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Roger Garaudy L'AVENIR: MODE D'EMPLOI ( Extraits )

Publié le 24/05/2012

Extrait du document


L'Occident est un accident: Il a cassé le monde par trois sécessions

 

La cassure du monde s'est opérée en trois étapes principales, chacune marquée par une sécession de l'Occident.

 

La première sécession se produisit au VIe et au Ve siècle avant l'ère chrétienne.

Elle se fonda sur la croyance en l'exceptionnalisme grec et en l'exceptionnalisme juif.

Jusqu'aux guerres médiques la culture grecque avait vécu en osmose avec les grandes civilisations de l'Orient. Ceux que l'on appelait les philosophes présocratiques n'avaient de grecs que la langue et vivaient en Asie mineure dans une satrapie de l'empire perse.

Au contact des grandes visions universalistes de l'Asie, notamment celles de l'Inde et de la Perse, ils ne séparaient pas la raison de la réflexion indivisible sur la nature, les hommes et les dieux.

C'est seulement avec Socrate et ses successeurs, surtout Platon et Aristote, que se produisit la sécession. La philosophie prit pour unique objet l'homme, séparé de la nature, (dont le maniement était affaire d'esclave), et de Dieu, abandonnés à la mythologie des tragiques, des poètes que Platon chassait de sa République, et du peuple livré à l'idolâtrie de dieux personnifiant leurs appétits de puissance et d'utilité.

Oublieux de leurs emprunts à l'Asie (comme plus tard à l'Afrique et au reste du monde par Alexandrie), ils considéraient comme barbares tout ce qui n'appartenait pas au monde grec et ne parlait pas sa langue, créant ainsi, de cet artificiel splendide isolement, le mythe du miracle grec.

La même coupure s'opérait à la même époque au Proche Orient, peuplé depuis des siècles par les vagues successives de nomades émigrant du désert inhospitalier d'Arabie pour se fixer sur les terres du fertile croissant.

Or les tribus de paysans sans terre que l'on appelait les habiru (origine probable des hébreux) dispersées comme l'ont révélé à la fois les fouilles de Mari en Mésopotamie comme les tablettes d'El Amarna en Egypte, réussirent à constituer une confédération puis un véritable Etat dont les troupes s'infiltrèrent à Canaan jusqu'à fonder, semble-t-il, un empire (dont seule la Bible fait état en dehors de toute autre source scripturaire ou archéologique). Le premier recoupement possible avec des textes extérieurs (Assyriens) date du IXe siècle, ou des scribes de Salomon, héritier de l'Empire éphémère et légendaire de David, mirent par écrit, et en leur donnant consistance à la fois d'histoire et de doctrine, les traditions orales de plusieurs siècles, retraçant le passé légendaire des tribus et de leurs fondateurs.

L'idée maîtresse qui se dégagea de ces compilations fut qu'un ancêtre, Abraham, bien qu'il fut désigné comme araméen (ce qui signifie syrien) avait reçu de Dieu même une terre promise (la terre conquise par David, père de Salomon)

Dès lors quiconque n'appartenait pas aux douze tribus ne faisait pas partie du peuple élu de Dieu par la donation de la terre et la révélation de la Loi.

Il se trouvait ainsi, comme les barbares chez les Grecs, exclus de la seule vraie civilisation: la civilisation juive.

Six siècles plus tard se leva Jésus. Son message universaliste a creusé la plus grande brèche dans l'histoire des hommes et des dieux tels qu'on les concevait jusque là, comme rois tout puissants. Il avait aussi ouvert la voie d'une vie créative en brisant les vieux interdits et les particularismes de la Loi, et en rompant avec la conception tribale et idolâtre d'un Dieu partiel et partial qui aurait élu un peuple particulier, en rappelant que ce Dieu était le Père de tous les hommes. Un homme qui connaissait les deux cultures, juive et grecque, Paul de Tarse, en fit la synthèse en se réclamant du charisme de Jésus. Il élabora une doctrine ne se référant jamais aux paroles et aux actes de sa vie, pour faire à la fois du pauvre charpentier de Nazareth: le Messie (en grec Christos) des juifs; successeur de David, et chargé de restaurer le royaume de David dans un retour triomphal sur la terre qui ferait oublier l'humilité, la pauvreté et le refus de tout pouvoir de sa première apparition.

De cette synthèse naquit une religion nouvelle: le christianisme qui, après trois siècles de polémiques, remplaça le message libérateur de l'asiate Jésus (comme disait le père Danielou) par une théologie de la domination. Grâce à l'empereur Constantin, qui y trouvait un instrument de l'unité de son empire, ce syncrétisme devint la religion officielle de l'Etat.

Cette communauté transformée en Eglise, héritière des structures, des dominations, et des bureaucraties de l'Empire, se donna, après avoir persécuté les juifs et les hérétiques (c'est dire ceux qui entendaient vivre en disciples de Jésus) pour successeur du peuple élu et, comme tel, investi du devoir de se subordonner tout le reste du monde.

De cette Europe chrétienne, ayant à sa tête, selon la vieille terminologie de l'Empire, un pontife romain, devait, à partir du Ve siècle, naître

 

une deuxième sécession,

 

qui s'exprima d'une manière nouvelle: au lieu de se séparer de l`Asie et de l'Afrique (elle ignorait encore l'existence de l'Amérique) elle se donna pour tâche non de s'en séparer mais de les soumettre, en se considérant toujours comme le nouveau peuple élu, détenteur de la seule vraie religion et de la seule vraie civilisation. Elle avait, comme telle, le pouvoir, et même le devoir, d'ignorer ou de combattre leur culture et de leur imposer la sienne en s'appuyant toujours sur le pouvoir politique et militaire auquel elle donnait, en échange, les prétextes de sa bénédiction.

Cette deuxième sécession, devenue une négation, une destruction et surtout une domination, de tout le reste du monde, de sa foi et de ses cultures autochtones, dura quinze siècles, ceux du colonialisme des nations chrétiennes même lorsque la Réforme coupa en deux l'Europe: le Nord protestant et le Sud catholique.

 

La troisième sécession survient au milieu du XXe siècle, lorsque, après l'épuisement et la ruine de l'Europe entière, de l'Atlantique à l'Oural, par suite de deux guerres intra-européennes (dites mondiales parce que les colonialistes y avaient utilisé leurs sujets de trois continents comme chair à canon) l'axe du monde bascula: les Etats-Unis d'Amérique, enrichis par l'agonie de tous les peuples, et ne venant au secours de la victoire qu'au dernier moment (en 1917 après Verdun et en 1944 après Stalingrad), se trouvèrent à la tête de la moitié de la richesse mondiale.

Cette richesse leur permit d'abord de faire du dollar un étalon monétaire mondial, au même titre que l'or, puis de subventionner (sous condition de soumission politique) d'abord l'Europe, par le plan Marshal, pour la rendre de nouveau solvable après les ruines de sa guerre, puis le monde entier par le Fonds monétaire international (FMI), qui avait le même objet de domination.

L'implosion de l'Union Soviétique, qui avait trahi le socialisme en imitant, dans une économie bureaucratiquement planifiée, le modèle de croissance de l'Occident (qui ne pouvait se développer que par un libre marché assurant l'hégémonie des plus riches et des plus forts), permit aux Etats-Unis de se donner pour objectif la domination du monde après avoir restauré le capitalisme chez son ancien rival soviétique.

C'est ainsi que la troisième sécession de l' Occident eut lieu au milieu du XXe siècle, en donnant à cette unité impériale le nom de mondialisation.

Leur volonté de nivellement et de dépendance des économies, des politiques et des cultures de tous les peuples, exclut ainsi la perspective d'une unité symphonique, qui eût créé l'unité riche du monde par la fécondation réciproque de toutes les cultures en respectant leur diversité.

En ce sens Hitler a gagné la guerre: les objectifs majeurs qu'il s'était fixés se sont réalisés, bien que ce fut sans lui, parce qu'ils suivaient la même trajectoire historique que les trois sécessions de l'Occident.

