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Pot-bouille --Tiens!

Publié le 11/04/2014

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Pot-bouille --Tiens! le livre qui est tombe par terre! reprit-elle en le ramassant. Mais un coin de la reliure s'etait casse. Cela les rapprocha, ce fut un soulagement. La parole leur revenait. Marie se montrait desolee. --Ce n'est pas ma faute.... Vous voyez, je l'avais enveloppe de papier, de peur de le salir.... Nous l'avons pousse, sans le faire expres. --Il etait donc la? dit Octave. Je ne l'ai pas remarque.... Oh! pour moi, je m'en fiche! Mais Campardon tient tant a ses livres! Tous deux se le passaient, tachaient de redresser le coin. Leurs doigts se melaient, sans un frisson. En reflechissant aux suites, ils restaient vraiment consternes du malheur arrive a ce beau volume de George Sand. --Ca devait mal finir, conclut Marie, les larmes aux yeux. Octave fut oblige de la consoler. Il inventerait une histoire, Campardon ne le mangerait pas. Et leur embarras recommenca, au moment de la separation. Ils auraient voulu se dire au moins une phrase aimable; mais le tutoiement s'etranglait dans leur gorge. Heureusement, un pas se fit entendre, c'etait le mari qui montait. Octave, silencieux, la reprit et la baisa a son tour sur la bouche. Elle se soumit de nouveau, complaisante, les levres glacees comme auparavant. Lorsqu'il fut rentre sans bruit dans sa chambre, il se dit, en otant son paletot, que celle-la non plus n'avait pas l'air d'aimer ca. Alors, que demandait-elle? et pourquoi tombait-elle aux bras du monde? Decidement, les femmes etaient bien droles. Le lendemain, chez les Campardon, apres le dejeuner, Octave expliquait une fois de plus qu'il venait de cogner maladroitement le volume, lorsque Marie entra. Elle conduisait Lilitte aux Tuileries, elle demanda si l'on voulait lui confier Angele. Et, sans trouble, elle sourit a Octave, elle regarda de son air innocent le livre reste sur une chaise. --Comment donc! c'est moi qui vous remercie, dit madame Campardon. Angele, va mettre un chapeau.... Avec vous, je n'ai pas peur. Marie, tres modeste, dans une simple robe de laine sombre, causa de son mari qui, la veille, etait rentre enrhume, et du prix de la viande, qu'on ne pourrait plus aborder bientot. Puis, quand elle eut emmene Angele, tous se pencherent aux fenetres, pour les voir partir. Sur le trottoir, Marie poussait doucement, de ses mains gantees, la voiture de Lilitte; pendant que, se sachant regardee, Angele marchait pres d'elle, les yeux a terre. --Est-elle assez comme il faut! s'ecria madame Campardon. Et si douce! et si honnete! Alors, l'architecte frappa sur l'epaule d'Octave, en disant: --L'education dans la famille, mon cher, il n'y a que ca! V Ce soir-la, il y avait reception et concert chez les Duveyrier. Vers dix heures, Octave qu'ils invitaient pour la premiere fois, achevait de s'habiller dans sa chambre. Il etait grave, il eprouvait contre lui-meme une sourde irritation. Pourquoi avait-il rate Valerie, une femme si bien apparentee? Et Berthe Josserand, n'aurait-il pas du reflechir, avant de la refuser? Au moment ou il mettait sa cravate blanche, la pensee de Marie Pichon venait de lui etre insupportable: cinq mois de Paris, et rien que cette pauvre aventure! Cela lui etait penible comme une honte, car il sentait profondement le vide et l'inutilite d'une telle liaison. Aussi se jurait-il, en V 49 Pot-bouille prenant ses gants, de ne plus perdre son temps de la sorte. Il etait decide a agir, puisqu'il penetrait enfin dans le monde, ou les occasions, certes, ne manquaient pas. Mais, au bout du couloir, Marie le guettait. Pichon n'etant pas la, il fut oblige d'entrer un instant. --Comme vous voila beau! murmura-t-elle. On ne les avait jamais invites chez les Duveyrier, ce qui l'emplissait de respect pour le salon du premier etage. D'ailleurs, elle ne jalousait personne, elle ne s'en trouvait ni la volonte ni la force. --Je vous attendrai, reprit-elle en tendant le front. Ne remontez pas trop tard, vous me direz si vous vous etes amuse. Octave dut mettre un baiser sur ses cheveux. Bien que des rapports se fussent etablis, a son gre, lorsqu'un desir ou le desoeuvrement le ramenait pres d'elle, ni l'un ni l'autre ne se tutoyait encore. Il descendit enfin; et elle, penchee au-dessus de la rampe, le suivait des yeux. A la meme minute, tout un drame se passait chez les Josserand. La soiree des Duveyrier ou ils se rendaient, allait, dans l'esprit de la mere, decider du mariage de Berthe et d'Auguste Vabre. Celui-ci, vivement attaque depuis quinze jours, hesitait encore, travaille de doutes evidents sur la question de la dot. Aussi, madame Josserand, pour frapper un coup decisif, avait-elle ecrit a son frere, lui annoncant le projet de mariage et lui rappelant ses promesses, avec l'espoir qu'il s'engagerait, dans sa reponse, par quelque phrase dont elle tirerait parti. Et toute la famille attendait neuf heures devant le poele de la salle a manger, habillee, sur le point de descendre, lorsque M. Gourd avait monte une lettre de l'oncle Bachelard, oubliee sous la tabatiere de madame Gourd, depuis la derniere distribution. --Ah! enfin! dit madame Josserand, en decachetant la lettre. Le pere et les deux filles, anxieusement, la regardaient lire. Autour d'eux, Adele, qui avait du habiller ces dames, tournait de son air lourd, desservant la table ou trainait encore la vaisselle du diner. Mais madame Josserand etait devenue toute pale. --Rien! rien! begaya-t-elle, pas une phrase nette!... Il verra plus tard, au moment du mariage.... Et il ajoute qu'il nous aime bien tout de meme.... Quelle fichue canaille! M. Josserand, en habit, etait tombe sur une chaise. Hortense et Berthe s'assirent egalement, les jambes cassees; et elles restaient la, l'une en bleu, l'autre en rose, dans leurs eternelles toilettes, retapees une fois de plus. --Je l'ai toujours dit, murmura le pere, Bachelard nous exploite.... Jamais il ne lachera un sou. Debout, vetue de sa robe feu, madame Josserand relisait la lettre. Puis, elle eclata. --Ah! les hommes!... Celui-la, n'est-ce pas? on le croirait idiot, tant il abuse de la vie. Eh bien! pas du tout! Il a beau n'avoir jamais sa raison, il ouvre l'oeil, des qu'on lui parle d'argent.... Ah! les hommes! Elle se tournait vers ses filles, auxquelles cette lecon s'adressait. --C'est au point, voyez-vous, que je me demande quelle rage vous prend de vouloir vous marier.... Allez, si vous en aviez par-dessus la tete, comme moi! Pas un garcon qui vous aime pour vous et qui vous apporte une fortune, sans marchander! Des oncles millionnaires qui, apres s'etre fait nourrir pendant vingt ans, ne donneraient seulement pas une dot a leurs nieces! Des maris incapables, oh! oui, monsieur, incapables! V 50

