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NAISSANCE DES ARTS. Proudhon.

Publié le 07/07/2011

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P.-J. Proudhon, philosophe social du XIXe siècle (1809-1865), a consacré un livre, publié après sa mort, en 1865, à l'étude Du Principe de l'Art. Au début du chapitre II, il décrit ainsi la naissance des arts. On étudiera particulièrement : a) les détails réalistes; b) l'analyse du sentiment artistique; c) l'étude des moyens d'expression esthétique.

Le premier qui, en dehors de ses attractions physiques et de ses besoins matériels, sut apercevoir dans la nature un objet agréable, intéressant, singulier, magnifique, terrible ; qui s'y attacha, s'en fit un amusement, une parure, un souvenir ; qui, communiquant à son hôte, à son frère, son admiration, leur en fit agréer l'objet comme un témoignage précieux d'estime, d'amitié, celui-là fut le premier artiste. La petite fille qui se fait une couronne de bluets, la femme qui se compose un collier de coquillages ou de perles, le guerrier qui, pour se rendre plus terrible, s'affuble d'une peau d'ours ou de lion, sont des artistes. Cette faculté est propre à notre espèce ; l'animal n'admire rien, ne montre de goût en rien, ne distingue point entre le beau et le laid, pas plus qu'entre le juste et l'injuste. Il est sans amour-propre et sans délicatesse, sans bassesse comme sans orgueil, insensible à tout ce que nous appelons beauté et harmonie de la nature. J'appelle donc esthétique la faculté que l'homme a en propre d'apercevoir ou de découvrir le beau et le laid, l'agréable et le disgracieux, le sublime et le trivial , en sa personne et dans les choses, et de se faire de cette perception un nouveau moyen de jouissance, un raffinement de volupté. Ainsi déterminé dans son principe et dans son objet, l'art se fait de tout un instrument ou une matière, depuis la plus simple figure de géométrie jusqu'aux fleurs les plus splendides, depuis la feuille d'acanthe sculptée sur le chapiteau corinthien, jusqu'à la personne humaine taillée en marbre, coulée en bronze et érigée en divinité. Toute la vie va s'envelopper d'art : naissance, mariage, funérailles, moissons, vendanges, combats, départs, absence, retour, rien n'arrivera, rien ne se fera sans cérémonie, poésie, danse ou musique. Le chef de clan élève son toit sur des colonnes pareilles aux pins et aux chênes qui soutiennent la voûte sombre des forêts ; la table sur laquelle il prend son repas a des pieds de bélier ou de chèvre ; le vase qui contient sa boisson figure un oiseau dont le cou sert de goulot et le bec d'orifice. Sans cesse occupé de se relever à ses propres yeux et aux yeux des autres, il soigne sa démarche, son vêtement et son langage, scandant ses discours, faisant des comparaisons et des paraboles, inventant un refrain, un couplet, une complainte, formulant des sentences et parlant par apophtegmes . S'abstenir des façons grossières, des gestes choquants, des paroles de mauvais augure, est le premier devoir d'un homme bien appris. L'urbanité ou la politesse est le premier et jusqu'à présent le plus positif et le plus précieux des effets de l'art.

Proudhon.

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