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STENDHAL VU PAR LUI-MÊME...

Publié le 08/05/2011

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stendhal

C'était un homme assez grand de plus de quarante ans; ses traits étaient grands, point beaux mais extrêmement mobiles. Ses yeux exprimaient les moindres nuances de ses émotions, et c'est ce qui mettait son orgueil au désespoir. Lorsqu'il craignait ce malheur, il était brillant, amusant, rempli des saillies les plus imprévues, il électrisait ses auditeurs et rendait le bâillement impossible dans la salle où il se trouvait; dans ces moments il inspirait les aversions les plus vives ou des transports d'admiration. « Il est impossible de se montrer plus brillant ou plus homme d'esprit «, disaient ses admirateurs. Mais la vivacité et l'imprévu de ses saillies effrayaient les gens médiocres et lui valaient bien des ennemis. Lorsqu'il n'avait pas d'émotion, il était sans esprit, il n'avait pas de mémoire, on dédaignait de l'appeler à son secours. Sa parole, alors, était aussi discrète que l'expression de sa physionomie l'était peu. Son orgueil aurait été au désespoir de laisser deviner ses sentiments. Un mot touchant, une expression juste du malheur entendue dans la rue, surprise en passant dans une boutique d'artisan, l'attendrissait jusqu'aux larmes. Mais s'il y avait la moindre pompe, la moindre possibilité d'affectation dans l'expression d'une douleur, quelque légitime qu'en fût le motif, il n'y avait plus que l'ironie la plus piquante dans les regards et dans les mots de Roizand [c'est le nom du personnage qui représente Stendhal]. Jamais rien de sérieux, jamais rien de pompeux, de triste même, dans sa conversation.

Stendhal, Une Position sociale, chap. 1er (roman ébauché en 1832).

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