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Situation historique du réalisme et du naturalisme

Publié le 08/02/2011

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1 «Le temps est passé du Beau. L'humanité, quitte à y revenir, n'en a que faire pour le quart d'heure. Plus il ira, plus l'Art sera scientifique, de même que la science deviendra artistique. Tous deux se rejoindront au sommet après s'être séparés à la base. Aucune pensée humaine ne peut prévoir, maintenant, à quels éblouissants soleils psychiques écloront les œuvres de l'avenir. En attendant nous sommes dans un corridor plein d'ombres, nous tâtonnons dans les ténèbres. Nous manquons de levier, la terre nous glisse sous les pieds. Le point d'appui nous fait défaut, à tous, littérateurs et écrivailleurs que nous sommes.« Que pensez-vous de ces lignes extraites d'une lettre de Flaubert à Louise Colet (24 avril 1852) ? Quel intérêt présentent-elles pour la connaissance de l'état d'esprit des romanciers réalistes ? 2 Dans son roman L'Œuvre, Émile Zola présente, en la personne du romancier Sandoz, un jeune écrivain naturaliste. Assistant à l'enterrement de son ami Claude Lantier, qui s'est suicidé par désespoir de ne pouvoir atteindre au Beau absolu, Sandoz s'écrie : «Oui, notre génération a trempé jusqu'au ventre dans le romantisme, et nous en sommes restés imprégnés quand même, et nous avons eu beau nous débarbouiller, prendre des bains de réalité violente, la tache s'entête, toutes les lessives du monde n'en ôteront pas l'odeur.« (Chap. XII). Quelles perspectives vous ouvre cette phrase sur le roman réaliste et naturaliste ? 3 Que pensez-vous de cette identification entre naturalisme et positivisme : «Le terme «naturalisme« est le moins mauvais pour désigner le nouvel esprit littéraire, et il n'est qu'un synonyme du positivisme, si l'on se souvient de l'étymologie du mot positif, positum : donné, réel, naturel.« (0. Cecconi, Histoire littéraire de la France, t.V, Editions Sociales, 1977.) 4 Que pensez-vous de cette définition du naturalisme proposé par Colette Becker : «Le naturalisme est une esthétique de la vérité, accordée aux années 1860-1880, à l'esprit positiviste, à la croyance que la science est capable d'apporter le bonheur à l'homme, toujours susceptible de progrès. C'est, selon les termes de Zola, «tout écrivain, qui, le voulant ou non, emploie la formule scientifique, reprend l'étude du monde par l'observation et l'analyse en niant l'absolu, l'idéal révélé et irrationnel.« {Le Roman expérimental)« (Précis de littérature française du XIXe siècle sous la direction de Madeleine Ambrière, PUF, 1990). 5 Commentez ces lignes des Goncourt (Préface de Germinie Lacerteux, 1864) : «Vivant au XIXe siècle, dans un temps de suffrage universel, de démocratie, de libéralisme, nous nous sommes demandé si ce qu'on appelle «les basses classes« n'avait pas droit au roman ; si ce monde sous un monde, le peuple, devait rester sous le coup de l'interdit littéraire et des dédains d'auteurs qui ont fait jusqu'ici le silence sur l'âme et le cœur qu'il peut avoir. Nous nous sommes demandé s'il y avait encore pour l'écrivain et pour le lecteur, en ces années d'égalité où nous sommes, des classes indignes, des malheurs trop bas, des drames trop mal embouchés, des catastrophes d'une terreur trop peu noble ; ... si, dans un pays sans caste et sans aristocratie légale, les misères des petits et des pauvres parleraient à l'intérêt, à l'émotion, à la pitié, aussi haut que les misères des grands et des riches ; si, en un mot, les larmes qu'on pleure en bas pourraient faire pleurer comme celles qu'on pleure en haut.« 6 «Le plus bel éloge que l'on pouvait faire autrefois d'un romancier était de dire : «Il a de l'imagination«. Aujourd'hui, cet éloge serait presque regardé comme une critique. C'est que toutes les conditions du roman ont changé. L'imagination n'est plus la qualité maîtresse du romancier. [...] J'insiste sur cette déchéance de l'imagination, parce que j'y vois la caractéristique même du roman moderne. Tant que le roman a été une récréation de l'esprit, un amusement auquel on ne demandait que de la grâce et de la verve, on comprend que la grande qualité était avant tout d'y montrer une invention abondante. Même quand le roman historique et le roman à thèse sont venus, c'était encore l'imagination qui régnait toute-puissante, pour évoquer les temps disparus et pour heurter à des arguments des personnages bâtis selon les besoins du plaidoyer. Avec le roman naturaliste, le roman d'observation et d'analyse, les conditions changent aussitôt. Le romancier invente bien encore, il invente un plan, un drame ; seulement c'est un bout de drame, la première histoire venue, et que la vie quotidienne lui fournit toujours.« É. Zola, Le Roman expérimental, Le sens du Réel. L'évolution du roman au XIXe siècle, du moins en vous appuyant sur quelques-uns des ouvrages que vous connaissez, vous paraît-elle être exactement définie par É. Zola ; sinon, quels tempéraments pensez-vous qu'il convient d'y apporter ? 7 Étudiez ce jugement de Thibaudet (Histoire de la littérature française, Gallimard, 1936) : «Quand on l'a débarrassé des théories que tentèrent, avec modération d'ailleurs, Champfleury et Duranty d'une part, les Goncourt d'autre part, quand on examine librement les œuvres et les hommes, on constate que le réalisme a consisté surtout : 1° dans un fait, raconter des histoires réelles, c'est-à-dire des histoires qui sont arrivées à l'auteur, aux amis et aux amies de l'auteur ; 2° dans une carence, celle de l'imagination romanesque. L'un n'est d'ailleurs que le revers de l'autre.« 8 Que pensez-vous de cette présentation des rapports entre réalisme et naturalisme tels que les voit le critique P. Martino (Le Naturalisme français, 1923) : «Le naturalisme, proprement dit, a été une courte période d'enthousiasme exagéré, et quelquefois naïf, des hommes de lettres pour la science, ou plutôt pour une certaine philosophie de la science. Au bout de peu de temps, le réalisme, plus simple et moins ambitieux, dont il voulait occuper la place, a repris sa marche, un peu assagi par les échecs de son cadet, plus disposé à voir et à représenter, sans parti pris d'aucune sorte, les aspects multiples de la vie moderne.«

