Devoir de Philosophie

pendant les longues nuits silencieuses, et de se rouler sur la paille, aux sons joyeux d'une lourde chaîne.

Publié le 15/12/2013

Extrait du document

pendant les longues nuits silencieuses, et de se rouler sur la paille, aux sons joyeux d'une lourde chaîne. Hourra pour la maison des fous ! C'est un charmant endroit. « Je me rappelle le temps où j'avais peur de devenir fou ; où je m'éveillais en sursaut, pour tomber sur mes genoux, et demander au ciel de me délivrer du fléau de toute ma race ; où je fuyais la vue de la gaieté et du bonheur pour me cacher dans un coin solitaire, et consumer les heures pesantes à guetter les progrès de la fièvre qui devait dévorer mon cerveau. Je savais que la folie était mêlée dans mon sang même, et jusque dans la moelle de mes os ; qu'une génération avait passé sans qu'elle reparût dans ma famille, et que j'étais le premier chez qui elle devait revivre. Je savais que cela devait être ainsi, que cela avait toujours été et devait toujours être de même ; et quand je m'isolais dans l'angle d'un salon plein de monde, quand je voyais les invités parler bas et tourner les yeux vers moi, je savais qu'ils s'entretenaient du fou prédestiné. Je m'enfuyais alors et j'allais me nourrir de mes tristes pensées dans la solitude. « J'ai fait cela pendant des années, de longues, de pénibles années. Les nuits sont longues ici quelquefois, très-longues ; mais ce n'est rien auprès des nuits sans repos, des rêves épouvantables, qui me tourmentaient dans ce temps-là. J'ai froid quand j'y pense. De grandes figures sombres rampaient dans tous les coins de ma chambre ; et pendant la nuit leurs visages grimaçants et moqueurs se penchaient sur ma couche, pour me faire perdre l'esprit. Ils me disaient, en murmurant tout bas, que le plancher de notre vieille maison était souillé du sang de mon grand-père, versé par ses propres mains, dans un accès de fureur. J'enfonçais mes doigts dans mes oreilles, de peur de les entendre, mais leurs voix s'élevaient comme la tempête, et elles me criaient que la folie avait sommeillé pendant une génération avant mon grand-père, et que son grand-père, à lui, avait vécu pendant des années, avec ses mains enchaînées à la terre, pour l'empêcher de se déchirer lui-même. Je savais que c'était la vérité ; je le savais bien, je l'avais découvert nombre d'années auparavant, quoiqu'on s'efforçât de me le cacher. Ah ! ah ! j'étais trop malin pour eux, quoiqu'ils me crussent fou. « À la fin la folie vint sur moi, et je m'étonnai de l'avoir jamais redoutée. Je pouvais aller dans le monde, et rire, et plaisanter, avec les plus brillants d'entre eux. Je savais que j'étais fou, mais eux ils ne s'en doutaient pas. Comme je jouissais, en moi-même, du tour que je leur jouais, après tous leurs chuchotements et tous leurs airs effrayés, lorsque je n'étais pas fou, lorsque je craignais seulement de le devenir ! Comme je riais, quand j'étais seul, en pensant que je gardais si bien mon secret ; en pensant à la terreur de mes bons amis, s'ils avaient seulement soupçonné la vérité ! Lorsque je dînais en tête-à-tête avec quelque beau garçon tapageur, j'aurais pu hurler de délice, en songeant comme il serait devenu pâle et comme il se serait enfui, s'il avait su que ce cher ami, assis près de lui et qui aiguisait un couteau effilé, était un fou, avec la puissance et presque la volonté de lui plonger sa lame dans le coeur. Oh ! c'était une joyeuse vie. « D'immenses richesses devinrent mon partage, et je m'enivrai de plaisirs qui étaient rehaussés mille fois par la conscience du secret que je gardais si bien. J'héritai d'un château ; la loi aux yeux de lynx, la loi elle-même fut déçue ; elle remit entre les mains d'un fou une fortune prodigieuse et contestée. Où donc était l'esprit des hommes sages et clairvoyants ? Où était la dextérité des hommes de loi, si habiles à découvrir le moindre vice de forme ? La malice d'un fou les avait tous abusés. « J'avais de l'argent : comme j'étais courtisé ! Je le dépensais largement : comme j'étais loué ! comme ces trois frères orgueilleux s'humiliaient devant moi ! Le vieux père aussi, avec sa tête blanche ! Tant de déférence, tant de respect, tant d'amitié dévouée ! Véritablement ils m'idolâtraient. Le vieux homme avait une fille ; les jeunes gens avaient une soeur ; et tous les cinq étaient pauvres, et j'étais riche, et quand j'épousai la jeune fille, je vis un sourire de triomphe sur le visage de ses avides parents. Ils pensaient à leur plan, si bien conduit, à la bonne prise qu'ils avaient faite : c'était à moi de sourire... de sourire ?... De rire aux éclats, et de me rouler sur la terre, en m'arrachant les cheveux avec des cris de joie ! Ils ne se doutaient guère qu'ils l'avaient mariée à un fou. « Un