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POEMES ROMANTIQUES

Publié le 04/03/2011

Extrait du document

 

A une jeune fille

Vous qui ne savez pas combien l'enfance est belle, Enfant ! n'enviez point notre âge de douleurs, Où le coeur tour à tour est esclave et rebelle, Où le rire est souvent plus triste que vos pleurs. Votre âge insouciant est si doux qu'on l'oublie ! Il passe, comme un souffle au vaste champ des airs, Comme une voix joyeuse en fuyant affaiblie, Comme un alcyon sur les mers. Oh ! ne vous hâtez point de mûrir vos pensées ! Jouissez du matin, jouissez du printemps ; Vos heures sont des fleurs l'une à l'autre enlacées ; Ne les effeuillez pas plus vite que le temps. Laissez venir les ans ! Le destin vous dévoue, Comme nous, aux regrets, à la fausse amitié, A ces maux sans espoir que l'orgueil désavoue, A ces plaisirs qui font pitié. Riez pourtant ! du sort ignorez la puissance Riez ! n'attristez pas votre front gracieux, Votre oeil d'azur, miroir de paix et d'innocence, Qui révèle votre âme et réfléchit les cieux !

Victor HUGO

 

 

Laisse-Moi !

 

Non, laisse-moi, je t'en supplie ;

En vain, si jeune et si jolie,

Tu voudrais ranimer mon coeur :

Ne vois-tu pas, à ma tristesse,

Que mon front pâle et sans jeunesse

Ne doit plus sourire au bonheur ?

 

Quand l'hiver aux froides haleines

Des fleurs qui brillent dans nos plaines

Glace le sein épanoui,

Qui peut rendre à la feuille morte

Ses parfums que la brise emporte

Et son éclat évanoui !

 

Oh ! si je t'avais rencontrée

Alors que mon âme enivrée

Palpitait de vie et d'amours,

Avec quel transport, quel délire

J'aurais accueilli ton sourire

Dont le charme eût nourri mes jours.

 

Mais à présent, Ô jeune fille !

Ton regard, c'est l'astre qui brille

Aux yeux troublés des matelots,

Dont la barque en proie au naufrage,

A l'instant où cesse l'orage

Se brise et s'enfuit sous les flots.

 

Non, laisse-moi, je t'en supplie ;

En vain, si jeune et si jolie,

Tu voudrais ranimer mon coeur :

Sur ce front pâle et sans jeunesse

Ne vois-tu pas que la tristesse

A banni l'espoir du bonheur ?

 

Gérard de NERVAL

 

 

 

Tristesse

 

J’ai perdu ma force et ma vie, Et mes amis et ma gaîté ; J’ai perdu jusqu’à la fierté Qui faisait croire à mon génie. Quand j’ai connu la Vérité, J’ai cru que c’était une amie ; Quand je l’ai comprise et sentie, J’en étais déjà dégoûté. Et pourtant elle est éternelle, Et ceux qui se sont passés d’elle Ici-bas ont tout ignoré. Dieu parle, il faut qu’on lui réponde. — Le seul bien qui me reste au monde Est d’avoir quelquefois pleuré.

 

Alfred de Musset

 

 

Elle était déchaussée, elle était décoiffée,

 

 

Elle était déchaussée, elle était décoiffée,

Assise, les pieds nus, parmi les joncs penchants ;

Moi qui passais par là, je crus voir une fée,

Et je lui dis : Veux-tu t'en venir dans les champs ?

 

Elle me regarda de ce regard suprême

Qui reste à la beauté quand nous en triomphons,

Et je lui dis : Veux-tu, c'est le mois où l'on aime,

Veux-tu nous en aller sous les arbres profonds ?

 

Elle essuya ses pieds à l'herbe de la rive ;

Elle me regarda pour la seconde fois,

Et la belle folâtre alors devint pensive.

Oh ! comme les oiseaux chantaient au fond des bois !

 

Comme l'eau caressait doucement le rivage !

Je vis venir à moi, dans les grands roseaux verts,

La belle fille heureuse, effarée et sauvage,

Ses cheveux dans ses yeux, et riant au travers.

