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Réflexions d'un biologiste sur les examens.

Publié le 27/04/2011

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Ils sont assez nombreux, je crois, les jeunes gens qui, séduits par le spectacle de la nature, aimeraient à poursuivre des recherches en biologie. Il est naturel d'aimer la nature; l'enfant est naturaliste d'instinct. Mais que fait-on pour encourager ce goût ? « La curiosité, l'amour de la nature sont très atténués dans le public. — écrit Étienne Wolff — La faute en est certainement au système d'éducation des enfants, à l'ignorance et aux préjugés des parents (défense de toucher à la sale bête), aux programmes de notre enseignement primaire et secondaire, aux méthodes employées dans nos écoles, nos lycées, nos écoles normales, nos facultés... « Pour ma part, je connais un bon nombre d'enfants, d'adolescents, qui ont un goût prononcé pour l'histoire naturelle. Ils viennent me trouver, pour me montrer des animaux qu'ils ont récoltés et m'interroger à leur sujet. Je cause longuement avec eux, tout heureux de retrouver en eux un peu de mes ferveurs — et de mes naïvetés — juvéniles. Tout heureux de voir leur œil s'approfondir, et leur souffle se suspendre, quand je leur révèle un beau fait de biologie. Ils savent déjà pas mal de choses, ces enfants, car on apprend facilement tout seul ce qui intéresse. Ils savent des choses que leurs parents ignorent certainement, et que la plupart des grandes personnes ignoreront toujours. Par exemple, ils savent reconnaître une grenouille rousse d'une grenouille verte et même, ce qui est plus délicat, une agile d'une rousse. Ils savent faire la différence entre le grognement du crapaud commun et la flûte de l'accoucheur. Ils savent où gîte tel insecte, où se cache telle larve... Or, de tous ces petits naturalistes en herbe, combien, l'âge venu, deviendront des chercheurs ? Aucun peut-être. Il faut bien dire que les qualités qui feraient le naturaliste donnent assez peu d'avantage dans la compétition scolaire ; elles risquent de n'être pas remarquées par le maître ; à aucune étape de l'enseignement, il n'existe d'épreuves où l'on teste la capacité d'observation, l'ingéniosité, l'astuce expérimentale. • Je me plais à imaginer des examens, des concours, où l'on présenterait aux candidats deux espèces d'animaux qui leur seraient inconnus — mettons, deux crapauds dont l'un a la pupille verticale et l'autre horizontale, dont l'un porte une glande sur la cuisse et l'autre non —, et où l'épreuve consisterait à découvrir ces différences... Il est constant que, de nos jours, la réussite scolaire est principalement assurée par l'aptitude aux mathématiques ou par la facilité d'expression. Le problème ou la dissertation française... Les chiffres ou les mots... Le tableau noir ou la page blanche... Autrement dit, symboles et abstractions. Et tout le reste? Le concret, le réel, le vivant, cela compte-t-il donc pour si peu ? Je ne voudrais pas ici faire la part trop belle à ceux qu'on appelle les cancres, mais je me permets de penser que, parmi ceux qui, à quinze ans, ne savent pas disserter habilement sur Racine ou résoudre un problème de géométrie, il peut se trouver d'excellents esprits et qui, servis par des mains habiles, eussent fait de bon travail en biologie.

J'ai connu des jeunes gens passionnés pour les sciences de la vie, et qui ne purent réaliser leur rêve de recherche parce qu'ils ne purent franchir certains barrages universitaires. Mon ami Michel Delsol me citait naguère le cas d'un collaborateur bénévole qui avait une remarquable dextérité opératoire et qui ne fut pas admis à poursuivre ses études biologiques parce qu'il était insuffisant en d'autres matières. En présence de pareils cas, l'on se demande si Henri Laugier n'a pas raison quand il souhaite que, dans les examens et concours, on tienne compte, non pas des notes moyennes mais des « notes décisives «, témoignant une aptitude particulière. La France, dit Laugier, a besoin de « champions «, fût-ce dans un seul domaine. On dira : ces purs biologistes eussent été de médiocres biologistes. Voire... Pour eux, en tout cas, je revendique le droit à l'existence... Jean Rostand (1894-1977), Aux frontières du surhumain. Vous ferez de ce texte, à votre choix, un résumé (en suivant le fil du développement) ou une analyse (en dégageant la structure logique de la pensée). Dans une seconde partie, que vous intitulerez discussion, vous choisirez dans le texte un problème auquel vous attachez un intérêt particulier, vous en préciserez les données et vous exposerez, en les justifiant, vos propres vues sur la question.

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