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Quatre-vingt-treize homme, et moi, tonnerre!

Publié le 12/04/2014

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Quatre-vingt-treize homme, et moi, tonnerre! je vous donnerais la croix de Saint-Louis, s'il y avait encore des croix, s'il y avait encore des saints, et s'il y avait encore des louis! Ah çà! est-ce qu'on va être des imbéciles, à présent? Si c'est pour des choses comme ça qu'on a gagné la bataille de Jemmapes, la bataille de Valmy, la bataille de Fleurus et la bataille de Wattignies, alors il faut le dire. Comment! voilà le commandant Gauvain qui depuis quatre mois mène toutes ces bourriques de royalistes tambour battant, et qui sauve la république à coups de sabre, et qui a fait la chose de Dol où il fallait joliment de l'esprit, et, quand vous avez cet homme-là, vous tâchez de ne plus l'avoir! et, au lieu d'en faire votre général, vous voulez lui couper le cou! je dis que c'est à se jeter la tête la première pardessus le parapet du Pont-Neuf, et que vous-même, citoyen Gauvain, mon commandant, si, au lieu d'être mon général, vous étiez mon caporal, je vous dirais que vous avez dit de fichues bêtises tout à l'heure. Le vieux a bien fait de sauver les enfants, vous avez bien fait de sauver le vieux, et si l'on guillotine les gens parce qu'ils ont fait de bonnes actions, alors va-t'en à tous les diables, je ne sais plus du tout de quoi il est question. Il n'y a plus de raison pour qu'on s'arrête. C'est pas vrai, n'est-ce pas, tout ça? Je me pince pour savoir si je suis éveillé. Je ne comprends pas. Il fallait donc que le vieux laisse brûler les mômes tout vifs, il fallait donc que mon commandant laisse couper le cou au vieux. Tenez, oui, guillotinez-moi. J'aime autant ça. Une supposition, les mioches seraient morts, le bataillon du Bonnet-Rouge était déshonoré. Est-ce que c'est ça qu'on voulait? Alors mangeons-nous les uns les autres. Je me connais en politique aussi bien que vous qui êtes là, j'étais du club de la section des Piques. Sapristi! nous nous abrutissons à la fin! Je résume ma façon de voir. Je n'aime pas les choses qui ont l'inconvénient de faire qu'on ne sait plus du tout où on en est. Pourquoi diable nous faisons-nous tuer? Pour qu'on nous tue notre chef ! Pas de ça, Lisette. Je veux mon chef! Il me faut mon chef. Je l'aime encore mieux aujourd'hui qu'hier. L'envoyer à la guillotine, mais vous me faites rire! Tout ça, nous n'en voulons pas. J'ai écouté. On dira tout ce qu'on voudra. D'abord, pas possible. Et Radoub se rassit. Sa blessure s'était rouverte. Un filet de sang qui sortait du bandeau coulait le long de son cou, de l'endroit où avait été son oreille. Cimourdain se tourna vers Radoub. Vous votez pour que l'accusé soit absous? Je vote, dit Radoub, pour qu'on le fasse général. Je vous demande si vous votez pour qu'il soit acquitté. Je vote pour qu'on le fasse le premier de la république. Sergent Radoub, votez-vous pour que le commandant Gauvain soit acquitté, oui ou non? Je vote pour qu'on me coupe la tête à sa place. Acquittement, dit Cimourdain. Ecrivez, greffier. Le greffier écrivit: " Sergent Radoub: acquittement. " Puis le greffier dit: Une voix pour la mort. Une voix pour l'acquittement. Partage. C'était à Cimourdain de voter. Il se leva. Il ôta son chapeau et le posa sur la table. III. LES VOTES 246 Quatre-vingt-treize Il n'était plus pâle ni livide. Sa face était couleur de terre. Tous ceux qui étaient là eussent été couchés dans des suaires que le silence n'eût pas été plus profond. Cimourdain dit d'une voix grave, lente et ferme: Accusé Gauvain, la cause est entendue. Au nom de la république, la cour martiale, à la majorité de deux voix contre une... Il s'interrompit, il eut comme un temps d'arrêt ; hésitait-il devant la mort? hésitait-il devant la vie? toutes les poitrines étaient haletantes. Cimourdain continua: ... Vous condamne à la peine de mort. Son visage exprimait la torture du triomphe sinistre. Quand Jacob dans les ténèbres se fit bénir par l'ange qu'il avait terrassé, il devait avoir ce sourire effrayant. Ce ne fut qu'une lueur, et cela passa. Cimourdain redevint de marbre, se rassit, remit son chapeau sur sa tête, et ajouta: Gauvain, vous serez exécuté demain, au lever du soleil. Gauvain se leva, salua et dit: Je remercie la cour. Emmenez le condamné, dit Cimourdain. Cimourdain fit un signe, la porte du cachot se rouvrit, Gauvain y entra, le cachot se referma. Les deux gendarmes restèrent en faction des deux côtés de la porte, le sabre nu. On emporta Radoub, qui venait de tomber sans connaissance. IV. APRES CIMOURDAIN JUGE, CIMOURDAIN MAITRE Un camp, c'est un guêpier. En temps de révolution surtout. L'aiguillon civique, qui est dans le soldat, sort volontiers et vite, et ne se gêne pas pour piquer le chef après avoir chassé l'ennemi. La vaillante troupe qui avait pris la Tourgue eut des bourdonnements variés, d'abord contre le commandant Gauvain quand on apprit l'évasion de Lantenac. Lorsqu'on vit Gauvain sortir du cachot où l'on croyait tenir Lantenac, ce fut comme une commotion électrique, et en moins d'une minute tout le corps fut informé. Un murmure éclata dans la petite armée, ce premier murmure fut: Ils sont en train de juger Gauvain. Mais c'est pour la frime. Fiez-vous donc aux ci-devant et aux calotins! Nous venons de voir un vicomte qui sauve un marquis, et nous allons voir un prêtre qui absout un noble! Quand on sut la condamnation de Gauvain, il y eut un deuxième murmure: Voilà qui est fort! notre chef, notre brave chef, notre jeune commandant, un héros! C'est un vicomte, eh bien, il n'en a que plus de mérite à être républicain! comment! lui, le libérateur de Pontorson, de Villedieu, de Pont-au-Beau! le vainqueur de Dol et de la Tourgue! celui par qui nous sommes invincibles! celui qui est l'épée de la république dans la Vendée! l'homme qui depuis cinq mois tient tête aux chouans et répare toutes les sottises de Léchelle et des autres! ce Cimourdain ose le condamner à mort! pourquoi? parce qu'il a sauvé un vieillard qui avait sauvé IV. APRES CIMOURDAIN JUGE, CIMOURDAIN MAITRE 247