 

1/-- Il sut reprendre de la manière la plus barbare, le thème de la coupure du monde par le privilège du peuple élu en en faisant l'apanage de la race aryenne qui devenait ainsi l'héritière de la supériorité grecque, de l'élection juive, de la chrétienté qui se voulait le ciment de l'unité européenne et la monitrice du monde.

La variante hitlérienne n'est pas essentiellement différente de ces prétentions antérieures. Elle en est l'accomplissement, avec cette originalité: appliquer à des hommes de race blanche les tortures jusque là réservées, par le colonialisme occidental, aux peuples de couleur, par exemple par le génocide indien, la traite des esclaves noirs, Hiroshima, le Viet Nam ou l'Irak.

 

2/ -- Sa politique suivit les lignes de force de la deuxième sécession depuis la renaissance: qu'il s'agisse du totalitarisme économique fonctionnant sans intervention du peuple par le seul jeu régulateur d'un pouvoir extérieur à lui, que ce soit le règne des banques ou des multinationales (variante américaine et occidentale), ou celui de la bureaucratie d'un parti unique se vantant lui aussi d'être l'émanation du peuple et sa conscience (variante soviétique).

Cette similitude et cette rivalité expliquent que, de 1933 à 1939, les tenants de la première variante (occidentale) qui ne voulaient surtout pas d'une alternative socialiste (même si, de fait, l'`Union Soviétique en était la trahison) aient vu en Hitler un rempart contre le bolchevisme, et l'aient aidé à renforcer son pouvoir.

Après la défaite militaire d'Hitler, dont l'Union Soviétique avait été le principal artisan, Churchill écrira: "Nous avons tué le mauvais cochon" et, dès son discours de Fulton (1946) ouvrira le nouveau front de la guerre froide pour atteindre, avec les Etats-Unis, l'objectif prioritaire d'Hitler: l'élimination de l'Union soviétique.

 

3/ -- Le dessein ultime d'Hitler: la domination mondiale (de 10.000 ans, disait-il) par la destruction sauvage des races inférieures a été réalisé par les procédés barbares qu'il avait mis en oeuvre mais qu'il n'avait pas inventés : l'eugénisme et le darwinisme social par la stérilisation massive dans le Tiers Monde surtout pour éliminer les moins aptes et qui sévit aujourd'hui à une échelle infiniment plus grande qu'à l'époque où elle était pratiquée par les nazis.

La conception de monde d'Hitler a, après lui, triomphé parce qu'elle était dans la logique des trois sécessions antérieures de l'Occident et leur prolongement infernal.

L'on ne peut même pas dire que le projet hitlérien a été réalisé par ses ennemis: l'actuelle symbiose israélo-américaine, car si Hitler s'est acharné contre les juifs allemands qui entendaient rester allemands et en Allemagne mais, avec juste raison, dans le respect de leur religion et de leur communauté, sa collaboration avec les sionistes (5% de la population juive organisée en 1933) a duré pendant la guerre, de 1933 à 1944, car les sionistes exhortaient à rejoindre la Palestine (ce qui coïncidait avec la volonté d'Hitler de vider l'Allemagne, puis l'Europe, de ses juifs (Judenrein), pour les chasser vers un ghetto mondial en Palestine ou dans n'importe quelle île africaine.)

De là les accords de la Haavara, dès 1933, autorisant les juifs riches à émigrer en déposant caution dans une banque de Hambourg, remboursable à Tel Aviv, sous condition que les dirigeants sionistes combattent, dans le monde, le boycott organisé contre l'Allemagne nazie.

De là l'autorisation donnée au Bétar (milice sioniste), d'exercer son activité en Allemagne nazie jusqu'en 1938.

De là la proposition d'Itzaac Shamir, en 1941, d'alliance militaire de son groupe armé du Zwai Leumi avec l'armée hitlérienne, ce qui fit arrêter Shamir par les Anglais pour terrorisme et collaboration avec l'ennemi.

De là la proposition abjecte faite par Eichman, en 1944, aux représentants sionistes de l'Agence juive, d'un échange de 10 000 camions contre 1 million de juifs, sous une double condition:

a/ ces camions ne seraient utilisés que sur le front de l'Est.

b/ les sionistes serviraient d'intermédiaire pour réaliser une paix séparée des Etats-Unis et de l'Angleterre pour permettre à Hitler de faire un dernier effort pour abattre l'URSS.

 

* * *

3) -- Hitler a gagné la guerre.

 

Quel qu'ait pu être son destin personnel, son suicide dans le bunker de la porte de Brandebourg, la logique des trois sécessions de l'Occident, dont il a, pour un temps, incarné la victoire, a continué de triompher au delà de sa mort car il n'en était que l'expression provisoire et barbare.

L'assassinat de Jules César n'a pas infléchi la trajectoire historique de Rome s'acheminant, aussitôt après lui, vers l'Empire dont il avait jeté les bases.

La défaite de Napoléon, à Waterloo, et son exil, n'ont pas empêché la France de vivre, pendant deux siècles selon les structures générales qu'il avait données à son administration, ni l'Europe de voir s'exprimer partout les principes énoncés par la Révolution française, et dont ce "Robespierre à cheval" (comme il disait lui-même) avait, par la guerre, assuré la victoire.

Le nazisme demeurerait un météore occidental dans le ciel de l'Europe, une exceptionnelle et inintelligible descente de Satan, si l'on ne voyait en lui l'expression barbare de la logique du système vers lequel tendait l'Occident après les trois sécessions qui, à la fois, brisaient l'unité du monde et en donnaient une caricature par la domination d'un seul.

Hitler, reprit a son compte, (sous une forme nouvelle, celle que lui avait donnée, sous la même forme messianique que les nationalismes du XIXe siècle et les théorisations du comte de Gobineau sur les races et l'arianisme) la notion maîtresse de la race élue, dans sa version hébreu puis chrétienne, comme dans sa version gréco-romaine: un peuple à qui était promise la royauté du monde sur les goys ou les mécréants, ou sur les barbares, inférieurs par le sang, la religion, ou la civilisation.

C'est au nom du même messianisme dévoyé qu'Hitler annonçait un règne de mille ans du nazisme, une domination et une régénération du monde par la pureté du nouveau peuple élu: les aryens.

Hitler reprenait à son compte le postulat fondamental de la deuxième sécession: la science permettait de résoudre tous les problèmes, y compris ceux que l'on avait longtemps attribués à Dieu, par exemple l'évolution de l'homme par un darwinisme social accélérant la sélection naturelle par la sélection artificielle, oeuvre de l'homme, l'eugénisme. En ce domaine de barbarie Hitler n'était nullement novateur.

Au XXe siècle, et surtout après la grande crise mondiale de 1929, réapparaissent toutes les formes du néo-malthusianisme et du darwinisme social fondées sur la guerre de tous contre tous, de Hobbes; sur la loi de la population de Malthus, sur la sélection naturelle de Darwin et la survivance des plus aptes de Spencer.

L'eugénisme c'est à dire l'application consciente à l'être humain de la sélection naturelle de Darwin par élimination des moins aptes, n'est pas une doctrine tombée du ciel avec Hitler. Ce sont, depuis Malthus, les démocraties libérales, prônant la défense des droits de l'homme, qui en sont les précurseurs et les praticiens. Et d'abord l'Angleterre et les Etats-Unis.

Dès 1902 les Anglais Pearson et Galton lancent le journal Biometrika dont les doctrines eugénistes enthousiasment aussi bien Bernard Shaw, qui écrit dans L'homme et le surhomme: "Manquant de courage nous entravons le jeu de la sélection naturelle sous couvert de philanthropie; fainéants nous négligeons la sélection artificielle sous couvert de délicatesse et de morale." H. G. Wells appelle "à la stérilisation des ratés."

C'est aux Etats-Unis que furent votées les premières législations eugéniques du monde: en 1907 l'état d'Indiana vote une loi de stérilisation des fous, faibles d'esprit et épileptiques. En 1950, trente-trois états américains avaient adopté des lois similaires, et 50.193 stérilisations avaient été pratiquées.