moment... S'ils l'avaient su, aurait-elle été sauvée ? Le bonheur d'une soeur contre l'or de son mari ? Le plus léger duvet qui vole dans l'air contre la superbe chaîne qui orne mon corps ! « Sur un point, cependant, je fus trompé, malgré toute ma malice. Si je n'avais pas été fou... car, nous autres fous, quoique nous soyons assez rusés, nous nous embrouillons quelquefois... si je n'avais pas été fou, je me serais aperçu que la jeune fille aurait mieux aimé être placée, roide et froide, dans un cercueil de plomb, que d'être amenée, riche et noble mariée, dans ma maison fastueuse. J'aurais su que son coeur était avec le jeune homme aux yeux noirs, dont je lui ai entendu murmurer le nom pendant son sommeil agité ; j'aurais su qu'elle m'était sacrifiée pour secourir la pauvreté de son père aux cheveux blancs, et de ses frères orgueilleux. « Je ne me rappelle plus les visages maintenant, mais je sais que la jeune fille était belle. Je le sais, car pendant les nuits où la lune brille, quand je me réveille en sursaut et que tout est tranquille autour de moi, je vois dans un coin de cette cellule une figure maigre et blanche, qui se tient immobile et silencieuse. Ses longs cheveux noirs, épars sur ses épaules, ne sont jamais agités par le vent. Ses yeux, qui fixent sur moi leur regard brûlant, ne clignent jamais, et ne se ferment jamais... Silence ! mon sang se gèle dans mon coeur, en écrivant ceci. Cette figure, c'est elle !... Son visage est très-pâle et ses prunelles sont vitreuses ; mais je la connais bien... Cette figure ne bouge jamais, elle ne fronce point ses sourcils, elle ne grince pas des dents comme les autres fantômes qui peuplent souvent ma cellule ; et cependant elle est bien plus affreuse pour moi que tous les autres ; elle est plus affreuse que les esprits qui me tentaient jadis ; elle sort de sa tombe, et la mort est sur son visage. « Pendant près d'un an je vis les couleurs de ses joues se ternir de jour en jour ; pendant près d'un an je vis des larmes silencieuses couler de ses yeux battus. Je n'en savais pas la cause, mais je la découvris à la fin. Ils ne purent pas me la cacher plus longtemps. Elle ne m'avait jamais aimé ; je n'avais pas pensé qu'elle m'aimât. Elle méprisait mes richesses, et détestait la splendeur où elle vivait ; je ne m'étais pas attendu à cela. Elle en aimait un autre ; cette idée ne m'était pas entrée dans la tête. D'étranges sentiments s'emparèrent de moi ; des pensées inspirées par quelque pouvoir secret bouleversèrent ma cervelle. Je ne la haïssais pas, quoique je haïsse le jeune homme qu'elle pleurait encore. J'avais pitié... oui, j'avais pitié de la vie misérable à laquelle ses égoïstes parents l'avaient condamnée. Je savais qu'elle ne vivrait pas longtemps, mais la pensée qu'avant sa mort elle pouvait donner naissance à un être infortuné destiné à transmettre la folie à ses enfants... Cette pensée me détermina... Je résolus de la tuer. « Pendant plusieurs semaines je voulus la noyer ; puis je songeai au poison, puis au feu. Quel beau spectacle, de voir la grande maison tout en flammes, et la femme du fou réduite en cendres ! Quelle bonne charge de promettre, pour la sauver, une grande récompense, et ensuite de faire pendre, comme incendiaire, quelque homme sage et innocent ! et tout cela par la malice d'un fou. J'y rêvais souvent, mais j'y renonçai à la fin. Oh ! quel plaisir de repasser tous les jours le rasoir, d'essayer comme il était bien affilé et de penser à l'entaille que pourrait faire un seul coup de cette lame brillante ! « À la fin les esprits qui avaient été si souvent avec moi auparavant, chuchotèrent dans mon oreille que le temps était venu. Ils me mirent un rasoir tout ouvert dans la main ; je le serrai avec force ; je me levai doucement du lit et me penchai sur ma femme endormie. Son visage était caché dans ses mains ; je les écartai doucement, et elles tombèrent nonchalamment sur son sein. Elle avait pleuré, les traces de ses larmes étaient encore visibles sur ses joues pâles ; cependant son visage était calme et heureux, et tandis que je la regardais, un tranquille sourire éclairait ses traits amaigris. Je posai doucement ma main sur son épaule ; elle tressaillit, mais sans entr'ouvrir ses longues paupières. Je la touchai de nouveau : elle poussa un cri et s'éveilla. « Un mouvement de ma main, et elle n'aurait jamais fait entendre un autre son ; mais je fus

« me rouler surlaterre, enm’arrachant lescheveux avecdescrisdejoie ! Ilsne sedoutaient guère qu’ilsl’avaient mariéeàun fou. « Un moment… S’ilsl’avaient su,aurait-elle étésauvée ? Lebonheur d’unesœurcontre l’orde son mari ? Leplus léger duvet quivole dans l’aircontre lasuperbe chaînequiorne moncorps ! « Sur unpoint, cependant, jefus trompé, malgrétoutemamalice.

