Naissance du spiritualisme français

nisme d’abord dédié à Bonaparte, et qui apparaît opportunément comme un soutien à la politique du Concordat. Le titre, célèbre, est peut-être emprunté à Ballanche et le sous-titre annonce le principe apologétique : « Beautés de la religion chrétienne. » L’ouvrage, le premier grand livre du romantisme en France, a une importance littéraire considérable. Il marque la volonté de rupture avec la littérature, l’esthétique, la philosophie du XVIIIe siècle. Chateaubriand est le premier à prendre dans un sens péjoratif l’« idéologie » à laquelle il avait adhéré dans V Essai sur les révolutions. Il n’est guère philosophe, davantage historien, et comme homme d’Etat, il défend avec tout son prestige d’écrivain un certain libéralisme de principe : « La religion est la source de la liberté. » Opposant sous l’Empire, il ne réussit guère sous la Restauration des Bourbons qu’il avait souhaitée. Ajoutons que l’hostilité au protestantisme, qui semblait alors avoir partie liée avec le philosophisme, le distingue nettement du groupe de Coppet (Mme de Staël, Benjamin Constant). Mais ce ralliement aux certitudes massives d’une Eglise reste extérieur au spiritualisme qui va caractériser la philosophie française du XIXe siècle. Ce que ce spiritualisme refuse est moins l’héritage de la philosophie du XVIIIe siècle représentée par l’idéologie que l’interprétation matérialiste de cette idéologie. L’équivalence supposée du condillacisme, du « sensualisme » et du « matérialisme » n’a de valeur que polémique. Que Degérando ait été chrétien et Laromiguière déiste n’a rien d’incompatible avec la méthode analytique de Condillac qui n’a d’ailleurs lui-même jamais renoncé à sa foi. L’expression d’idéologie spiritualiste utilisée en histoire des idées est elle-même très contestable ; c’est oublier que l’intention première de l’idéologie était de se situer en deçà de l’opposition métaphysique du matérialisme et du spiritualisme, de les renvoyer dos à dos comme l’avait fait Kant en Allemagne. L’apparition et le développement du spiritualisme en France répondent à deux caractéristiques : a) Il est une réflexion sur la distinction fondamentale de l’activité et de la passivité. C’est par là qu’il se rattache à l’idéologie ou plutôt au problème qu’a posé très tôt aux idéologues l’existence du monde extérieur. Comment, à partir de l’hypothèse de la statue, Condillac peut-il poser cette existence ? Lui-même recourait à la sensation de toucher, Destutt de Tracy introduit la notion de mobilité et de résistance au mouvement.