Dans les pays scandinaves il en fut de même. En 1997 on s'aperçoit hypocritement que ce système sauvage avait été appliqué en Suède, alors qu'en 1921 déjà, le futur ministre de l'éducation et des cultes écrivait: "Nous avons la chance d'avoir une race très peu métissée, une race porteuse des plus hautes qualités."

Le journal Le Monde du 27 août 1997, dénonce la politique suédoise d'eugénisme qui a conduit à une stérilisation forcée de soixante mille personnes. L'on y rappelle que "la classe politique de l'époque croyait encore aux vertus de l'eugénisme" à la mode dans plusieurs pays d'Europe, et l'on flétrit avec juste raison la honte des décrets d'Hitler à ce propos. Mais on oublie de rappeler que les pionniers et les théoriciens de cette monstrueuse pratique étaient les politiciens américains et notamment Kissinger.

En 1934, l'économiste Gunnar Myrdal, dans Crise de la démographie écrivait:

"Le problème se pose pour tous les individus qui ne sont pas entièrement parfaits, et qui dans les conditions modernes ont des difficultés à subsister par eux-mêmes -- c'est un dixième ou même un cinquième de la population qui menace d'être éliminé dans le dur combat compétitif. En traitant ce problème plus vaste, nous ne devons pas oublier que le développement technologique et l'organisation sociale qui lui correspond tendent à augmenter sans cesse les niveaux exigés d'intelligence et de caractère."La solution": l'élimination radicale des individus peu aptes à survivre, ce que la stérilisation permettrait d'accomplir."

Mieux valait l'obtenir de façon "volontaire", mais si cela s'avérait impossible, "un durcissement des lois sur la stérilisation doit être envisagé, à savoir le droit pour les institutions de la société de stériliser même des personnes responsables contre leur volonté."

Après la guerre, dans les années 50 et 60, considéré comme expert mondial de l'économie et de la démographie, il fut nommé conseiller de la Banque mondiale et il reçut, en 1974, le Prix Nobel.

Après les convulsions de 1968, le néo-malthusianisme et le darwinisme social connurent un regain d'actualité: les pauvres étaient de trop, en particulier dans le tiers-monde. La solution la plus simple était de les éliminer.

C'est ainsi, par exemple, que le général Draper, l'un des dirigeants de la firme Dillon, et son fils, directeur de la Banque d'export-import de Ronald Reagan, comparaît, au printemps de 1971, les peuples sous-développés aux fameuses réserves du Kruger-Park en Afrique du Sud.

"Les éléphants y devenaient trop nombreux, détruisant les arbres et privant de nourriture les autres animaux. Les gardiens du Parc ("rangers") décidèrent de réduire certaines espèces pour préserver l'équilibre de l'environnement.

Mais qui sera "ranger" du Parc pour la race humaine?"

Le 26 novembre 1975, M. Kissinger, alors secrétaire d'Etat et M. Brent Scowcroft présentèrent au président des Etats-Unis un Mémorandum sur la décision 314 du Conseil de Sécurité, sur les implications de l'accroissement de la population mondiale pour la sécurité nationale des Etats-Unis et leurs intérêts outre-mer.

Telle est la source du Global 2000, ou Global future, rapport au président.

Allant au delà du célèbre Manifeste du Club de Rome sur les limites de la croissance (1972) qui préconisait de réduire à la fois la croissance de la population et celle de la production, Global 2000 propose surtout "de trier (to cull) les populations du Sud, car leur freinage de la croissance technologique y serait la principale cause de la "surpopulation"."

Le triage peut s'opérer par des pressions économiques: taux élevés d'intérêt de la Banque fédérale de réserve des Etats-Unis, et surtout les conditions (politiques) du Fonds monétaire international. (F.M.I.)

Le document NSSM 200 envisage des mesures énergiques pour obliger les pays sous-développés à accepter la limitation des naissances, notamment en les privant de nourriture.

"Il existe des précédents bien établis; si un pays fait preuve de bonne volonté en matière de limitation des naissances, on prendra cette attitude en compte lorsque le moment sera venu d'évaluer les besoins au sein d'AlD (Banque mondiale) et d'autres agences consultatives. Etant donné que c'est la croissance démographique qui détermine les besoins alimentaires, il faudra prendre en compte, quand il s'agira de distribuer des ressources limitées, quelles ont été les mesures prises par tel ou tel pays non seulement pour produire des aliments, mais pour limiter les naissances. Dans un domaine aussi sensible, néanmoins, il est primordial d'éviter de donner l'impression que l'on applique des méthodes coercitives, tant par le style que par le contenu"

NSSM 200 estime que "des programmes obligatoires vont peut-être devenir nécessaires, et nous devons réfléchir dès maintenant à ces options. La nourriture sera-t-elle considérée comme un instrument de puissance nationale? Faudra-t-il faire un choix parmi ceux que l'on pourra raisonnablement aider, et, si ceci est le cas, le contrôle des naissances devra-t-il être l'un des critères pour recevoir notre aide? La population des USA elle-même serait-elle prête à accepter que sa nourriture soit rationnée pour que nous puissions aider des peuples qui ne veulent pas ou ne peuvent pas contrôler leur croissance démographique?".

A la page 138, le NSSM 200 fait état "d'expériences controversées, mais tout à fait réussies en Inde où, après l'attribution d'avantages financiers et d'autres récompenses de très nombreux hommes indiens ont accepté de se faire stériliser."

Ce génocide préventif (l'expression est de l'UNICEF) a été mis en oeuvre systématiquement dans le Tiers-Monde: Le directeur de l'Ecole polytechnique de Rio de Janeiro, Bautisto Vidal, dans son livre: Souveraineté et dignité nationale (p. 202) révèle qu'"officiellement, selon les chiffres de l'I.B.G.E., 44% des femmes brésiliennes en âge fécond sont déjà stérilisées."

Dans un rapport de décembre 1992 sur la population, l'UNICEF souligne que "la stérilisation des femmes est particulièrement répandue en Amérique Latine et en Asie: 39% dans la République dominicaine, 37% en Corée du Sud."

Il ressort de toutes les données chiffrées qu'il serait mensonger de dire aux pauvres du Sud: vous êtes pauvres parce que vous avez trop d'enfants, et d'innocenter les exactions du Nord, au lieu de dire la vérité: vous êtes pauvres parce que le colonialisme a pillé vos ressources et déstructuré vos économies, et que les institutions issues de Bretton Woods: Fonds monétaire international, Banque mondiale puis le Gatt, etc. continuent cette oeuvre en maintenant les échanges inégaux dans la division du travail international et en imposant au Sud des modèles de développement et des structures politiques répondant aux seuls intérêts du Nord.

Après quoi peuvent être abordés, entre le Nord et le Sud, les problèmes de natalité en fonction des ressources du monde et de leur répartition.

Ainsi ce monothéisme du marché exige plus de sacrifices humains qu'aucune religion du passé.

En Allemagne l'eugénisme n'est pas né en 1933 avec l'arrivée au pouvoir d'Hitler. C'est Alfred Ploetz qui inventa le terme d'hygiène sociale. Il lance, en 1904, les Archives sur la biologie de la race et de la société et fonde en 1907 la Société d'hygiène sociale.

Le 16 mars 1925 était lancée la Ligue allemande pour la régénération populaire de l'hérédité, dont le président, à partir de 1930, fut Arthur Ostermann, et qui était financée par la banque Goldsmith-Rotschild. (Le généticien Richard Goldsmith contraint à l'exil, comme juif, en 1933, avait publié, en 1927, un manuel de biologie: Ascaries, où il réclamait la stérilisation des retardés et malades mentaux.)

C'est au temps de la République de Weimar, qu'à la session du 2 juillet 1932 du Conseil prussien de la santé, quatre médecins socialistes (dont Osterman) plaidèrent la cause de la stérilisation. A la même table ronde siégeaient à la fois les représentants de L'association des médecins nazis (Docteur Conti) et les représentants de l'Organisation juive de la santé. Le projet présenté par le Conseil fut approuvé par le ministre de l'Intérieur, Wilhelm Von Gayl. Les lois nazies, votées quelques mois plus tard, furent l'aboutissement logique de ce mouvement.