 

Victor Hugo

 

 

Le Temps des Cerises

 

Quand nous en serons au temps des cerises

Et gai rossignol et merle moqueur

Seront tous en fête

Les belles auront la folie en tête

Et les amoureux du soleil au cœur

Quand nous chanterons le temps des cerises

Sifflera bien mieux le merle moqueur

 

Mais il est bien court, le temps des cerises

Où l'on s'en va deux cueillir en rêvant

Des pendants d'oreilles

Cerises d'amour aux robes pareilles

Tombant sous la feuille en goutte de sang

Mais il est bien court le temps des cerises

Pendants de corail qu'on cueille en rêvant

 

Quand vous en serez au temps des cerises

Si vous avez peur de chagrins d'amour

Evitez les belles

Moi qui ne crains pas les peines cruelles

Je ne vivrai pas sans souffrir un jour

Quand vous en serez au temps des cerises

Vous aurez aussi des chagrins d'amour

 

J'aimerai toujours le temps des cerises

C'est de ce temps-là que je garde au cœur

Une plaie ouverte

Et Dame Fortune en m' étant offerte

Ne saura jamais calmer ma douleur

J'aimerai toujours le temps des cerises

Et le souvenir que je garde au cœur

 

Jean-Baptiste Clément

 

Mon âme a son secret, ma vie a son mystère :

 

Mon âme a son secret, ma vie a son mystère :

Un amour éternel en un moment conçu.

Le mal est sans espoir, aussi j'ai dû le taire,

Et celle qui l'a fait n'en a jamais rien su.

 

Hélas ! J'aurai passé près d'elle inaperçu,

Toujours à ses côtés, et pourtant solitaire,

Et j'aurai jusqu'au bout fait mon temps sur la terre,

N'osant rien demander et n'ayant rien reçu.

 

Pour elle, quoique Dieu l'ait faite douce et tendre,

Elle ira son chemin, distraite, et sans entendre

Ce murmure d'amour élevé sur ses pas ;

 

À l'austère devoir pieusement fidèle,

Elle dira, lisant ces vers tout remplis d'elle :

« Quelle est donc cette femme ? « et ne comprendra pas.

 

Félix Arvers

 

 

L’Albatros

 

Souvent, pour s’amuser, les hommes d’équipage Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers, Qui suivent, indolents compagnons de voyage, Le navire glissant sur les gouffres amers.

À peine les ont-ils déposés sur les planches, Que ces rois de l’azur, maladroits et honteux, Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches Comme des avirons traîner à côté d’eux.

Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule ! Lui, naguère si beau, qu’il est comique et laid ! L’un agace son bec avec un brûle-gueule, L’autre mime, en boitant, l’infirme qui volait !

Le Poète est semblable au prince des nuées Qui hante la tempête et se rit de l’archer ; Exilé sur le sol au milieu des huées, Ses ailes de géant l’empêchent de marcher.

Charles Baudelaire (1821-1867), Les Fleurs du Mal (1857), II.

 

La Mort du loup est un poème philosophique en alexandrins d'Alfred de Vigny, publié en 1843 dans la Revue des deux Mondes[1].

I

Les nuages couraient sur la lune enflammée

Comme sur l’incendie on voit fuir la fumée,

Et les bois étaient noirs jusques à l’horizon.

Nous marchions, sans parler, dans l’humide gazon,

Dans la bruyère épaisse et dans les hautes brandes,

Lorsque, sous des sapins pareils à ceux des Landes

Nous avons aperçu les grands ongles marqués

Par des loups voyageurs que nous avions traqués.

Nous avons écouté, retenant notre haleine

Et le pas suspendu. — Ni le bois ni la plaine

Ne poussaient un soupir dans les airs; seulement

La girouette en deuil criait au firmament;

Car le vent, élevé bien au-dessus des terres,

N’effleurait de ses pieds que les tours solitaires,

Et les chênes d’en bas, contre les rocs penchés,

Sur leurs coudes semblaient endormis et couchés.

Rien ne bruissait donc, lorsque baissant la tête

Le plus vieux des chasseurs qui s’étaient mis en quête

A regardé le sable, en s'y couchant; bientôt,

Lui que jamais ici l'on ne vit en défaut,

A déclaré tout bas que ces marques récentes

Annonçaient la démarche et les griffes puissantes

De deux grands loups-cerviers et de deux louveteaux.

Nous avons tous alors préparé nos couteaux,

Et, cachant nos fusils et leurs lueurs trop blanches,

Nous allions pas à pas en écartant les branches.

