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Montherlant, Service inutile

Publié le 27/04/2011

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Je me souviens de cette parole qu'Homère prête au père Zeus dans L'Odyssée : « Toujours les hommes nous accusent, nous les dieux, alors que bien souvent ce sont eux qui vont chercher la souffrance en dehors de leur destin. « Combien d'êtres, faute de se fortifier dans une intelligente indifférence, vont chercher le malheur en dehors de leur destin ! Combien d'hommes vivent aussi fermés à ce qu'il y a dans l'âme de leur femme et de leurs enfants, qu'à ce qui se passe dans la caboche de leur chien, et se montent la tête, et se la tournent, sur des problèmes qui sont hors de portée de leur intelligence et hors du pouvoir de leur volonté ! C'est déjà beaucoup, cependant, que nous nous réformions nous-mêmes; c'est déjà beaucoup que faire du bien à ceux que nous aimons ; c'est déjà beaucoup que rendre justice autour de nous : il y a là de quoi occuper une vie. L'étranger, paraît-il, reproche aux jeunes gens de chez nous de ne s'occuper que de leurs petites amies : il vaut infiniment mieux s'occuper en connaissance de cause des réalités humaines qu'on rencontre dans sa vie privée, réalités tangibles, dignes le plus souvent de secours et d'amour, et sur lesquelles on peut agir à coup sûr, que des sublimes fariboles pour lesquelles nous voyons aujourd'hui quelques jeunesses d'Europe si curieusement enflammées. Il vaut mieux se tuer à la peine, pour rendre heureuse sa femme, et honnêtes ses enfants, que se faire tuer pour quelque mythe absurde, construit de toutes pièces par la malice d'un ambitieux ou la rêverie d'un exalté. En vérité, quand je vois les humains si sensibles aux mythes, je songe aux petits enfants dans les squares. Sur le banc, la mère ou la bonne est un véritable moulin à mythes : « Tu vas être puni ! — Tu vas prendre froid ! — Tu vas voir ce que le garde va dire ! — Attends un peu, je vais te faire prendre par un chômeur ! — Tu veux donc faire pleurer maman ? « Mais les petits enfants, à trois pas d'elle, et n'en perdant pas une goutte, continuent de jouer comme s'ils n'entendaient pas, car ils savent bien que tout cela n'est pas sérieux, qu'ils ne seront pas punis, qu'ils ne prendront pas froid, que le garde ni les chômeurs ne leur feront du mal, et que maman ne pleurera pas à cause d'eux, mais à cause de papa. Nous aussi, sous le moulin à mythes, nous devrions, une fois de plus, nous rendre semblables aux petits enfants : laisser dire, et le tenir pour rien.    Montherlant, Service inutile, 1935.    Vous ferez de ce texte à votre choix un résumé (en suivant le fil du développement) ou une analyse (en mettant en relief la structure logique de la pensée, sans vous attacher à l'ordre linéaire du texte).    Vous choisirez dans le texte un problème qui offre une réelle consistance et qui vous aura intéressé, vous en préciserez les données et vous exposerez vos vues personnelles sous la forme d'une argumentation ordonnée menant à une conclusion.

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