C'est dire qu'en ce domaine d'inhumanité, comme en tout autre, le régime nazi était dans la logique d'abjection du système capitaliste, comme le furent, des années plus tard, le soutien des Etats-Unis à Pinochet et aux généraux tortionnaires d'Argentine et du Brésil et à leurs escadrons de la mort.

Le monstrueux racisme hitlérien était la forme suprême de cinq siècles de colonialisme où les procédés de la Gestapo étaient appliqués aux peuples de couleur comme il l'appliqua aux Slaves, aux juifs, aux opposants et aux résistants.

Cette logique historique est indispensable pour rendre l'histoire intelligible au lieu de voir simplement en Hitler un élu de Satan comme d'autres sont des élus de Dieu, par des mystères impénétrables à la réflexion critique.

Quant à la troisième sécession, celle qui concerne la maîtrise du monde, elle s'inscrit dans ce projet hitlérien de domination du monde qui ne put être réalisé par Hitler en raison de son retard dans la possession de l'arme atomique. Il n'aurait pas eu plus de scrupule à en faire usage contre l'Union soviétique, ou l'Angleterre, que n'en eut Truman à massacrer les populations civiles d'Hiroshima et de Nagasaki, ou Churchill à assassiner avec des bombes au phosphore la population civile de Dresde (135.000 morts en une seule nuit). (Dans les deux cas il n'y avait aucune nécessité militaire: l'empereur du Japon ayant déjà engagé le processus de reddition, et les troupes allemandes ayant évacué Dresde dépassé par l'armée soviétique).

Les objectifs de domination du monde qui étaient ceux d'Hitler, furent réalisés d'une manière non prévue par lui, mais dont il avait créé les conditions majeures: une Union soviétique profondément affaiblie par un effort de guerre dont elle avait supporté les charges les plus lourdes, et une Europe à la fois détruite sur son propre sol et incapable de maintenir son emprise coloniale sur le reste du monde.

Le programme hitlérien de domination du monde fut appliqué point par point: d'abord l'effondrement de l'Union soviétique, la vassalisation de l'Europe, puis la tentative de conquête des "races inférieures" du reste du monde.

Il le fut par ses adversaires momentanés de l'Ouest qui avaient favorisé son accession au pouvoir jusqu'à la veille de la guerre parce qu'ils voyaient en lui un "rempart contre l'U.R.S.S." (fourniture d'acier par la France, de crédits par l'Angleterre, préparation, en 1939, d'une guerre anglo-française contre l'U.R.S.S., de la Finlande au Caucase, avec Weygand), l'Anschluss, Munich, et, au lendemain de la guerre l'utilisation de ses meilleurs techniciens (Braun pour les missiles, Gehlen pour les services secrets à l'Est) pour achever par d'autres moyens (ceux du libéralisme totalitaire, appuyé au besoin par l'intervention armée) son rêve de domination mondiale.

Ce libéralisme totalitaire, camouflant l'extension du nouveau colonialisme unifié par la vassalisation des anciens empires coloniaux d'Europe (Angleterre, France, etc.) ne cessa d'accentuer la division du monde non seulement en accroissant la misère du Sud mais en aggravant le chômage et l'exclusion en Europe.

Le système de monarchie du dollar fut complété par la dictature de l'atome et des autres armements. La division du monde fut parachevée par la diabolisation d'un adversaire potentiel: hier, c'était le bolchevisme (contre lequel Hitler fut longtemps un bouclier). Ce fut alors la coupure Est-Ouest et la guerre froide contre L'empire du mal. Après l'implosion de l'Union soviétique (qui avait pris le contre pied de Marx en adoptant le modèle de croissance de l'Occident, et qui en mourut), ce fut l'opposition Nord-Sud contre un nouvel Empire du Mal, menaçant, lui aussi, à l'échelle mondiale, la sécurité des possédants, et des envahisseurs: l'Islam devint synonyme de terrorisme par une simple assimilation sémantique de la résistance et de la terreur.

La première étape fut la vassalisation de l'Europe. L'Europe est, en 1998, un pays occupé.

L'Europe est sous occupation financière.

Les marchés dirigent de plus en plus les gouvernements. Grâce à une politique constante de privatisation et de dérégulation financière, les grandes corporations étrangères, et notamment américaines, prennent des parts de plus en plus importantes dans notre économie.

Pour ne citer que des exemples français.

Le fonds Wellington est le premier actionnaire de Rhône-Poulenc. Le fonds américain de Lazard et Templeton entre à la fois dans Rhône-Poulenc et dans Pechiney dont il est, avec Fidelty, l'actionnaire majoritaire. Chez Schneider le directeur financier du groupe, Claude Pessin, admet que "notre capital est désormais détenu, à hauteur de 30 % par des investisseurs étrangers." Il en est de même, à 33 %, dans le Capital de Paribas, à 40 % dans les ciments Lafarge, à 33 % dans Saint- Gobain, à 25 % dans la Lyonnaise des eaux, à 40 % dans A.G.F, etc.

Dans Le Monde du 19 novembre 1996, Eric Izraelevicz écrit: "Ce qui frappe, c'est le dépérissement du nationalisme industriel en France. Les entreprises étrangères peuvent désormais y acheter tous les joyaux qu'elles veulent sans y provoquer de réaction."

En un mot l'industrie européenne passe sous contrôle américain. Un pays membre de l'O.M.C. (Organisation mondiale du commerce) ne peut plus (à l'exception des Etats-Unis qui peuvent tout se permettre, y compris de donner à leurs propres lois une extension internationale contraignante, comme la loi Helms Burton, interdisant les investissements à Cuba, ou la loi d'Amato en Iran et en Libye.)

-- ni de limiter ses importations agricoles ni subventionner ses exploitations;

-- ni de refuser l'implantation de firmes multinationales, auxquelles doivent être consenties les mêmes conditions qu'aux industries nationales;

Toute infraction à ces diktats fait du pays un délinquant passible de représailles économiques, menace aussi redoutable que celle des armes. Les pays assujettis aux exigences du F.M.I. (Fonds monétaire international) savent déjà ce qu'il leur en a coûté d'émeutes et de morts. (De l'Algérie en 1988 à l'Indonésie en 1998.)

Le courant dominant, chez les économistes officiels comme chez les politiciens, est celui qui défend le libéralisme sans frontière, prônant l'effacement de l'Etat devant la toute-puissance du marché, afin de n'opposer aucun obstacle à l'occupation économique.

La variante des partis socialiste et communiste va dans le même sens, avec la feuille de vigne d'un langage sur la justice et la meilleure répartition des revenus et des charges.

Dans l'une et l'autre version l'on ne voit d'autre issue que la croissance et l'Europe (ils disent une autre Europe), sans jamais sortir de la perspective occidentale. L'on exalte, en en faisant un best-seller, L'horreur économique de Vivian Forrester, sans esquisser la moindre perspective réelle pour en sortir puisqu'on refuse de désigner l'occupant et pas davantage l'horizon d'un autre monde en train de naître et d'autres modèles de développement.

L'Europe est sous occupation politique.

Depuis l'acceptation du traité de Maastricht, plus de 70% des décisions politiques fondamentales ne sont plus prises par le Parlement mais par les commissions de technocrates de Bruxelles qui n'ont à répondre devant personne, sauf devant douze premiers ministres se réunissant quelques heures tous les six mois pour entériner des orientations décidant du destin de 340 millions de personnes.

L'Europe de Maastricht est une Europe américaine.

A trois reprises la même formule le proclame dans le texte:

"L'objectif (du traité) est de développer l'Union Européenne occidentale (U.E.O.) en tant que moyen de renforcer le pilier européen de l'Alliance Atlantique." (Déclaration sur l'U.E.O. B.4)

Pour que nul ne se trompe sur cette vassalité d'une Europe américaine, il est précisé dans la Déclaration I, que l'éventuelle défense commune devra être " compatible avec celle de l'Alliance Atlantique " (paragraphe I) qu'elle doit se tenir " dans le Cadre de l'U.E.O. et de l'Alliance Atlantique " et que "l'Alliance restera le forum essentiel de consultation " (B, 4).

