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Manifeste des vingt arrondissements

Publié le 14/04/2013

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Le lendemain de l’élection du conseil municipal qui prend le nom de Commune de Paris, paraît dans le journal le Cri du peuple, le 27 mars 1871, le manifeste de la nouvelle « institution « insurrectionnelle. À la fois programme politique qui réaffirme les principes de la Révolution française et le programme de société qui envisage certaines réformes en faveur des ouvriers, le manifeste est sapé par la lutte contre les partisans de Thiers et les divergences idéologiques entre les insurgés. Autant dire, comme Karl Marx, que « l’œuvre première de la Commune, ce fut son existence même «.

Manifeste du Comité central des vingt arrondissements de Paris

 

Paris, par la révolution du 18 mars, par l’effort spontané et courageux de sa Garde nationale, a reconquis son autonomie, c’est-à-dire le droit d’organiser sa force publique, sa police et son administration financière.

 

 

Au lendemain de la défaite sanglante et désastreuse que la France vient de subir, comme le châtiment de soixante-dix ans d’empire, de monarchie, de réaction cléricale, parlementaire, autoritaire et centralisatrice, notre patrie se relève, ressuscite, commence une vie nouvelle et reprend la tradition des anciennes communes et de la Révolution française, qui lui a donné la victoire, mérité le respect et la sympathie des nations dans le passé, et qui lui donnera l’indépendance, la richesse, la gloire pacifique et l’amour des peuples dans l’avenir.

 

 

Jamais heure ne fut plus solennelle. Cette révolution, que nos pères ont commencée et que nous achevons, poursuivie à travers les siècles avec tant d’abnégation et d’héroïsme par les artisans du Moyen Âge, par les bourgeois de la Renaissance, par les combattants de 1789, qui a coûté la vie à tant de héros glorieux ou obscurs, va se consommer sans lutte sanglante, par la toute-puissance de la volonté populaire qui se prononcera souverainement en déposant son bulletin dans l’urne.

 

 

Pour assurer le triomphe de l’idée révolutionnaire et communale dont nous poursuivons le pacifique accomplissement, il importe d’en déterminer les principes généraux et d’en formuler le programme que vos mandataires devront réaliser et défendre.

 

 

La Commune est la base de tout état politique, comme la famille est l’embryon des sociétés.

 

 

Elle doit être autonome, c’est-à-dire se gouverner et s’administrer elle-même suivant son génie particulier, ses traditions, ses besoins, exister comme personne morale conservant dans le groupe politique, national et fédéral, son entière liberté, son caractère propre, sa souveraineté complète comme l’individu au milieu de la cité.

 

 

Pour s’assurer le développement économique le plus large, l’indépendance et la sécurité nationale et territoriale, elle peut et doit s’associer, c’est-à-dire se fédérer avec toutes les autres communes ou associations de communes qui composent la nation. Elle a, pour la décider, les affinités de race, le langage, la situation géographique, la communauté de souvenirs, de relations et d’intérêts.

 

 

L’autonomie de la Commune garantit au citoyen la liberté, l’ordre à la cité, et la fédération de toutes les communes augmente, par la réciprocité, la force, la richesse, les débouchés et les ressources de chacune d’elles, en la faisant profiter des efforts de toutes.

 

 

C’est cette idée communale poursuivie depuis le XIIe siècle, affirmée par la morale, le droit et la science, qui vient de triompher le 18 mars 1871.

 

 

Elle implique, comme force politique, la République, seule compatible avec la liberté et la souveraineté populaire.

 

 

La liberté la plus complète de parler, d’écrire, de se réunir et de s’associer.

 

 

Le respect de l’individu et l’inviolabilité de sa pensée.

 

 

La souveraineté du suffrage universel restant toujours maître de lui-même, et pouvant se convoquer et se manifester incessamment.

 

 

Le principe de l’élection appliqué à tous les fonctionnaires ou magistrats.

 

 

La responsabilité des mandataires, et, par conséquent, leur révocabilité permanente.

 

 

Le mandat impératif, c’est-à-dire précisant et limitant le pouvoir et la mission du mandataire.

 

 

En ce qui concerne Paris, ce mandat peut être ainsi déterminé :

 

 

Réorganisation immédiate des districts de la cité suivant la situation industrielle et commerciale de chaque quartier.

 

 

Autonomie de la Garde nationale, formée de tous les électeurs, nommant tous ses chefs et son état-major général, conservant l’organisation civile et fédérative représentée par le Comité central, et à laquelle la Révolution du 18 mars doit son triomphe.

 

 

Suppression de la Préfecture de police. Surveillance de la cité exercée par la Garde nationale placée sous les ordres immédiats de la Commune.

 

 

Suppression, quant à Paris, de l’armée permanente, aussi dangereuse pour la liberté civique qu’onéreuse pour l’économie sociale.

 

 

Organisation financière qui permette à la ville de Paris de disposer entièrement et librement de son budget, sous réserve de sa part de contributions dans les dépenses générales et services publics, et qui répartisse suivant le droit et l’équité les charges du contribuable d’après les services reçus.

 

 

Suppression de toutes subventions favorisant les cultes, les théâtres ou la presse.

 

 

Propagation de l’enseignement laïque intégral, professionnel, conciliant la liberté de conscience, les intérêts, les droits de l’enfant avec la liberté et les droits du père de famille.

 

 

Ouverture immédiate d’une vaste enquête, établissant la responsabilité incombant aux hommes publics dans les désastres qui viennent d’accabler la France ; précisant la situation financière, commerciale et industrielle de la cité, le capital et les forces dont elle dispose, les ressources dont elle jouit, et fournissant les éléments d’une liquidation générale et amiable nécessaire à l’acquittement de l’arriéré et à la reconstitution du crédit.

 

 

Organisation d’un système d’assurance communale contre tous les risques sociaux, y compris le chômage et la faillite.

 

 

Recherche incessante et assidue des moyens les plus propres à fournir au producteur le capital, l’instrument de travail, les débouchés et le crédit, afin d’en finir pour toujours avec le salariat et l’horrible paupérisme, afin d’éviter à jamais le retour des revendications sanglantes et des guerres civiles qui en sont les conséquences fatales.

 

 

Tel est le mandat que nous donnons, et que nous vous demandons, citoyens, de donner à vos élus. S’ils le remplissent comme ils le doivent, avec intelligence et fidélité, Paris sera devenu par la Révolution radieuse et fraternelle du 18 mars, la cité la plus libre et la plus heureuse entre toutes les villes, non pas seulement la capitale de la France, mais la capitale du monde.

 

 

C’est à vous, citoyens, à consommer pacifiquement avec la fierté et le calme de la souveraineté, l’acte qui sera peut-être le plus grand que doive voir le siècle et qu’aura vu l’histoire, en allant déposer dans l’urne le bulletin de vote qui affirmera votre capacité, votre idéal, votre force.

 

 

Pour, et par délégation du Comité des vingt arrondissements :

 

 

Pierre Denis, Dupas, Lefrançais, Édouard Roullier, Jules Valles.

 

 

Source : Serman (William), la Commune, Paris, PUF, 1971.

 

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