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LA PRESSE: UN «SERVICE INUTILE » ?

Publié le 30/03/2011

Extrait du document

   Chacun de nous, sans être homme public, a pu constater qu'un fait qui le concerne, ou dont il a été le témoin, rapporté dans un journal, l'est presque toujours sous une forme inexacte, et parfois violemment contraire à la réalité. Que sera-ce s'il s'agit d'hommes publics ! On m'a cité des interviews de personnages très importants, parues dans un journal important lui aussi, et imaginaires d'un bout à l'autre : l'interview n'avait pas été prise ! (...)    Le moyen le plus puissant et le plus répandu qu'ait de nos jours le monde des choses inférieures pour menacer l'homme de la rue dans sa possession de soi-même, la presse, le fait donc vivre dans un univers de fictions. Plus encore qu'au cours des siècles passés, l'imposture est son élément. Qu'on ne juge pas que j'ai donné ici une part trop grande à la presse. N'importe quelle insanité sociale, entre autres la guerre, la faire accepter est l'affaire d'une campagne de presse de six semaines. Notre condition, notre vie, les vies de ceux qui nous sont chers, sont à la merci des directeurs de journaux, et des journalistes.    L'actualité entre en nous d'une autre manière, par l'information orale.    Je demandais un jour à M. Doumergue : «Combien y a-t-il d'hommes, dans toute la France, qui connaissent la réalité de la situation ? Deux mille ? « Il me répondit : « Pas même. «    Supposons néanmoins que notre information nous vienne par un de ces « moins de deux mille «. L'informateur voit la réalité, ou plutôt ne voit que son apparence : première perte de la réalité, par rapport à nous. Il a sur elle une opinion, qui après tout n'est qu'une opinion : seconde perte de réalité. Nous prenons cette opinion, que nous arrangeons à notre manière, et qui au surplus, en cet état, n'est encore qu'une opinion : troisième et quatrième pertes de réalité. Si l'on veut bien admettre que la plupart des informations que nous recueillons dans le monde ne nous viennent pas de première, mais de seconde ou de troisième main, et qu'en cours de route elles se sont vidées à chaque relais d'un peu de vérité, on appréciera ce qu'il reste de la précieuse substance dans l'opinion qu'au bout du compte nous faisons nôtre. Encore ai-je négligé l'hypothèse où l'homme « informé « nous aurait fait quelque conte par discrétion. Sans parler de l'hypothèse où l'homme informé ne le serait pas.    Reconnaissons-le : nous vivons parmi des fantômes. Nous parlons, nous agissons, nous nous échauffons à propos de choses dont nous ne savons rien. Nous recevons sur nous et nous mêlons à nos remuements les ombres portées par des objets qui nous sont invisibles, dont nous n'avons aucune idée. Pareils à cet avion sans pilote, qui devait être dirigé à distance au moyen d'ondes, si nous entrons dans la vie de la cité, nous sommes menés par des forces que nous ne soupçonnons pas ; et c'est à faire le jeu de l'adversaire qu'il nous arrive — combien de fois ! — d'user notre énergie, quand ce n'est pas notre substance. On plaisante le café du Commerce1, les parlotes et les passions des hommes qui ne savent pas. Mais le café du Commerce est à tous les échelons. Nos congrès, nos « conseils «, nos « mouvements «, nos « États généraux «, c'est le café du Commerce, avec les lunettes d'écaillé en plus, je veux dire prétention et jargon. Relisez un journal vieux de six mois seulement, et cherchez, parmi les actes des hommes dont le compte rendu est là, ceux qui ont servi vraiment à quelque chose. Vous verrez que des trois quarts de tout cela il reste ce qui reste d'une danse de mouches dans un rayon de soleil. Vous faites la moue : « Cela n'est pas neuf. « Oui, mais le sait-on ?    Il est une autre raison pour que votre perception des événements contemporains soit fausse : ils sont trop près de nous. Ainsi les images d'un film, vues d'un fauteuil des premiers rangs. Il n'y a pas que d'être à être, que l'éloignement rapproche. Ce ne sont pas seulement nos informateurs qui sont des illusionnistes, mais la vie elle-même. C'est l'avenir qui saura ce que nous sommes.    Henry de Montherlant, « La possession de soi-même «, Conférence faite le 8 mars 1935.    1. Vous ferez de ce texte un résumé en 200 mots (une marge de 10 % en plus ou en moins est toutefois admise). Vous indiquerez à la fin de votre résumé le nombre de mots employés. (8 points)    2. Quel est le sens dans le texte des expressions suivantes :    — l'imposture est son élément ;    — il n'y a pas que d'être à être, que l'éloignement rapproche. (2 points)    3. En vous référant à votre expérience, vous vous demanderez s'il faut, comme Montherlant, condamner sans réserves la presse, et plus généralement les organismes d'information. (10 points)    Votre réponse devra être entièrement rédigée.