Il ne s'agit donc pas de faire le poids, mais de n'être qu'une composante de la politique étrangère américaine.

L'Europe de Maastricht se situe dans le contexte de la politique de domination mondiale des Etats-Unis.

Le 8 mars 1992, le New-York Times publiait un document émanant du Pentagone. L'on pouvait y lire:

"Le département de la Défense affirme que la mission politique et militaire des Etats-Unis, dans la période de l'après guerre froide, sera de s'assurer qu'il ne soit permis à aucune superpuissance rivale d'émerger en Europe occidentale, en Asie, ou sur le territoire de la C.E.I.

La mission des Etats-Unis sera de convaincre les rivaux éventuels qu'ils n'ont pas besoin d'aspirer à un rôle plus important ni d'adopter une position plus agressive, les dissuader de défier notre suprématie ou de chercher à renverser l'ordre politique et économique établi"

Ce rapport souligne l'importance du "sentiment que l'ordre mondial est en fin de compte soutenu par les Etats-Unis," et dessine un monde où existe un pouvoir militaire dominant, dont les chefs "doivent maintenir les dispositifs qui ont pour but de décourager des concurrents éventuels qui aspireraient à un rôle régional ou mondial plus important."

"Nous devons chercher à empêcher l'apparition de systèmes de sécurité exclusivement européens, qui mineraient l'OTAN." (International Herald Tribune, 9 mars 1992).

Dans l'acte final de la conférence de Maastricht, la Déclaration sur les rapports avec L'Alliance Atlantique ne laisse aucun doute à ce sujet: "L'Union européenne agira en conformité avec les dispositions adoptées dans L'Alliance Atlantique."

Le traité préconisant que les institutions européennes mettent en oeuvre une politique commune pour "tous les domaines de la politique étrangère", cela signifie " à la lettre, écrit Paul Marie de la Gorce, directeur de la Revue de Défense Nationale, qu'il n'y aura plus du tout de politique nationale ". Cette disposition figure en tête de l'article J.1, du titre V et aussi dans l'article J. 4.

Il est donc bien clair qu'il s'agit d'une Europe américaine.

Il en est de même de la politique économique et sociale et de la politique tout court.

De même que Bush a lancé en l991 l'initiative d'un marché unique de toutes les Amériques de l'Alaska à la Terre de feu de même qu'il a notifié au président du Sénégal Abdou Diouf, la volonté américaine d'une unification économique rapide de l'Afrique, de même le président Reagan, dès le 8 mai 1985 appelait à "élargir l'unification européenne pour qu'elle aille de Lisbonne jusqu'à l'intérieur du territoire soviétique", Georges Bush s'est félicité des décisions historiques prises à Maastricht: "Une Europe plus unie, dit-il, donne aux Etats-Unis un partenaire plus efficace, prêt à assumer de plus grandes responsabilités." Clinton, en 1998, salue avec enthousiasme la création de l'Euro.

Maastricht signifie un ralliement total, et en principe définitif, à une économie de marché sans limite.

Valéry Giscard d'Estaing, dit à TF1, le 4 juin 1993, qu'avec l'application de Maastricht il n'y aurait plus de nationalisations possibles en vertu des articles 102 A assorti de surveillance et de sanctions (art. 104 C).

Même un économiste fort loin d'être hostile à ce marché sans limite du capitalisme libéral, écrit "Le problème est de savoir si ce choix doit être imposé par un Traité sur lequel, en principe, personne ne pourra revenir, et si les peuples doivent ainsi se voir interdire toute autre option."

L'article J.3 stipule expressément cette interdiction de revenir sur les décisions.

Robert Pelletier, ancien Directeur général des services économiques du CNPF et membre du Comité économique et social de la CEE au titre du patronat, trace les projections suivantes (Le Monde du 23 juin 1992): en Espagne, d'ici à 1997, poussée du chômage de 16 % à 19 %, en Italie, "explosion sans exemple historique du chômage"; "calculs qui donnent le vertige" pour la Grèce et le Portugal. Quant aux français, "on ne pourra pas leur dissimuler trop longtemps que la politique induite par Maastricht, sous des couleurs libérales de retour à l'économie de marché, est, en fait, le modèle le plus authentiquement réactionnaire de ces soixante dernières années."

Ainsi intégrée au marché mondial dominé par les Etats-Unis, l'Europe livre son agriculture, son industrie, son commerce, son cinéma et sa culture entière, aux règles du libre échange dont un économiste aussi prudent que Maurice Allais dit clairement "J'exclurais, au moins pour l'avenir prévisible, toute orientation vers un libre- échange mondial, comme c'est la tendance actuelle."

Des exemples récents et douloureux justifient ses craintes.

D'abord en ce qui concerne l'agriculture européenne, assassinée pour servir les intérêts des fermiers américains.

Les accords, du 18 mars 1992, directement inspirés par les Etats-Unis et son directeur général américain Arthur Dunkel, mettent en cause la politique agricole commune (PAC) de l'Europe qui permettrait d'aider les agriculteurs européens à affronter le marché mondial, sous menace de représailles du genre de celles exercées par les Etats-Unis pour imposer à l'Europe l'importation de viandes traitées aux hormones et interdites à Bruxelles.

Aussitôt l'Europe obéit aux injonctions américaines: l'accord européen conclu le 21 mai 1992, pour réformer la politique agricole commune exige la réduction de la production de céréales par la mise en jachères obligatoires de 15 % des terres arables, la diminution, sur trois ans, de 15% de la production de viande de boeuf, et de 2,5% pour le beurre.

Pour la viande et le lait la prime à la vache laitière est supprimée pour abaisser la productivité, et les quotas laitiers seront réduits de 2%.

Cette coupe sombre dans les agricultures européennes (à un moment où un cinquième de l'humanité souffre de la faim) laisse le champ libre aux céréaliers américains pour répondre à la demande solvable. La clé de cette politique agricole monstrueuse: faire chuter la production et la productivité, en réduisant les prix garantis et les surfaces cultivées pour que le marché (appelé pudiquement demande solvable) reste une chasse gardée américaine. Les affamés insolvables sont rayés de la carte alors que huit cent mille tonnes de viande de boeuf, vingt-cinq millions de tonnes da céréales, sept cent mille tonnes de beurre et de poudre de lait sont stockés, aux frais de la communauté, pour s'aligner sur le système agricole américain.

* * *

L'industrie européenne n'est pas moins mise en péril. Déjà, sous prétexte de maintenir les règles de la concurrence en Europe, le commissaire européen pour la concurrence, l'anglais Léon Brittan, avait interdit à deux compagnies, française et italienne, d'acheter la firme aéronautique de Havilland, afin de ne pas laisser un groupe européen atteindre une dimension capable de gêner les sociétés américaines. Les Etats-Unis exercent leur pression pour que les avances remboursables accordées à Airbus Industrie ne dépassent pas 25% du prix des appareils au lieu des 35% au-dessous desquels les Européens ne peuvent pas descendre. Les Américains, propagandistes du libre échange, menacent, par représailles, de frapper les Airbus de taxes qui leur fermeraient le marché américain.

Il en est ainsi dans tous les secteurs, depuis les eaux minérales, où Léon Brittan s'oppose à l'achat de Perrier par Nestlé pour empêcher, dit-il, la concentration du marché en Europe, (alors qu'il s'agit, en réalité de ne pas ouvrir un marché concurrentiel avec les entreprises américaines), jusqu'à l'électronique: après le groupe néerlandais Phillips et le groupe franco-italien SGS Thomson, le groupe allemand Siemens renonce aux grands espoirs et abandonne la production de masse à l'IBM américaine. On imagine les catastrophes pour l'emploi et le chômage de cette mise sous tutelle technologique américaine.

L'exemple le plus typique est celui du trafic d'armes. Moins d'un an après les promesses de Georges Bush de lutter contre la prolifération des armes, y compris des armes conventionnelles, un accord de mai 1991, entre le Pentagone et le ministre de la défense Dick Cheney, autorise le gouvernement fédéral à aider les exportateurs américains à exposer et à vendre leurs armements.

