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Monsieur Parent --Qu'est-ce qui t'amusait?

Publié le 11/04/2014

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Monsieur Parent --Qu'est-ce qui t'amusait? Est-ce qu'elles ne se ressemblent pas? --Mais non. --Ah! les femmes ne se ressemblent pas. --Pas du tout. --En rien? --En rien. --Que c'est drôle! Qu'est-ce qu'elles ont de différent? --Mais, tout. --Le corps? --Mais oui, le corps. --Le corps tout entier? --Le corps tout entier. --Et quoi encore? --Mais, la manière de... d'embrasser, de parler, de dire les moindres choses. --Ah! Et c'est très amusant de changer? --Mais oui. --Et les hommes aussi sont différents? --Ça, je ne sais pas. --Tu ne sais pas? --Non. --Ils doivent être différents. --Oui... sans doute.... Elle resta pensive, son verre de champagne à la main. Il était plein, elle le but d'un trait; puis, le reposant sur la table, elle jeta ses deux bras au cou de son mari, en lui murmurant dans la bouche: --Oh! mon chéri, comme je t'aime!... Il la saisit d'une étreinte emportée.... Un garçon qui entrait recula en refermant la porte; et le service fut interrompu pendant cinq minutes environ. IMPRUDENCE 53 Monsieur Parent Quand le maître d'hôtel reparut, l'air grave et digne, apportant les fruits du dessert, elle tenait de nouveau un verre plein entre ses doigts, et, regardant au fond du liquide jaune et transparent, comme pour y voir des choses inconnues et rêvées, elle murmurait d'une voix songeuse: --Oh! oui! ça doit être amusant tout de Même! UN FOU Il était mort chef d'un haut tribunal, magistrat intègre dont la vie irréprochable était citée dans toutes les cours de France. Les avocats, les jeunes conseillers, les juges saluaient en s'inclinant très bas, par marque d'un profond respect, sa grande figure blanche et maigre qu'éclairaient deux yeux brillants et profonds. Il avait passé sa vie à poursuivre le crime et à protéger les faibles. Les escrocs et les meurtriers n'avaient point eu d'ennemi plus redoutable, car il semblait lire, an fond de leurs âmes, leurs pensées secrètes, et démêler, d'un coup d'oeil, tous les mystères de leurs intentions. Il était donc mort, à l'âge de quatre-vingt-deux ans, entouré d'hommages et poursuivi par les regrets de tout un peuple. Des soldats en culotte rouge l'avaient escorté jusqu'à sa tombe, et des hommes en cravate blanche avaient répandu sur son cercueil des paroles désolées et des larmes qui semblaient vraies. Or, voici l'étrange papier que le notaire, éperdu, découvrit dans le secrétaire où il avait coutume de serrer les dossiers des grands criminels. Cela portait pour titre: POURQUOI? 20 juin 1851.--Je sors de la séance. J'ai fait condamner Blondel à mort! Pourquoi donc cet homme avait-il tué ses cinq enfants? Pourquoi? Souvent, on rencontre de ces gens chez qui détruire la vie est une volupté. Oui, oui, ce doit être une volupté, la plus grande de toutes peut-être; car tuer n'est-il pas ce qui ressemble le plus à créer? Faire et détruire! Ces deux mots enferment l'histoire des univers, toute l'histoire des mondes, tout ce qui est, tout! Pourquoi est-ce enivrant de tuer? 25 Juin.--Songer qu'un être est là qui vit, qui marche, qui court.... Un être? Qu'est-ce qu'un être? Cette chose animée, qui porte en elle le principe du mouvement et une volonté réglant ce mouvement! Elle ne tient à rien, cette chose. Ses pieds ne communiquent pas au sol. C'est un grain de vie qui remue sur la terre; et ce grain de vie, venu je ne sais d'où, on peut le détruire comme on veut. Alors rien, plus rien. Ça pourrit, c'est fini. 26 juin.--Pourquoi donc est-ce un crime de tuer? oui, pourquoi? C'est, au contraire, la loi de la nature. Tout être a pour mission de tuer: il tue pour vivre et il tue pour tuer.--Tuer est dans notre tempérament; il faut tuer! La bête tue sans cesse, tout le jour, à tout instant de son existence.--L'homme tue sans cesse pour se nourrir, mais comme il a besoin de tuer aussi, par volupté, il a inventé la chasse! L'enfant tue les insectes qu'il trouve, les petits oiseaux, tous les petits animaux qui lui tombent sous la main. Mais cela ne suffisait pas à l'irrésistible besoin de massacre qui est en nous. Ce n'est point assez de tuer la bête; nous avons besoin aussi de tuer l'homme. Autrefois, on satisfaisait ce besoin par des sacrifices humains. Aujourd'hui, la nécessité de vivre en société a fait du meurtre un crime. On condamne et on punit l'assassin! Mais comme nous ne pouvons vivre sans nous livrer à cet instinct naturel et impérieux de mort, nous nous soulageons, de temps en temps, par des guerres où un peuple entier égorge un autre peuple. C'est alors une débauche de sang, une débauche où s'affolent les armées et dont se grisent encore les bourgeois, les femmes et les enfants qui lisent, le soir, sous la lampe, le récit exalté des massacres. UN FOU 54