« Les comparaisons entre un fait vécu en direct par un témoin oculaire ou averti dans le domaine en question et lecompte-rendu journalistique font souvent apparaître un décalage.

La réalité est par conséquent faussée, parfoismême elle est totalement truquée.

La presse, qui joue de plus en plus un rôle fondamental dans nos vies privées,sociales et politiques ignore donc l'objectivité et la vérité.

Comment le quatrième pouvoir peut-il déformer ainsi laréalité ? La manière dont nous parvient l'information fournit une explication.

Peu d'hommes voient l'événement endirect, leur perception est déjà subjective : ils se forment une opinion que nous-mêmes modifions selon notresubjectivité, et ainsi de suite au fil des différents intermédiaires sans parler des falsifications volontaires ou del'ignorance pure et simple. La conséquence principale est que le citoyen d'une démocratie ne sait en réalité rien de précis.

Il discute, dispute etprend des décisions sans réelle connaissance.

Cet état de fait n'est pas l'apanage du vulgaire, mais également deshommes importants qui s'agitent avec la même impuissance.

Il faut le dire.

Ajoutons à cela que la proximité desévénements nous empêche d'en avoir une juste perception.

(191 mots.) Vocabulaire L'imposture est son élément. L'imposture désigne le fait de tromper les gens par des discours mensongers, des faux-semblants, en abusant deleur crédulité.

Selon H.

de Montherlant, la presse joue ce rôle néfaste en colportant des nouvelles fausses. Il n'y a pas que d'être à être, que l'éloignement rapproche. Cette phrase paradoxale, à première vue, signifie que dans le domaine des sentiments, ceux-ci augmententd'intensité quand les êtres qui s'aiment sont momentanément séparés l'un de l'autre.

Appliquée au domaine del'information et de l'actualité, la phrase signifie que nous comprenons mieux les événements qui sont un peu éloignésdans le temps. Discussion sous forme de plan détaillé. Introduction. L'immense développement de la presse est un fait caractéristique de notre siècle.

Quelques chiffres le démontrentaisément : en 1824, douze quotidiens paraissaient à Paris pour soixante mille abonnés; pour le même nombre dejournaux parisiens, il y a actuellement plus de quatre millions d'acheteurs.

Il paraît en France chaque année septmilliards de périodiques de toutes natures.

Cet essor a modifié nos mentalités.

La presse est-elle bonne ou mauvaise? Doit-on comme Henri de Montherlant, la condamner ainsi que les autres médias ? I.

Pourquoi devrait-on condamner la presse ? 1.

La déformation de la vérité et de la réalité. C'est l'argument majeur de Montherlant, dont on pourrait rappeler les différents éléments de démonstration. a) La presse et les journalistes déforment les faits parce que l'objectivité n'existe pas.

Le choix d'une photo, d'uncadrage, d'un gros titre, la place de l'article dans le journal, son heure de diffusion sur les ondes ne sont jamaisgratuits. b) Déformation politique : la plupart des journaux ont une tendance politique qu'ils affichent plus ou moins clairement(Le Monde est de gauche, Le Figaro de droite et L'Humanité a comme sous-titre « Organe du Parti communistefrançais).

Les informations ne sont évidemment pas traitées de la même manière, ce que montre une revue depresse attentive. c) Déformation commerciale : il faut faire vendre, appâter le public par des gros-titres scandaleux, étonnants,terrifiants.

Le quotidien ne fait pas vendre, le sensationnel si (la presse à sensation).

2.

La presse peut flatter les bas instincts de Vhomme. a) La violence : les narrations de faits divers, les photos meurtrières, les interviews « à chaud » (cf.

le slogan deMatch : « le poids des mots, le choc des photos »). b) La sexualité : des journaux comme Qui Police ou Le Nouveau détective spécialistes dans les faits divers sexuels. c) Le goût du scandale : la vie privée des stars, des vedettes et des membres des familles royales ou princières. 3.

La surinformation.. »

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