Trois s’arrêtent, et moi cherchant ce qu’ils voyaient,

J’aperçois tout à coup deux yeux qui flamboyaient,

Et je vois au-delà quelques formes légères

Qui dansaient sous la lune au milieu des bruyères,

Comme font chaque jour, à grand bruit, sous nos yeux,

Quand le maître revient, les lévriers joyeux.

Leur forme était semblable et semblable la danse;

Mais les enfants du Loup se jouaient en silence,

Sachant bien qu’à deux pas, ne dormant qu’à demi,

Se couche dans ses murs l’homme, leur ennemi.

Le père était debout, et plus loin, contre un arbre,

Sa Louve reposait comme celle de marbre

Qu’adoraient les Romains, et dont les flancs velus

Couvaient les Demi-Dieux Rémus et Romulus.

Le Loup vient et s’assied, les deux jambes dressées,

Par leurs ongles crochus dans le sable enfoncées.

Il s’est jugé perdu, puisqu’il était surpris,

Sa retraite coupée et tous ses chemins pris;

Alors il a saisi, dans sa gueule brûlante,

Du chien le plus hardi la gorge pantelante

Et n’a pas desserré ses mâchoires de fer,

Malgré nos coups de feu qui traversaient sa chair,

Et nos couteaux aigus qui, comme des tenailles,

Se croisaient en plongeant dans ses larges entrailles,

Jusqu’au dernier moment où le chien étranglé,

Mort long-temps avant lui, sous ses pieds a roulé.

Le Loup le quitte alors et puis il nous regarde.

Les couteaux lui restaient au flanc jusqu’à la garde,

Le clouaient au gazon tout baigné dans son sang,

Nos fusils l’entouraient en sinistre croissant.

Il nous regarde encore, ensuite il se recouche,

Tout en léchant le sang répandu sur sa bouche,

Et sans daigner savoir comment il a péri,

Refermant ses grands yeux, meurt sans jeter un cri.

II

J’ai reposé mon front sur mon fusil sans poudre,

Me prenant à penser, et n’ai pu me résoudre

À poursuivre sa Louve et ses fils qui, tous trois,

Avaient voulu l’attendre, et, comme je le crois,

Sans ses deux louveteaux, la belle et sombre veuve

Ne l’eût pas laissé seul subir la grande épreuve;

Mais son devoir était de les sauver, afin

De pouvoir leur apprendre à bien souffrir la faim,

À ne jamais entrer dans le pacte des villes,

Que l’homme a fait avec les animaux serviles

Qui chassent devant lui, pour avoir le coucher,

Les premiers possesseurs du bois et du rocher.

III

Hélas ! ai-je pensé, malgré ce grand nom d’Hommes,

Que j’ai honte de nous, débiles que nous sommes !

Comment on doit quitter la vie et tous ses maux,

C’est vous qui le savez, sublimes animaux !

À voir ce que l’on fut sur terre et ce qu’on laisse,

Seul, le silence est grand; tout le reste est faiblesse.

— Ah ! je t’ai bien compris, sauvage voyageur,

Et ton dernier regard m’est allé jusqu’au cœur !

Il disait : « Si tu peux, fais que ton âme arrive,

À force de rester studieuse et pensive,

Jusqu’à ce haut degré de stoïque fierté

Où, naissant dans les bois, j’ai tout d’abord monté.

Gémir, pleurer, prier est également lâche.

Fais énergiquement ta longue et lourde tâche

Dans la voie où le Sort a voulu t’appeler,

Puis, après, comme moi, souffre et meurs sans parler. « 

« Laisse-Moi ! Non, laisse-moi, je t'en supplie ; En vain, si jeune et si jolie, Tu voudrais ranimer mon coeur : Ne vois-tu pas, à ma tristesse, Que mon front pâle et sans jeunesse Ne doit plus sourire au bonheur ? Quand l'hiver aux froides haleines Des fleurs qui brillent dans nos plaines Glace le sein épanoui, Qui peut rendre à la feuille morte Ses parfums que la brise emporte Et son éclat évanoui ! Oh ! si je t'avais rencontrée Alors que mon âme enivrée Palpitait de vie et d'amours, Avec quel transport, quel délire J'aurais accueilli ton sourire Dont le charme eût nourri mes jours. Mais à présent, Ô jeune fille ! Ton regard, c'est l'astre qui brille Aux yeux troublés des matelots, Dont la barque en proie au naufrage, A l'instant où cesse l'orage. »

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