« ... Que devrait être une société pour que dans sa vieillesse un homme demeure un homme? »
Publié le 26/04/2011
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La réponse est simple ; il faudrait qu'il ait toujours été traité en homme. Par le sort qu'elle assigne à ses membres inactifs, la société se démasque; elle les a toujours considérés comme du matériel. Elle avoue que pour elle seul le profit compte et que son « humanisme « est de pure façade. Au XIXe siècle les classes dominantes assimilaient explicitement le prolétariat à la barbarie Les luttes ouvrières ont réussi à l'intégrer à l'humanité. Mais seulement en tant qu'il est productif. Les travailleurs vieillis, la société s'en détourne comme d'une espèce étrangère. Voilà pourquoi on ensevelit la question dans un silence concerté. La vieillesse dénonce l'échec de toute notre civilisation C'est l'homme tout entier qu'il faut refaire, toutes les relations entre les hommes qu'il faut recréer si on veut que la condition du vieillard soit acceptable. Un homme ne devrait pas aborder la fin de sa vie les mains vides et solitaire. Si la culture n'était pas un savoir inerte, acquis une fois pour toutes puis oublié, si elle était pratique et vivante, si par elle l'individu avait sur son environnement une prise qui s'accomplirait et se renouvellerait au cours des années, à tout âge il serait un citoyen actif, utile. S'il n'était pas atomisé dès l'enfance, clos et isolé parmi d'autres atomes, s'il participait à une vie collective, aussi quotidienne et essentielle que sa propre vie, il ne connaîtrait jamais l'exil. Nulle part, en aucun temps, de telles conditions n'ont été réalisées. Les pays socialistes, s'ils s'en approchent un peu plus que les pays capitalistes, en sont encore bien éloignés. Dans la société idéale que je viens d'évoquer, on peut rêver que la vieillesse n'existerait pour ainsi dire pas. Comme il arrive en certains cas privilégiés, l'individu, secrètement affaibli par l'âge, mais non pas apparemment diminué, serait un jour atteint d'une maladie à laquelle il ne résisterait pas; il mourrait sans avoir subi de dégradation. Le dernier âge serait réellement conforme à la définition qu'en donnent certains idéologues bourgeois : un moment de l'existence différent de la jeunesse et de la maturité, mais possédant son propre équilibre et laissant ouverte à l'individu une large gamme de possibilités. Nous sommes loin de compte. La société ne se soucie de l'individu que dans la mesure où il rapporte. Les jeunes le savent, Leur anxiété au moment où ils abordent la vie sociale est symétrique de l'angoisse des vieux au moment où ils en sont exclus. Entre-temps, la routine masque les problèmes. Le jeune redoute cette machine qui va le happer, il essaie parfois de se défendre à coups de pavé; le vieux, rejeté par elle, épuisé, nu, n'a plus que ses yeux pour pleurer. Entre les deux la machine tourne, broyeuse d'hommes qui se laissent broyer parce qu'ils n'imaginent pas même de pouvoir y échapper. Quand on a compris ce qu'est la condition des vieillards, on ne saurait se contenter de réclamer une « politique de la vieillesse « plus généreuse, un relèvement des pensions, des logements sains, des loisirs organisés. C'est tout le système qui est en jeu et la revendication ne peut être que radicale : changer la vie. Simone de Beauvoir, La vieillesse Vous ferez d'abord, suivant votre préférence, soit un résumé soit une analyse de ce passage. Puis vous choisirez dans ce texte une question à laquelle vous attachez un intérêt particulier, vous en préciserez les données et vous exposerez vos propres vues sur le problème que vous aurez retenu.
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