9 La critique grecque Hélène Marmarinou (in Lettres européennes, ouvrage collectif, Hachette, 1992) écrit : «Nous considérons que le réalisme et le naturalisme constituent des notions dont l'une est contenue dans l'autre, du moins en ce qui concerne le dogme littéraire : le réalisme constitue la notion élargie, tandis que le naturalisme est la notion plus restreinte puisqu'il utilise et accepte comme prémisses tous les principes fondamentaux et la thématique du réalisme. Au-delà d'une attitude réaliste et positiviste, l'école naturaliste exige, si l'on s'en tient à la théorie de Zola, que l'écrivain applique, lors de la procédure de production de son œuvre, une méthode strictement scientifique qui se rapproche de celles mises en œuvre par les sciences naturelles, et qui avait été utilisée pour la première fois dans la critique positiviste des phénomènes littéraires par Sainte-Beuve et Taine.« Expliquez, illustrez et, s'il y a lieu, discutez cette conception des rapports entre réalisme et naturalisme. 10 Marie-Claire Bancquart et Pierre Cahné écrivent dans leur Littérature française du XXe siècle (PUF, 1992) : «Le naturalisme a suscité une réaction nécessaire contre la sentimentalité l'idéalisation, le style enflé et vague des épigones du romantisme, réunis autour d'un Victor Hugo devenu très puissant avec l'avènement de la IIIe République. Il est mort en 1885 : Zola publiait depuis longtemps, A Rebours était paru l'année précédente. C'est à tort qu'on imaginerait les mouvements littéraires comme se succédant dans un bel ordre chronologique. Tous les écrivains dont nous parlons ici se sont battus contre un certain conformisme de l'«hugolâtrie«. Si différentes qu'aient été les littératures marquées de près ou de loin par le naturalisme, la fécondité du mouvement se mesure à cette rupture.« Que pensez-vous de cette façon de présenter le naturalisme dans la succession des Ecoles Littéraires ?

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