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Sens et non-sens de la violence.

Publié le 27/04/2011

Extrait du document

Le discours contemporain sur la violence est plus qu'alarmiste ; il est catastrophiste. C'est une mise en garde emphatique et inlassable contre une menace ravageuse, mais rampante. Les qualificatifs choisis [...] évoquent irrésistiblement les grandes épidémies des siècles passés : la contagion du mal, les dangers de la concentration humaine, l'omniprésence du fléau, l'impossibilité d'y échapper. Selon ce discours, il n'est pas d'aspect de la vie sociale où la violence ne soit infiltrée ; le langage, l'art, le cinéma, la musique, la danse, le sport... toutes les formes d'expression symboliques sont contaminées. Il n'est jusqu'à l'urbanisme et la bureaucratie modernes qui ne soient imprégnés de violence et, à leur tour, la sécrètent. Bref, où que l'on se trouve, la violence est là. Tels sont les mots, tout autres sont les choses. Ce discours mêle à loisir le physique et le symbolique ; la notion de violence, tant elle est galvaudée, banalisée, en vient à perdre tout contenu concret. Ce glissement de sens est pervers, car il laisse le champ libre aux propos les plus contradictoires et les plus fantaisistes. Le mot « violence « en est arrivé à désigner un peu n'importe quoi, tout heurt, toute tension, tout rapport de force, toute inégalité, toute hiérarchie. A lire certains journaux on se croit cerné de toute part ; souvent même le journal dépasse le roman policier. Pourtant, ne fût-elle que symbolique, la violence n'est pas nouvelle. Le principe hiérarchique a toujours existé et il est, sans nul doute, moins rigide aujourd'hui qu'autrefois; le culte de l'autorité s'est effrité, l'esprit démocratique s'est répandu ; les relations entre enseignants et enseignés, entre parents et enfants, entre hommes et femmes sont moins inégalitaires et plus détendues. En France, Mai 68 n'a fait qu'accélérer une tendance latente séculaire. Pourtant l'apprentissage de la discipline sociale commence dès la plus tendre enfance, et il est sans cesse plus poussé. Jamais l'homme ne s'est conformé à autant de conventions, règles et règlements que de nos jours. S'il ignore le détail du Code civil ou du Code pénal, le citoyen moyen n'ignore pas les principales prescriptions du Code de la route, ni non plus les règles élémentaires du Code de la Santé ou de la Sécurité sociale. Il fait vacciner ses enfants, les emmène à l'école, il pratique la discipline du chéquier, paie ses impôts, roule droit sur l'autoroute... il a même rempli ses obligations militaires. A la ville, il vit dans un univers foisonnant de symboles, qui sons autant de commandements ; montre en main, il mesure son temps ; à le voir, un Martien le dirait programmé. Dès le plus jeune âge, il a dû se plier à l'apprentissage des règles de calcul et d'orthographe, se familiariser avec les normes de conduite communes ; il passe de dix à quinze ans en moyenne, suivant les pays, dans le moule scolaire. Plus tard, devenu adulte, c'est sans tumulte, dans le secret de l'isoloir, qu'il participe au rite de désignation des chefs ; c'est aussi sans tumulte que, motorisé, en cas d'accrochage sur les chemins routiers, il tranche le litige et finit par conclure — la formule en dit long! — un constat amiable... Révolté, l'homme moderne? Il vit dans un univers bétonné, codifié, en un sens sécurisant. Avant même sa naissance, il bénéficie d'une protection sociale. Un à un, les grands risques qui faisaient la terreur de ses ancêtres ont été couverts par les systèmes de Sécurité sociale ou d'assurance : la maladie, le chômage, l'accident, le vol, l'incendie... et même la mort (du conjoint ou d'un être cher). Mais tout ce fourmillement de règles nouvelles est ambivalent.

Objectivement, il libère l'homme; subjectivement, il l'enchaîne en l'enserrant dans un carcan de plus en plus étroit. L'homme paie sa plus grande sécurité objective par une plus grande insécurité subjective, un sentiment d'enfermement, de « violence «, d'écrasement de sa liberté. Mais cette violence-là n'est pas matérielle, elle est symbolique. Qui plus est, elle n'est que le revers d'une plus grande protection contre la violence matérielle. La vraie violence, la violence barbare — celle qui meurtrit les corps et sème la mort — est ailleurs. J. C. Chesnais, Histoire de la violence, 1981. Selon votre préférence, résumez le texte en suivant le fil du développement ou faites-en une analyse qui, distinguant et ordonnant les thèmes, s'attache à rendre compte de leurs rapports. Choisissez ensuite un problème qui ait dans ce texte une réelle consistance et auquel vous attachez un intérêt particulier ; vous en préciserez les données et vous exposerez, en les justifiant, vos propres vues sur la question.

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