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Pierre-Henri Simon

Publié le 23/04/2011

Extrait du document

« Si l'accès d'un plus grand nombre de personnes aux études et l'extension de leurs loisirs doivent avoir pour fruit naturel de développer chez elles le sens de la réflexion philosophique et de la vie esthétique, aucun désordre personnel ni social n'en devrait naître ; car cet approfondissement de la conscience et cet élargissement des perspectives intellectuelles sont compatibles avec la pratique de tous les métiers, même des plus simples, en tout cas de ceux qui exigent un exercice cérébral. Il se trouve d'ailleurs qu'au fur et à mesure que se développe cette curiosité d'informations générales, de savoir désintéressé et de jouissance du goût, les progrès des techniques de communications — le transistor, le magnétophone, le disque, la T. V., le cinéma — fournissent les instruments d'une culture largement accessible aux foules. Les conditions d'un double progrès de l'humanisme, en richesse du matériau intellectuel et en extension du nombre des participants, semblent ainsi posées.    « Elles le sont en effet, mais dans un contexte qui ne promet pas que des réussites, pour ne pas dire qu'il suspend des périls. Car ce qui fera en définitive la valeur d'une culture de masse, en tant que culture proprement dite, ce ne sont pas des facteurs matériels tels que le grand nombre de personnes intéressées, l'étendue des informations données ou des connaissances offertes, c'est proprement un critère de qualité humaine. Or je retiens, dans l'évolution des choses, plusieurs causes de soucis pour quiconque aborde ces questions avec le respect de l'esprit. Je n'en retiendrai que deux.    « D'abord, si les « mass média « constituent indiscutablement un instrument de culture puissant, il à ceci de particulier qu'il privilégie l'image, sonore ou surtout visuelle, sur l'idée. Il crée une présence sensible de l'événement, ou de là personne qui parle, ou de la chose fictive qui est racontée, dans un film par exemple. C'est comme une ambiance qui imprègne l'âme, ou plutôt une substance affective ou sensible qui pénètre la conscience par osmose. L'auditeur, mais plus encore èe spectateur, est d'autant plus séduit qu'il peut absorber passivement ce qu'on lui donne. Dans la grande majorité des cas, surtout s'il est jeune, il se laisse emporter, il s'abandonne à ces rythmes qu'il ne contrôle pas. Ce n'est pas qu'il manque le réel, mais il le saisit existentiellement, en deçà de l'effort intellectuel qui tend vers sa compréhension par l'esprit. En d'autres termes, une culture suppose, pour être authentique, de conceptualiser (1) et de classer les choses. Les « mass média « fournissent un matériau brut, agréable à consommer tel quel, mais l'esprit ne s'y exerce pas, bien au contraire, comme il le fait avec le texte écrit, à comprendre. Et comme tout lui est donné en foisonnement et en désordre, il s'en compose, dans les meilleurs cas, un encyclopédisme superficiel et confus qui est loin d'être une culture, mais qu'il peut croire en être une, et cette illusion ne va pas sans risques. On le voit bien à constater la crise de présomption qui sévit aujourd'hui chez les adolescents, persuadés qu'ils savent autant et plus que leurs professeurs, et ne les acceptant que comme interlocuteurs plus ou moins valables dans des discussions où la table ronde est substituée à la chaire.    « En second lieu, il est notable que, dans la tradition de l'humanisme, l'élargissement de l'esprit par la culture était cherché du côté du passé ; il venait par les vieux livres, les vieilles pierres, les archives et les musées. Ce pouvait être un excès, une façon de couper l'enseignement de la vie, et c'est aujourd'hui ce que dénoncent les nouveaux maîtres. En réalité, on ne se coupait pas de la vie parce qu'on gardait le contact avec les documents souverains de l'art et de la littérature des générations antécédentes ; on y atteignait plutôt le sens d'une permanence des valeurs et d'une relativité du faux neuf. Le fait est, en tout cas, que dans les formes modernes de la civilisation, éminemment et depuis longtemps dans la civilisation américaine, c'est avant tout le présent qui importe : de familiarité avec le passé, la culture est devenue conscience de l'actuel. Dans sa perfection, elle doit être, certes, ouverture sur l'actuel, mais à partir d'une arrière-pensée ©ù les trésors de l'esprit des siècles ont déposé leur lumière* Or c'est à qui, aujourd'hui, dénoncera ce type de culture comme bourgeois, aristocratique, inauthentique et inefficace. Ge qui restera, l'humanisme exclu, ce sera, je le crains, l'information du journal télévisé, plus l'idéologie du parti ou du régime auquel on se trouvera lié. La culture de masse risque alors de tomber au niveau d'une inculture générale, et ce serait une catastrophe. «    Pierre-Henri Simon.    • Vous ferez, selon votre préférence, un résumé ou une analyse de ce texte.    Vous choisirez ensuite dans ce texte un problème auquel vous attachez un intérêt particulier, en préciserez les données et exposerez, en les justifiant, vos propres vues sur la question.

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