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Villon L'épitaphe Villon (1463) : La ballade des pendus

Publié le 04/03/2011

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villon

Frères humains qui après nous vivez N'ayez les cuers contre nous endurcis, Car, se pitié de nous pouvres avez, Dieu en aura plus tost de vous merciz. 5 Vous nous voyez cy attachez cinq, six : Quant de la chair, que trop avons nourrie, Elle est piéça1 dévorée et pourrie, Et nous, les os, devenons cendre et pouldre. De nostre mal personne ne s'en rie : 10 Mais priez Dieu que tous nous vueille absoudre! Se frères vous clamons, pas n'en devez Avoir dédain, quoy que fûmes occiz Par justice. Toutesfois, vous savez Que tous les hommes n'ont pas le sens rassiz; 15 Excusez-nous, puis que sommes transsis2 Envers le filz de la Vierge Marie, Que sa grâce ne soit pour nous tarie, Nous préservant de l'infernale fouldre. Nous sommes mors, ame ne nous harie3; 20 Mais priez Dieu que tous nous vueille absoudre! La pluye nous a debuez4 et lavez, Et le soleil dessechez et noirciz : Pies, corbeaulx nous ont les yeux cavez Et arraché la barbe et les sourciz. 25 Jamais nul temps nous ne sommes assis; Puis ça, puis la, comme le vent varie, A son plaisir sans cesser nous charie, Plus becquetez d'oiseaulx que dez à coudre. Ne soyez donc de nostre confrerie; 30 Mais priez Dieu que tous nous vueille absoudre! Prince Jhésus, qui sur tous a maistrie, Garde qu'Enfer n'ait de nous seigneurie : A lui n'avons que faire ne que souldre5 Hommes, icy n'a point de mocquerie; 35 Mais priez Dieu que tous nous vueille absoudre! Epitaphe de Villon en forme de ballade

1. Depuis longtemps. — 2. Morts. - 3. Tracasse. - 4. Trempés. - 5. Régler un compte.

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