« Quand le maître d'hôtel reparut, l'air grave et digne, apportant les fruits du dessert, elle tenait de nouveau un verre plein entre ses doigts, et, regardant au fond du liquide jaune et transparent, comme pour y voir des choses inconnues et rêvées, elle murmurait d'une voix songeuse: —Oh! oui! ça doit être amusant tout de Même! UN FOU Il était mort chef d'un haut tribunal, magistrat intègre dont la vie irréprochable était citée dans toutes les cours de France.

Les avocats, les jeunes conseillers, les juges saluaient en s'inclinant très bas, par marque d'un profond respect, sa grande figure blanche et maigre qu'éclairaient deux yeux brillants et profonds. Il avait passé sa vie à poursuivre le crime et à protéger les faibles.

Les escrocs et les meurtriers n'avaient point eu d'ennemi plus redoutable, car il semblait lire, an fond de leurs âmes, leurs pensées secrètes, et démêler, d'un coup d'oeil, tous les mystères de leurs intentions. Il était donc mort, à l'âge de quatre-vingt-deux ans, entouré d'hommages et poursuivi par les regrets de tout un peuple.

Des soldats en culotte rouge l'avaient escorté jusqu'à sa tombe, et des hommes en cravate blanche avaient répandu sur son cercueil des paroles désolées et des larmes qui semblaient vraies. Or, voici l'étrange papier que le notaire, éperdu, découvrit dans le secrétaire où il avait coutume de serrer les dossiers des grands criminels. Cela portait pour titre: POURQUOI? 20 juin 1851.—Je sors de la séance.

J'ai fait condamner Blondel à mort! Pourquoi donc cet homme avait-il tué ses cinq enfants? Pourquoi? Souvent, on rencontre de ces gens chez qui détruire la vie est une volupté. Oui, oui, ce doit être une volupté, la plus grande de toutes peut-être; car tuer n'est-il pas ce qui ressemble le plus à créer? Faire et détruire! Ces deux mots enferment l'histoire des univers, toute l'histoire des mondes, tout ce qui est, tout! Pourquoi est-ce enivrant de tuer? 25 Juin.—Songer qu'un être est là qui vit, qui marche, qui court....

Un être? Qu'est-ce qu'un être? Cette chose animée, qui porte en elle le principe du mouvement et une volonté réglant ce mouvement! Elle ne tient à rien, cette chose.

Ses pieds ne communiquent pas au sol.

C'est un grain de vie qui remue sur la terre; et ce grain de vie, venu je ne sais d'où, on peut le détruire comme on veut.

Alors rien, plus rien.

Ça pourrit, c'est fini. 26 juin.—Pourquoi donc est-ce un crime de tuer? oui, pourquoi? C'est, au contraire, la loi de la nature.

Tout être a pour mission de tuer: il tue pour vivre et il tue pour tuer.—Tuer est dans notre tempérament; il faut tuer! La bête tue sans cesse, tout le jour, à tout instant de son existence.—L'homme tue sans cesse pour se nourrir, mais comme il a besoin de tuer aussi, par volupté, il a inventé la chasse! L'enfant tue les insectes qu'il trouve, les petits oiseaux, tous les petits animaux qui lui tombent sous la main.

Mais cela ne suffisait pas à l'irrésistible besoin de massacre qui est en nous.

Ce n'est point assez de tuer la bête; nous avons besoin aussi de tuer l'homme.

Autrefois, on satisfaisait ce besoin par des sacrifices humains.

Aujourd'hui, la nécessité de vivre en société a fait du meurtre un crime.

On condamne et on punit l'assassin! Mais comme nous ne pouvons vivre sans nous livrer à cet instinct naturel et impérieux de mort, nous nous soulageons, de temps en temps, par des guerres où un peuple entier égorge un autre peuple.

C'est alors une débauche de sang, une débauche où s'affolent les armées et dont se grisent encore les bourgeois, les femmes et les enfants qui lisent, le soir, sous la lampe, le récit exalté des massacres.

Monsieur Parent UN FOU 54. »

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