« Il n'était plus pâle ni livide.

Sa face était couleur de terre.

Tous ceux qui étaient là eussent été couchés dans des suaires que le silence n'eût pas été plus profond.

Cimourdain dit d'une voix grave, lente et ferme: \24 Accusé Gauvain, la cause est entendue.

Au nom de la république, la cour martiale, à la majorité de deux voix contre une...

Il s'interrompit, il eut comme un temps d'arrêt ; hésitait-il devant la mort? hésitait-il devant la vie? toutes les poitrines étaient haletantes.

Cimourdain continua: \24 ...

Vous condamne à la peine de mort.

Son visage exprimait la torture du triomphe sinistre.

Quand Jacob dans les ténèbres se fit bénir par l'ange qu'il avait terrassé, il devait avoir ce sourire effrayant.

Ce ne fut qu'une lueur, et cela passa.

Cimourdain redevint de marbre, se rassit, remit son chapeau sur sa tête, et ajouta: \24 Gauvain, vous serez exécuté demain, au lever du soleil.

Gauvain se leva, salua et dit: \24 Je remercie la cour.

\24 Emmenez le condamné, dit Cimourdain.

Cimourdain fit un signe, la porte du cachot se rouvrit, Gauvain y entra, le cachot se referma.

Les deux gendarmes restèrent en faction des deux côtés de la porte, le sabre nu.

On emporta Radoub, qui venait de tomber sans connaissance.

IV.

APRES CIMOURDAIN JUGE, CIMOURDAIN MAITRE Un camp, c'est un guêpier.

En temps de révolution surtout.

L'aiguillon civique, qui est dans le soldat, sort volontiers et vite, et ne se gêne pas pour piquer le chef après avoir chassé l'ennemi.

La vaillante troupe qui avait pris la Tourgue eut des bourdonnements variés, d'abord contre le commandant Gauvain quand on apprit l'évasion de Lantenac.

Lorsqu'on vit Gauvain sortir du cachot où l'on croyait tenir Lantenac, ce fut comme une commotion électrique, et en moins d'une minute tout le corps fut informé.

Un murmure éclata dans la petite armée, ce premier murmure fut: \24 Ils sont en train de juger Gauvain.

Mais c'est pour la frime. Fiez-vous donc aux ci-devant et aux calotins! Nous venons de voir un vicomte qui sauve un marquis, et nous allons voir un prêtre qui absout un noble! \24Quand on sut la condamnation de Gauvain, il y eut un deuxième murmure: \24 Voilà qui est fort! notre chef, notre brave chef, notre jeune commandant, un héros! C'est un vicomte, eh bien, il n'en a que plus de mérite à être républicain! comment! lui, le libérateur de Pontorson, de Villedieu, de Pont-au-Beau! le vainqueur de Dol et de la Tourgue! celui par qui nous sommes invincibles! celui qui est l'épée de la république dans la Vendée! l'homme qui depuis cinq mois tient tête aux chouans et répare toutes les sottises de Léchelle et des autres! ce Cimourdain ose le condamner à mort! pourquoi? parce qu'il a sauvé un vieillard qui avait sauvé Quatre-vingt-treize IV.

APRES CIMOURDAIN JUGE, CIMOURDAIN MAITRE 247. »

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