Il en résulte qu'en 1991, les Etats-Unis ont presque doublé leurs exportations d'armement auxquels la Guerre du Golfe a fait une publicité sans précédent. Les ventes ont progressé de 64% en 1991; 23 milliards de dollars contre 14 milliards en 1990.

Dans tous les domaines, l'Europe est une Europe vassale.

Ajoutons que cette Europe des Douze est un club des anciens colonialistes. Ils y sont tous. Les pionniers: Espagne, Portugal; les grands Empires: Angleterre, France, Belgique, Hollande; les tard-venus: Allemagne et Italie. Et, malgré cela, dans les accords de Maastricht, vingt et une lignes sur 66 pages sont consacrées à la définition des rapports avec le Tiers-monde (titre WII article 130 U), de bonnes paroles sur son développement, sur la lutte contre la pauvreté, la thèse centrale étant: insertion.... des pays en développement dans l'économie mondiale, c'est à dire cela même qui les tue. Les anciennes puissances colonialistes européennes ont accepté aujourd'hui, au delà de leurs rivalités anciennes, la suzeraineté américaine pour constituer un colonialisme d'un type nouveau, unifié et totalitaire.

L'Europe reste ainsi une Europe Colonialiste, mais subordonnée, comme dans le Golfe, aux maîtres américains.

 

L'Europe est sous occupation culturelle

Nous avons montré dans Les Etats-Unis avant-garde de la décadence comment le système économique fondé sur le monothéisme du marché engendrait la violence et le crime, l'évasion et la drogue, et toutes les formes de lavage de cerveau, (depuis les Rocks à 130 décibels, vidant un jeune homme de toute conscience critique jusqu'à l'hébétude et l'animalité), étaient destructeurs de toute culture. Nous ne reprendrons pas en détail cette analyse pour ne retenir que l'aspect dominant et le plus ravageur de la colonisation culturelle: le cinéma et la télévision.

Washington et Hollywood, sur la lancée de l'Organisation mondiale du commerce (O.M.C., ex G.A.T.T.) et considérant la culture comme un département du commerce, entendent imposer ceci sur la base des principes énoncés dans un document intitulé US Global Audiovisuel Strategy:

-- éviter un renforcement des mesures restrictives (notamment les quotas de diffusion d'œuvres européennes et nationales), et veiller à ce que ces mesures ne s'étendent pas aux services de communication;

-- améliorer les conditions d'investissement pour les firmes américaines en libéralisant les régulations existantes;

-- lier les questions audiovisuelles et le développement des nouveaux services de communication et de télécommunications dans le sens de la déréglementation;

--s'assurer que les restrictions actuelles liées aux questions culturelles ne constituent pas un précédent pour les discussions qui vont s'ouvrir dans d'autres enceintes internationales;

-- multiplier les alliances et les investissements américains en Europe;

-- rechercher discrètement l'adhésion aux positions américaines des opérateurs européens.

Il suffit d'ailleurs de lire chaque semaine les programmes de télévision pour mesurer l'importance de l'invasion. Et sa malfaisance en y constatant le déferlement de la violence dans les films américains, et, du point de vue formel, la dégradation du rôle du texte et de ses interprètes au profit des effets spéciaux, au point que nos jeunes, intoxiqués à leur insu par de tels spectacles, appellent films d'action ceux-là seuls où abondent les bagarres et les coups de revolver, les cascades automobiles, les déflagrations, et les incendies.

La part de marché du cinéma français aux Etats-Unis stagne autour de 0,5%, alors que, dans l'Europe des quinze, de 1985 à 1994, la part de marché des films américains est passée de 56 à 76%, pour atteindre parfois 90%.

Sur les cinquante chaînes européennes de télévision (même en excluant les réseaux câblés et cryptés et en ne retenant que ce qui est diffusé en clair), les films américains représentaient, en 1993, 53% de la programmation.

Dans le bilan commercial de l'audiovisuel européen face aux Etats-Unis le déficit est passé d'un milliard de dollars en 1985 à 4 milliards en 1995. Ce qui a entraîné, en dix ans, la perte de deux cent cinquante mille emplois.

La colonisation culturelle est du même ordre de grandeur en ce qui concerne les investissements: les firmes géantes comme Time Warner-Turner, Disney ABC, Westinghouse CBC, accaparent en Europe les studios, accroissent le réseau de leurs salles multiplex, s'ingèrent en maîtres dans les réseaux câblés, multipliant les accords avec les entreprises locales en s'y attribuant la part du lion.

Pénétrant en conquérants dans les pays de l'Est, il sont en train de s'emparer des principales télévisions privées.

Les quelque cent quarante monopoles nationaux de l'audiovisuel en Europe ont été dévorés par un oligopole mondial de cinq ou six groupes sous direction américaine. En ce domaine aussi le gouffre du déficit s'agrandit: de 2,1 milliards de dollars en 1988, il passe à 6,3 en 1995.

Dans les organismes internationaux les monopoles américains s'attribuent le rôle dirigeant dans les négociations afin de favoriser leur pénétration en obtenant des facilités pour leurs investissements, au point de prétendre bénéficier de l'aide communautaire en Europe et du fonds de soutien en France.

Les capitulations des dirigeants français n'ont cessé, depuis les accords Blum-Burnes qui, au lendemain de la guerre, ont livré le cinéma français au cinéma américain, jusqu'aux timides protestations des actuels dirigeants pour obtenir une exception culturelle dans la jungle économique du libre marché. Enfin, en décembre 1996, à Singapour, les représentants du gouvernement français ont accepté la déréglementation sur les fibres optiques et les nouvelles technologies de l'audiovisuel.

Les cultures de l'Europe, et celles du monde entier lorsque les dirigeants s'alignent sur les anglo-saxons, sont ainsi laminées par l'anticulture américaine fondée sur le monothéisme du marché.

 

* * *

 

Lorsque Monsieur Bush proclame: "Il faut créer une zone de libre marché de l'Alaska à la Terre de Feu " et lorsque son secrétaire d'Etat, John Baker ajoute: "Il faut créer une zone de libre marché de Vancouver à Vladivostok", le plus grand débat du siècle est celui-ci:

Laisserons-nous crucifier l'humanité sur cette croix d'or?

 

A Bretton Woods s'était affirmée l'hégémonie mondiale du dollar, devenant, au même titre que l'or, l'étalon mondial de la monnaie.

Les institutions nées de Bretton Woods étaient les instruments d'une domination économique planétaire: le Fonds Monétaire International (FMI) et la Banque Mondiale pouvaient librement, par des prêts accordés sous des conditions politiques (comme le Plan Marshall en Europe), écumer à leur gré les anciennes colonies de l'Europe tombées en déshérence par l'effacement des grands empires coloniaux en Afrique, en Asie, comme il en avait été autrefois en Amérique du Sud pour l'éviction de l'Angleterre et de l'Espagne.

Dans une deuxième étape, celle du GATT (Accord général sur le commerce et les impôts) le libre échange, imposé a l'échelle universelle, avait joué le rôle qu'il avait joué en faveur de l'Angleterre et de son empire pendant un siècle et demi.

(Le GATT, devait, dans le dernier quart du XXe siècle, changer de nom (Organisation mondiale du commerce (OMC) mais sans changer sa fonction.)

Des lors il devenait facile de faire de l'Europe de l'Ouest une vassale des Etats-Unis, non seulement par l'intégration militaire, en faisant de ses troupes des supplétives de l'OTAN, mais en étendant à tous les autres domaines de l'activité (de l'économie à la culture) cette suprématie américaine.

Le système fut perfectionné à Amsterdam de telle sorte que les 3/4 des lois de chaque peuple étaient imposées par l'Organisme européen de Bruxelles.

Restaient des étapes à franchir pour détruire tout ce qui pouvait subsister de l'autonomie de nations. D'abord le droit régalien de battre monnaie qui constituait depuis des siècles, le critère fondamental de la souveraineté, et ce fut le projet de monnaie unique, de l'Euro par lequel devait se clore le XXe siècle et s'ouvrir le XXIe siècle.