« prenant ses gants, de ne plus perdre son temps de la sorte.

Il etait decide a agir, puisqu'il penetrait enfin dans le monde, ou les occasions, certes, ne manquaient pas. Mais, au bout du couloir, Marie le guettait.

Pichon n'etant pas la, il fut oblige d'entrer un instant. —Comme vous voila beau! murmura-t-elle. On ne les avait jamais invites chez les Duveyrier, ce qui l'emplissait de respect pour le salon du premier etage. D'ailleurs, elle ne jalousait personne, elle ne s'en trouvait ni la volonte ni la force. —Je vous attendrai, reprit-elle en tendant le front.

Ne remontez pas trop tard, vous me direz si vous vous etes amuse. Octave dut mettre un baiser sur ses cheveux.

Bien que des rapports se fussent etablis, a son gre, lorsqu'un desir ou le desoeuvrement le ramenait pres d'elle, ni l'un ni l'autre ne se tutoyait encore.

Il descendit enfin; et elle, penchee au-dessus de la rampe, le suivait des yeux. A la meme minute, tout un drame se passait chez les Josserand.

La soiree des Duveyrier ou ils se rendaient, allait, dans l'esprit de la mere, decider du mariage de Berthe et d'Auguste Vabre.

Celui-ci, vivement attaque depuis quinze jours, hesitait encore, travaille de doutes evidents sur la question de la dot.

Aussi, madame Josserand, pour frapper un coup decisif, avait-elle ecrit a son frere, lui annoncant le projet de mariage et lui rappelant ses promesses, avec l'espoir qu'il s'engagerait, dans sa reponse, par quelque phrase dont elle tirerait parti.

Et toute la famille attendait neuf heures devant le poele de la salle a manger, habillee, sur le point de descendre, lorsque M.

Gourd avait monte une lettre de l'oncle Bachelard, oubliee sous la tabatiere de madame Gourd, depuis la derniere distribution. —Ah! enfin! dit madame Josserand, en decachetant la lettre. Le pere et les deux filles, anxieusement, la regardaient lire.

Autour d'eux, Adele, qui avait du habiller ces dames, tournait de son air lourd, desservant la table ou trainait encore la vaisselle du diner.

Mais madame Josserand etait devenue toute pale. —Rien! rien! begaya-t-elle, pas une phrase nette!...

Il verra plus tard, au moment du mariage....

Et il ajoute qu'il nous aime bien tout de meme....

Quelle fichue canaille! M.

Josserand, en habit, etait tombe sur une chaise.

Hortense et Berthe s'assirent egalement, les jambes cassees; et elles restaient la, l'une en bleu, l'autre en rose, dans leurs eternelles toilettes, retapees une fois de plus. —Je l'ai toujours dit, murmura le pere, Bachelard nous exploite....

Jamais il ne lachera un sou. Debout, vetue de sa robe feu, madame Josserand relisait la lettre.

Puis, elle eclata. —Ah! les hommes!...

Celui-la, n'est-ce pas? on le croirait idiot, tant il abuse de la vie.

Eh bien! pas du tout! Il a beau n'avoir jamais sa raison, il ouvre l'oeil, des qu'on lui parle d'argent....

Ah! les hommes! Elle se tournait vers ses filles, auxquelles cette lecon s'adressait. —C'est au point, voyez-vous, que je me demande quelle rage vous prend de vouloir vous marier....

Allez, si vous en aviez par-dessus la tete, comme moi! Pas un garcon qui vous aime pour vous et qui vous apporte une fortune, sans marchander! Des oncles millionnaires qui, apres s'etre fait nourrir pendant vingt ans, ne donneraient seulement pas une dot a leurs nieces! Des maris incapables, oh! oui, monsieur, incapables! Pot-bouille V 50. »

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