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Paul Valéry, Variété : Le Bilan de l'Intelligence.

Publié le 26/04/2011

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Selon votre préférence, résumez le texte suivant en respectant son mouvement, ou bien analysez-le en distinguant et ordonnant les thèmes et en vous attachant à rendre compte de leurs rapports. Après ce résumé ou cette analyse, vous dégagerez du texte un problème auquel vous attachez un intérêt particulier : vous en préciserez les données, vous les discuterez s'il y a lieu et vous exposerez, en les justifiant, vos propres vues sur la question. (...] je vous dirai que l'on pouvait encore, il y a quelque trente ans, examiner les choses de ce monde sous un aspect historique, c'est-à-dire qu'il était alors dans l'esprit de tous de chercher, dans le présent d'alors, la suite et le développement assez intelligibles des événements qui s'étaient produits dans le passé. La continuité régnait dans les esprits On trouvait, sans grande difficulté, des modèles, des exemples, des précédents. des causes, dans les documents, les souvenirs, les ouvrages historiques. Ceci était général; et à part quelques nouveautés dans l'ordre industriel, tout le reste des éléments de la civilisation se raccordait assez facilement au passé. Mais, pendant les trente ou quarante ans que nous venons de vivre, trop de nouveautés se sont introduites, dans tous les domaines. Trop de surprises, trop de créations, trop de destructions, trop de développements considérables et brusques sont venus interrompre assez brutalement cette tradition intellectuelle, cette continuité dont je vous parlais. Et des problèmes chaque jour plus nombreux, des problèmes parfaitement neufs et inattendus, se sont déclarés de toutes parts, soit dans la politique, soit dans les arts, soit dans les sciences; dans toutes les affaires humaines, toutes les cartes ont été brouillées. L'homme se trouve assailli par une quantité de questions auxquelles aucun homme, jusqu'ici, n'avait songé, philosophe ou non, savant ou non; tout le monde est comme surpris. Tout homme appartient à deux ères. Dans le passé, on n'avait guère vu, en fait de nouveautés, paraître que des solutions ou des réponses à des problèmes ou à des questions très anciennes, sinon immémoriales. Mais notre nouveauté, à nous, consiste dans l'inédit des questions elles-mêmes, et non point des solutions; dans les énoncés, et non dans les réponses. De là cette impression générale d'impuissance et d'incohérence qui domine nos esprits, qui les dresse, et les met dans cet état anxieux auquel nous ne pouvons ni nous accoutumer, ni prévoir un terme. D'un côté, un passé qui n'est pas aboli ni oublié, mais un passé duquel nous ne pouvons à peu près rien tirer qui nous oriente dans le présent et nous donne à imaginer le futur. De l'autre, un avenir sans la moindre figure. Nous sommes, chaque jour, à la merci d'une invention, d'un accident, matériel ou intellectuel. Il suffit de reprendre une collection de journaux vieille à peine de quelques mois pour voir avec quelle constance les événements confondent en peu de jours les pronostics des hommes les plus compétents. Faut-il oser ajouter ici qu'un homme compétent devient un homme qui se trompe, mais qui se trompe dans toutes les règles? Je ne puis m'empêcher de songer à ce trust des cerveaux qui fut assemblé en Amérique et qui s'évanouit en discutant, au bout de quelques semaines. Nous ne voyons de toutes parts, sur l'univers, que tentatives, plans, expériences, essais, tâtonnements, précipités dans tous les ordres. La Russie, l'Allemagne, l'Italie, les États-Unis sont comme de vastes laboratoires où se poursuivent des recherches d'une ampleur inconnue jusqu'ici; où l'on tente de façonner un homme nouveau, de faire une économie, des mœurs, une vie et même des religions nouvelles. Et il en est de même dans les sciences, dans les arts et en toutes choses humaines.

Mais, en présence de cet état si angoissant d'une part, si excitant de l'autre, la question même de l'intelligence humaine se pose; la question de l'intelligence, de ses bornes, de sa préservation, de son avenir probable, se pose à elle-même et lui apparaît la question capitale du moment. Paul Valéry, Variété : Le Bilan de l'Intelligence.

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