Sije n’avais pasétéfou… car, nous autres fous,quoique noussoyons assezrusés, nousnousembrouillons quelquefois… sije n’avais pasétéfou, jeme serais aperçu quelajeune filleaurait mieux aiméêtreplacée, roideet froide, dansuncercueil deplomb, qued’être amenée, richeetnoble mariée, dansmamaison fastueuse.

J’auraissuque soncœur étaitaveclejeune homme auxyeux noirs, dontjelui ai entendu murmurer lenom pendant sonsommeil agité ;j’aurais suqu’elle m’était sacrifiée pour secourir lapauvreté deson père auxcheveux blancs,etde ses frères orgueilleux. « Je neme rappelle pluslesvisages maintenant, maisjesais que lajeune filleétait belle.

Jele sais, carpendant lesnuits oùlalune brille, quand jeme réveille ensursaut etque tout est tranquille autourdemoi, jevois dans uncoin decette cellule unefigure maigre etblanche, qui se tient immobile etsilencieuse.

Seslongs cheveux noirs,éparssurses épaules, nesont jamais agités parlevent.

Sesyeux, quifixent surmoi leur regard brûlant, neclignent jamais,etne se ferment jamais…Silence ! monsang segèle dans moncœur, enécrivant ceci.Cette figure, c’est elle !… Sonvisage esttrès-pâle etses prunelles sontvitreuses ; maisjelaconnais bien…Cette figure nebouge jamais, ellenefronce pointsessourcils, ellenegrince pasdes dents comme les autres fantômes quipeuplent souventmacellule ; etcependant elleestbien plusaffreuse pour moi quetous lesautres ; elleestplus affreuse quelesesprits quime tentaient jadis ;ellesort de satombe, etlamort estsur son visage. « Pendant prèsd’un anjevis les couleurs deses joues seternir dejour enjour ; pendant près d’un anjevis des larmes silencieuses coulerdeses yeux battus.

Jen’en savais paslacause, mais je ladécouvris àla fin.

Ilsne purent pasmelacacher pluslongtemps.

Ellenem’avait jamais aimé ; jen’avais paspensé qu’elle m’aimât.

Elleméprisait mesrichesses, etdétestait la splendeur oùelle vivait ; jene m’étais pasattendu àcela.

Elleenaimait unautre ; cetteidéene m’était pasentrée danslatête.

D’étranges sentiments s’emparèrent demoi ; despensées inspirées parquelque pouvoirsecretbouleversèrent macervelle.

Jene lahaïssais pas,quoique je haïsse lejeune homme qu’ellepleurait encore.J’avaispitié…oui,j’avais pitiédelavie misérable àlaquelle seségoïstes parentsl’avaient condamnée.

Jesavais qu’elle nevivrait pas longtemps, maislapensée qu’avant samort ellepouvait donnernaissance àun être infortuné destiné àtransmettre lafolie àses enfants… Cettepensée medétermina… Jerésolus delatuer. « Pendant plusieurssemaines jevoulus lanoyer ; puisjesongeai aupoison, puisaufeu.

Quel beau spectacle, devoir lagrande maison toutenflammes, etlafemme dufou réduite en cendres ! Quellebonnecharge depromettre, pourlasauver, unegrande récompense, et ensuite defaire pendre, commeincendiaire, quelquehommesageetinnocent ! ettout celapar la malice d’unfou.J’yrêvais souvent, maisj’yrenonçai àla fin.

Oh ! quel plaisir derepasser tous les jours lerasoir, d’essayer commeilétait bienaffilé etde penser àl’entaille quepourrait faire un seul coup decette lamebrillante ! « À lafin les esprits quiavaient étésisouvent avecmoiauparavant, chuchotèrent dansmon oreille queletemps étaitvenu.

Ilsme mirent unrasoir toutouvert danslamain ; jeleserrai avec force ; jeme levai doucement dulitet me penchai surma femme endormie.

Sonvisage était caché danssesmains ; jeles écartai doucement, etelles tombèrent nonchalamment sur son sein.

Elleavait pleuré, lestraces deses larmes étaient encorevisibles surses joues pâles ; cependant sonvisage étaitcalme etheureux, ettandis quejelaregardais, untranquille sourire éclairait sestraits amaigris.

Jeposai doucement mamain surson épaule ; elletressaillit, mais sans entr’ouvrir seslongues paupières.

Jelatouchai denouveau : ellepoussa uncriets’éveilla. « Un mouvement dema main, etelle n’aurait jamaisfaitentendre unautre son ;maisjefus. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles