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Mithridate. Racine. ACTE IV. SCENE V

Publié le 12/07/2011

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racine

Elle me quitte! Et moi, dans un lâche silence. Je semble de sa fuite approuver l'insolence? Peu s'en faut que mon cœur, penchant de son côté, Ne me condamne encor de trop de cruauté? Qui suis-je? Est-ce Monime? Et suis-je Mithridate? Non, non, plus de pardon, plus d'amour pour l'ingrate. Ma colère revient, et je me reconnois. Immolons, en partant, trois ingrats à la fois. Je vais à Rome, et c'est par de tels sacrifices Qu'il faut à ma fureur rendre les Dieux propices. Je le dois, je le puis; ils n'ont plus de support: Les plus séditieux sont déjà loin du bord. Sans distinguer entre eux qui je hais ou qui j'aime, Allons, et commençons par Xipharès lui-même. Mais quelle est ma fureur? et qu'est-ce que je dis? Tu vas sacrifier... qui? malheureux! Ton fils? Un fils que Rome craint? qui peut venger son père? Pourquoi répandre un sang qui m'est si nécessaire? Ah! dans l'état funeste où ma chute m'a mis, Est-ce que mon malheur m'a laissé trop d'amis? Songeons plutôt, songeons à gagner sa tendresse: J ai besoin d'un vengeur, et non d'une maîtresse. Quoi? Ne vaut-il pas mieux, puisqu'il m'en faut priver, La céder à ce fils que je veux conserver? Cédons-la. Vains efforts, qui ne font que m'instruire Des faiblesses d'un cœur qui cherche à se séduire! Je brûle, je l'adore; et loin de la bannir... Ah ! c'est un crime encor dont je la veux punir. Quelle pitié retient mes sentiments timides? N'en ai-je pas déjà puni de moins perfides? O Monime! ô mon fils! Inutile courroux! Et vous, heureux Romains, quel triomphe pour vous, Si vous saviez ma honte, et qu'un avis fidèle De mes lâches combats vous portât la nouvelle! Quoi? des plus chères mains craignant les trahisons, J'ai pris soin de m'armer contre tous les poisons; J'ai su, par une longue et pénible industrie, Des plus mortels venins prévenir la furie. Ah! qu'il eût mieux valu, plus sage et plus heureux, Et repoussant les traits d'un amour dangereux, Ne pas laisser remplir d'ardeurs empoisonnées Un coeur déjà glacé par le froid des années !

L'ensemble. — Si la tragédie de Mithridate offre le récit d'une crise politique : lutte du roi de Pont contre Rome, elle offre aussi l'analyse d'une crise de passion et d une crise familiale : Mithridate et ses deux fils aiment également Monime, la fiancée déjà couronnée du vieux roi. Celle-ci, bien qu'aimant Xipharès, l'un des fils, accepterait par devoir d'épouser Mithridate, jusqu'au moment où le roi, par ruse, lui fait avouer son amour pour un autre. Alors, indignée, elle refuse toute union et demande la mort, en bravant le roi qui l'a trompée. Mithridate expose ici, d'une façon profondément émouvante, l'amour que rien ne peut arracher de son cœur. Illogisme, hésitation, douleur, jalousie, tels sont les sentiments si humains que Racine met à jour dans l'âme du malheureux vieillard. 

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