Puis se retournant vers Caboche : - Allons, bourreau, mon dernier ami, dit-il, encore un service.
Publié le 04/11/2013
Extrait du document
«
XXX
–La tour duPilori
La nuit venait dedescendre surlaville frémissante encoredubruit decesupplice, dontlesdétails couraient
de bouche enbouche assombrir danschaque maison l’heurejoyeuse dusouper defamille.
Cependant, toutaucontraire delaville, quiétait silencieuse etlugubre, leLouvre étaitbruyant, joyeuxet
illuminé.
C’estqu’ilyavait grande fêteaupalais.
Unefêtecommandée parCharles IX,une fêtequ’il avait
indiquée pourlesoir, enmême tempsqu’ilindiquait lesupplice pourlematin.
La reine deNavarre avaitreçu, dèslaveille ausoir, l’ordre des’y trouver, et,dans l’espérance queLaMole et
Coconnas seraientsauvésdanslanuit, dans laconviction quetoutes lesmesures étaientbienprises pourleur
salut, elleavait répondu àson frère qu’elle feraitselonsesdésirs.
Mais depuis qu’elleavaitperdu toutespoir, parlascène delachapelle ; depuisqu’elleavait,dansundernier
mouvement depitié pour cetamour, leplus grand etleplus profond qu’elleavaitéprouvé desavie, assisté à
l’exécution, elles’était bienpromis queniprières nimenaces nelaferaient assisteràune fêtejoyeuse auLouvre
le même jouroùelle avait vuune fêtesilugubre enGrève.
Le roi Charles IXavait donné cejour-là unenouvelle preuvedecette puissance devolonté quepersonne
peut-être nepoussa aumême degréquelui : alité depuis quinze jours,frêlecomme unmoribond, lividecomme
un cadavre, ilse leva vers cinq heures, etrevêtit sesplus beaux habits.
Ilest vrai quependant latoilette il
s’évanouit troisfois.
Vers huitheures, ils’informa decequ’était devenue sasœur, etdemanda sion l’avait vueetsil’on savait ce
qu’elle faisait.
Personne nelui répondit ; carlareine étaitrentrée chezellevers lesonze heures, ets’y était
renfermée endéfendant absolument saporte.
Mais iln’y avait pasdeporte fermée pourCharles.
Appuyésurlebras deM. de Nancey, ils’achemina vers
l’appartement delareine deNavarre, etentra toutàcoup parlaporte ducorridor secret.
Quoiqu’il s’attendît àun triste spectacle, etqu’il yeût d’avance préparésoncœur, celuiqu’ilvitétait plus
déplorable encorequecelui qu’ilavait rêvé.
Marguerite, àdemi morte, couchée surune chaise longue, latête ensevelie dansdescoussins, nepleurait pas,
ne priait pas ;mais, depuis sonretour, ellerâlait comme uneagonisante.
À l’autre coindelachambre, Henriette deNevers, cettefemme intrépide, gisait,sansconnaissance, étendue
sur letapis.
Enrevenant delaGrève, comme àMarguerite, lesforces luiavaient manqué, etlapauvre Gillonne
allait del’une àl’autre, n’osant pasessayer deleur adresser uneparole deconsolation.
Dans lescrises quisuivent cesgrandes catastrophes, onest avare desadouleur commed’untrésor, etl’on
tient pour ennemi quiconque tentedenous endistraire lamoindre partie.
Charles IXpoussa donclaporte, etlaissant Nanceydanslecorridor, ilentra pâleettremblant.
Ni l’une nil’autre desfemmes nel’avait vu.Gillonne seule,quidans cemoment portaitsecours àHenriette,
se releva surungenou ettout effrayée regardaleroi.
Le roi fitun geste delamain, ellesereleva, fitlarévérence, etsortit.
Alors Charles sedirigea versMarguerite, laregarda uninstant ensilence ; puisavec uneintonation donton
eût cru cette voixincapable :
– Margot !dit-il, masœur !La jeune femme tressaillit etse redressa :
– Votre Majesté !dit-elle.
– Allons, masœur, ducourage !Marguerite levalesyeux auciel.
– Oui, ditCharles, jesais bien, maisécoute-moi.
Lareine deNavarre fitsigne qu’elle écoutait.
– Tu m’as promis devenir aubal, ditCharles.
– Moi !s’écria Marguerite.
– Oui, etd’après tapromesse ont’attend ; desorte quesitu ne venais pasonserait étonné dene pas t’yvoir.
– Excusez-moi, monfrère, ditMarguerite ; vouslevoyez, jesuis bien souffrante.
– Faites uneffort survous-même.
Marguerite parutuninstant tentéederappeler soncourage, puistoutàcoup s’abandonnant etlaissant
retomber satête sursescoussins :
– Non, non,jen’irai pas,dit-elle.
Charles luiprit lamain, s’assit sursachaise longue, etlui dit :
– Tu viens deperdre unami, jelesais, Margot ; maisregarde-moi, n’ai-jepasperdu tousmesamis, moi!et
de plus, mamère !Toi, tuas toujours pupleurer àl’aise comme tupleures encemoment ; moi,àl’heure demes
plus fortes douleurs, j’aitoujours étéforcé desourire.
Tusouffres, regarde-moi !moi, jemeurs.
Ehbien, Margot,.
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