'œuvre témoigne seule pour le créateur sauvé du destin de créature qu'il a eu pendant sa vie... Mais, inversement... qui affirmerait que l'œuvre serait la même, je veux dire toute l'atmosphère des œuvres d'un artiste, leur climat et non point seulement leurs sujets, si la vie a commencé ou s'est déroulée dans le bonheur ou le malheur, dans la facilité ou la difficulté, si elle a été traversée par un drame de la passion, par quelque échec irrémédiable ou, au contraire, par un amour comblé ou une éclatante réussite? Qui prétendrait que la technique de l'œuvre sera la même si l'écrivain est un autodidacte ou s'il a fait des études régulières? Ce serait un non-sens, quand même il s'agirait de l'écrivain le plus décidé à ne pas faire entrer sa vie dans son œuvre, et le plus obstiné à obtenir de son art un pur art de langage. Mais quand bien même ce non-sens serait la vérité, encore aurions-nous le droit de vouloir connaître cet homme auteur de chefs-d'œuvre, de souhaiter entrer dans son intimité, qu'elle soit ou non décevante, nous qui sommes condamnés à entrer dans l'intimité de tant de gens qui ne nous intéressent pas le moins du monde!    Après cela, qu'on dise que la vie n'est jamais l'œuvre, que la vie de l'œuvre d'art, cette vie au second degré, n'est jamais la vie, que trouver le passage de l'une à l'autre est une chose presque impossible, j'en suis plus convaincu que personne. Il y a transformation, transmutation, métamorphose, mais j'estime qu'on a le droit d'être curieux de ce qui a été métamorphosé.    Valéry lui-même, qui répudie le biographique, a dit en 1926 : « Avais-je quinze ans, en avais-je dix-sept, quand j'ai trouvé, sur le bord de la mer, non loin de Maguelonne, ce coquillage ou cet ossement poli et usé par les vagues, dont je me suis souvenu, je ne sais comment, quand j'écrivais Eupalinos? Par le même jeu inconnu et impossible à prévoir des retours de la pensée, il est arrivé que l'image solennelle et ardente du cimetière de Sète, ou bien l'impression calme, docte, mélancolique que je trouvais jadis au Jardin Botanique de Montpellier, se sont représentées à moi et se sont faites vers ou prose... (C'est moi qui souligne.)    « Je ne doute pas non plus que l'ordonnance savante du Peyrou, son style très noble et cet empire tranquille de l'horizon qu'il donne aux regards; et, plus anciennement dans mon existence, les grandes lignes du port de Sète, le spectacle des structures et des mouvements des navires, la mer enfin ne m'aient imposé pour toute ma vie les décors spirituels de mes idées. «    M. J. Duvry, Réponses (1928).    Suivant votre préférence, vous résumerez ou analyserez cette page. Puis vous en dégagerez un thème qui vous paraît particulièrement intéressant. Après avoir soigneusement précisé les données de la question ainsi retenue, vous direz les réflexions qu'elle vous inspire.

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