Restait à parachever la grande entreprise de mondialisation, c'est-à-dire de destruction définitive des économies et des cultures de tous les peuples au profit de la mondialisation de l'empire américain et de son monothéisme du marché.

Et ce fut le projet d'Accord multilatéral sur l'investissement (AMI) que l'on a pu appeler, avec juste raison: "Une machine infernale pour déstructurer le monde."

En effet, après la réglementation despotique, par les Etats-Unis, du système monétaire mondial (par le FMI) et du commerce international (par l'OMC), le ligotage final du monde impliquait un traité multilatéral sur la liberté des investissements.

Cette dernière charte du libéralisme sauvage a pour objet d'instaurer dans le monde entier la monarchie absolue du marché en abattant tout obstacle à l'investissement: toute multinationale doit bénéficier des mêmes avantages que les investisseurs nationaux: liberté d'investir, mais aussi de licencier le personnel, de délocaliser les centres de production et de recherche, de transgresser les lois du travail et de l'environnement, les Etats acceptant "sans condition de soumettre les litiges à l'arbitrage d'une Chambre de commerce internationale. (CCI)."

De cet organisme supranational toute "sentence arbitrale est définitive et obligatoire" excluant par conséquent tout droit de recours. Il est même prévu: "pour que l'investisseur puisse agir contre l'Etat d'accueil...: le dommage bien qu'imminent ne doit pas nécessairement avoir été subi avant que le différend puisse être soumis à un arbitrage."

Ce carcan nouveau (et définitif) faisant du marché le seul souverain universel, est une généralisation des accords de l'ALENA, passés entre les Etats-Unis, le Canada et le Mexique. L'on peut donc, en grandeur réelle, connaître les conséquences que comporterait son application.

Le Canada, qui refuse à la société Ethyl & Co l'entrée sur son marché de carburants comportant un adjuvant toxique, se voit demander 251 millions de dollars d'indemnités pour perte estimée de profits. Au Mexique, où le gouvernement refuse l'installation d'une décharge de produits toxiques dans un site protégé, la société américaine concernée réclame quatre cents millions de dollars. Les impôts des citoyens indemnisent les profits des multinationales!

Ce projet, avoue crûment: "L'AMI, comme tout accord international à caractère contraignant, aura pour effet de modérer, dans une certaine mesure, l'exercice de l'autorité nationale."

Ce projet, régissant tous les pays du monde, fut discuté secrètement, depuis trois ans, par les seuls membres de l'OCDE, groupant les pays les plus riches et excluant tout ce qu'il était convenu d'appeler le Tiers Monde, alors qu'il comporte des conséquences redoutables en ce qui concerne l'emploi et le chômage, la santé, les services publics, la protection sociale, et l'environnement, d'une manière générale l'indépendance nationale.

Il insiste, au plan social, sur les bienfaits de l'inégalité. L'OCDE définit le creusement des inégalités comme "ce que la logique économique recommande." Elle ne s'interroge pas sur la pertinence de cette logique, elle évoque "l'aiguillon de la pauvreté" et accuse les interventions publiques d'enfermer les individus dans "une logique de la dépendance."

Il est remarquable que sur ce programme, impliquant non seulement la privatisation totale des entreprises, mais l'exclusion de toute intervention de l'Etat pour protéger les plus faibles, les dirigeants français (de droite comme de gauche) n'ont fait d'objection qu'en invoquant l'exception culturelle. Il est vrai que c'est là un domaine particulièrement sensible puisque de tels accords conduiraient à la ruine du cinéma français, accroîtraient encore la main mise du cinéma sanglant d'Hollywood, qui submerge déjà nos écrans et notre télévision, et assureraient la main mise des magnats américains de l'information par l'investissement débridé dans la presse et l'édition. Les esprits comme les corps seraient ainsi livrés aux manipulations de la logique marchande.

Mais c'est la totalité de notre vie et de son sens qui doivent se libérer des tentacules de la pieuvre, c'est-à-dire des toutes puissantes multinationales des 29 pays membres de l'OCDE qui contrôlent les deux tiers des flux mondiaux des investissements, c'est à dire 340 milliards de dollars en 1996.

 

Comment peut s'opérer cette nouvelle libération, celle de l'occupation de notre pays, depuis son économie jusqu'à sa culture?

Ni les partis (de droite ou de gauche), ni les Eglises, ne répondent à ces interrogations majeures de nos angoisses.

Ni les uns ni les autres n'avancent des solutions à l'échelle du monde.

Les uns ne songent qu'aux alternances à la possession du pouvoir, et, incapables de résoudre les problèmes, se succèdent au pouvoir selon le rythme suranné des pseudo antagonismes de la gauche et de la droite, chacun étant à son tour sanctionné par les électeurs pour ses échecs dans la pratique d'une même politique masquée sous des langages différents.

Quel que soit le parti (ou la coalition) de partis au pouvoir, le chômage et l'exclusion augmentent inexorablement, de huit cent mille chômeurs en 1978 à trois millions en 1998, alors que se sont succédé gouvernements de droite et de gauche.

Les Eglises institutionnelles ne font pas mieux. Monarchisant leurs structures, sclérosant leurs dogmes, prétendant toutes à la domination universelle d'un univers auquel elles n'apportent rien.

Un catholicisme, détruisant toutes les espérances nées du concile de Vatican II, se donne des structures de plus en plus autoritaires et totalitaires, pratiquant systématiquement le double langage et la double action, masquant sous des homélies empruntées à l'Evangile, une politique de collusion avec les Etats-Unis (pour lutter, autrefois, contre le communisme à l'Est et contre les théologies de la libération en Amérique du Sud) évitant de répondre (autrement que par des paroles) aux angoisses des peuples sur le chômage, la guerre, les exclusions, et se fixant de manière obsessionnelle sur les thèmes sexuels, substituant les spectacles d'un one man show aux guidances spirituelles libératrices.

L'Islam, qui eût pour mission, au temps de son Prophète et aux siècles de sa grandeur, de représenter l'universel dans les cultures comme dans la foi, et qui pourrait aujourd'hui encore donner cet exemple, se replie dans sa particularité proche-orientale. Comme le clergé romain il ne donne pas un visage à l'espérance de tous, mais se referme sur la coutume et le rite du passé, au lieu de s'ouvrir aux problèmes majeurs de nos peuples et de notre temps. C'est ainsi qu'il devient objet de l'histoire alors qu'il en fut, pendant des siècles, le sujet créateur, fécondé par la communion avec toutes les spiritualités, depuis les sagesses de l'Inde jusqu'à la foi de ses soufis andalous si proches de la plénitude humaine de Jésus.

Tout est donc à faire, aux plans de l'économie, de la politique, de l'éducation et de la foi, plus inséparables que jamais, et ayant plus que jamais besoin de retrouver leur unité fondamentale dans la promotion de l'homme.

 

Quel est l'avenir de l'Europe en face de cette décadence du Dernier empire (comme l'appelle Paul Marie de la Gorce)?

L'Europe s'est longtemps isolée, comme autrefois l'Empire romain, refusant son appartenance à la grande île eurasiatique dont elle n'est qu'une petite péninsule, dans une domination centrée sur la Méditerranée (Mare Nostrum). A partir de là, elle exerçait son empire colonial sur le monde, depuis l'Amérindie avec son or, l'Afrique avec ses esclaves, l'Asie où elle imposait sa domination à l'Inde, avec les anglais, à la Chine par sa coalition européenne pour la guerre de l'opium et le rapt des Etats-vassaux, sur le Proche et Moyen Orient, avec ses pétroles, par un condominium anglo-français sur le monde musulman. Il y eut un partage anglo-français de l'Afrique orientale par les uns, de l'Afrique occidentale par les autres, sans parler des opération connexes de la Hollande en Indonésie, de la Belgique au Congo, de l'Espagne, et du Portugal de l'Angola et du Mozambique au Cap Vert, de l'Italie en Libye et en Ethiopie.

Les désastres de deux guerres mondiales intra-européennes, ont permis aux Etats-Unis non seulement de se substituer aux anciens colonisateurs européens, de l'Amérique du Sud aux Philippines dans le Pacifique, de devenir les maîtres du Proche Orient et se ses pétroles, de s'infiltrer puissamment en Afrique, mais même et surtout de faire des anciens colonisateurs ses propres colonisés en Europe même.

La seule possibilité de libération de cette Europe vassalisée est donc de rétablir, sur des bases radicalement nouvelles, (non plus de colonisateurs à colonisés, mais de partenaires égaux et complémentaires) ses rapports avec l'Asie d'abord (en particulier la Chine et l'Iran) mais aussi avec l'Afrique et l'Amérique du Sud et du Centre.

Ainsi seulement une Europe d'abord maîtresse de la Méditerranée, puis colonisatrice de trois continents, puis une Europe Atlantique vassalisée, opérera sa résurrection dans l'universel.

 

* * *

Hitler a gagné la guerre d'abord en France et avec facilité par la ruée de ses politiciens vers la servitude. La déchéance actuelle de la Ve République ressemble étrangement à la décomposition de la IIIe.

 

La parallélisme est saisissant entre le passage des abandons de Munich à la capitulation de Rethondes, et le chemin qui mène des abandons de Maastricht aux capitulations d'Amsterdam et de l'Euro, qui marquent l'abdication de toute indépendance de l'économie et de la politique françaises devant le diktat des Banques et des multinationales enlevant à la France le signe le plus évident de la souveraineté: le droit de battre monnaie afin de rester maître de sa législation sociale comme de sa politique extérieure d'exportation.

Le parallélisme est saisissant entre le reniement de de Gaulle et de la Résistance française en une seule phrase prononcée par le chef de l'Etat sous la pression du lobby américano-sioniste (et sous la présidence du grand rabbin Sitruk, celui qui assurait à Shamir, le 12 juillet 1990: "Chaque juif français est un représentant d'Israël") Le chef actuel de l'Etat français, se réclamant du gaullisme, déclare: "La folie criminelle de l'occupant a été secondée par les français et par l'Etat français."

Le contraire exact de ce que disait de Gaulle de notre peuple: "Fût-ce aux pires moments, notre peuple n'a jamais renoncé à lui-même" (Mémoires III, 194) et de ce qu'il disait de Vichy "écume ignoble à la surface d'un corps sain." (III, p.l42): "j'ai proclamé l'illégalité d'un régime qui était à la discrétion de l'ennemi" (I, 167), "Hitler a créé Vichy." (I, 389)

Le lobby organisateur de la manifestation salue avec enthousiasme ce reniement par lequel était reconnue: "la continuité de l'Etat français entre 1940 et 1944."

Même retournement en ce qu'il est convenu d'appeler la gauche, dont les dirigeants socialistes, tournent le dos à Jaurés et au socialisme (comme d'autres à de Gaulle et à la Résistance française), par leur ralliement à l'Europe des banquiers, sans souci (sauf en paroles) du chômage et des inégalités qui découlent de ce ralliement, et de la perte de toute indépendance en matière de politique sociale et de politique tout court.

La similitude entre les deux décadences de la République ne s'arrête pas là: alors que des journaux fascistes, comme Gringoire, ne cessaient de vilipender la France, sa culture, son peuple, sa morale, jusqu'à voir dans Hitler un élément de régénération et écrire: "Plutôt Hitler que le Front Populaire!" et qu'un autre considérait la défaite comme une divine surprise, aujourd'hui Bernard-Henri Lévy considère que le régime de Vichy est la résultante nécessaire de l'histoire et de la culture de la France dans sa totalité. Selon lui, de Voltaire à la Révolution française, de toute la tradition chrétienne à Péguy, sans épargner même Bernard Lazare, l'analyste juif de l'antisémitisme et en l'égratignant au passage, tout notre passé fait de la France "la patrie du national-socialisme." (L'idéologie française p. 125). Il insiste: "la culture française ... témoigne de notre ancienneté dans l'abjection." (ibidem p. 61). De cette France "je sais son visage d'ordure, la ménagerie de monstres qui y habitent." (p. 293) comme si la France était avant tout la patrie de Pierre Laval, de Philippe Henriot et de la milice.

Dans la décomposition de l'oligarchie politique, au lieu du "ni à gauche, ni à droite: la France", qui fut l'appel de De Gaulle à la Résistance et à la Résurrection, l'on voit aujourd'hui, comme hier à l'Assemblée de Bordeaux, se mêler les voix de tous ceux qui se ruent à la servitude. Ce fut autrefois l'honneur du parti communiste de pouvoir dire qu'il n'était pas "un Parti comme les autres"; aujourd'hui, avec les contorsions politiciennes traditionnelles, il se rallie, avec le parti socialiste, à l'Europe, c'est à dire à la trahison des espérances de tout ce qui, en France, travaille au lieu de spéculer.

Le même phénomène se produit à droite où, à la faveur des contradictions et des ambitions qui conduisent à la scission, un mouvement qui se voulait national, au dessus du marécage des partis, accepte, pour une victoire à la Pyrrhus dans la mêlée électorale, sous l'influence d'un politicien, ancien transfuge du R.P.R., un ancrage à droite pour devenir, dans des assemblées nauséeuses, le maître du jeu -- du jeu de massacre.

La réaction de rejet du système, dans le peuple français, est significative: il commence à percevoir l'imposture de la démocratie déléguée, aliénée, et le front du refus des équipes politiciennes se renforce chaque jour.

Aux élections régionales de 1998, si l'on ajoute au chiffre record de 42,5 % d'abstentions, les 15 % qui ont cru que le Front National se situerait en dehors des partis, les 5 % d'une extrême gauche qui désavoue le ralliement du parti communiste à la caricature d'un socialisme, et si les chefs de la cuisine électorale, continuent, en nombre à peu près égal, à se partager les régions et leurs prébendes, l'on s'aperçoit que les deux tiers des électeurs les rejettent et que chaque région sera dirigée par la moitié du tiers restant, c'est à dire par les élus d'environ 15 à 20 % des votants. Etrange démocratie, de plus en plus proche des modèles du genre: les Etats-Unis, Israël, l'Angleterre où prospère aujourd'hui, sous étiquette Socialiste, un clone de Mme Thatcher.

Ainsi s'opère, une fois encore, l'abaissement de notre peuple devant une domination étrangère.

Ce n'est pas, il est vrai, celle d'Hitler, mais du lobby américano-sioniste tout puissant, des gens qui ne font aucun obstacle, sinon parolier, à la politique de Netanyahou, porte-clés des Etats-Unis: Cohen au ministère de la guerre, Madame Albright aux Affaires Etrangères, et les trois principaux dirigeants de la C.I.A., pour ne citer que ceux qui tiennent les leviers de commande de l'Etat.

Un fascisme rabbinique ignorantin, sous la protection inconditionnelle des Etats-Unis, apporte au Choc des civilisations de Huntington et du Pentagone, le fer de lance de son "bastion avancé de la civilisation occidentale contre la barbarie de l'Orient", programme de Théodore Herzl, appliqué, un siècle plus tard, par les néo-nazis de Brooklyn et d'Hébron.

La tête chercheuse de cette politique bicéphale, mais animée par le même objectif: Le choc des civilisations de Huntington ou le "bastion avancé de la civilisation judéo-chrétienne contre la barbarie orientale" demeure immuable: l'auteur de si nombreux "crimes contre l'humanité" au Liban, Ariel Sharon, demeure le super ministre de la politique colonialiste de Netanyahou.

Oui, Hitler a gagné la guerre. Ses objectifs sont atteints: la destruction de l'Union Soviétique, la vassalisation de l'Europe, la domination du monde par un peuple élu, hier Aryen, aujourd'hui américano-israélien. Une nouvelle occupation, un nouveau clivage entre résistants et collabos remplace, aujourd'hui comme hier, les désuètes et artificielles distinctions entre gauche et droite, dont les dirigeants, dans leur quasi totalité, acceptent les servitudes et les diktats du nouvel occupant Atlantique et ses gauleiters de Maastricht et de l'Euro.

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