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Voyage de J.

Publié le 12/04/2014

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Voyage de J. Cartier au Canada Et pour ce que la maladie nous estoit incongneue, feist le cappitaine ouvrir le corps pour veoir si aurions congnoissance d'icelle pour preserver si possible estoit, le persus. Et feust trouvé qu'il avoit le coeur blanc &fletry environé de plus d'ung pot d'eaue rousse comme dacte, le foye beau, mais avoit le poulmon tout noircy et mortifié & s'estoit retiré tout son sang au dessus de son coeur. Car quand il fut ouvert sortist au dessus du coeur grand habondance de sang noir infect. Pareillement avoit la ratte par devers l'eschine ung peu entamée environ deux doidz comme si elle euct esté frotée sur une pierre rude. Apres cela veu, luy feust ouverte &incise une cuisse, laquelle estoit fort noyre par dehors, mais dedans la chair fut trouvée assez belle. Ce faict, fut inhumé à mieulx que lon peust. Dieu par sa saincte grace pardonne à son âme, &à tous trespassez, Amen. [Page 36] Et depuis de jour en aultre s'est tellement continuée ladicte maladie, que telle heure a este, que par tous les trois navires ny avoit pas trois hommes sains, de sorte qu'en l'ung desdictz navires n'y avoit homme qui eust peu descendre soubz le tillac pour tirer à boire, tant pour luy que pour son compaignon. Et pour l'heure y en avoit ja plusieurs de mortz. Lesquelz il nous convint mettre par par foiblesse soubz les neiges: car il ne nous estoit possible de povoir pour lors ouvrir la terre qui estoit gellée tant estions foibles, &avyons peu de puissance. Et si estions en une crainte merveilleuse des gens du pays qu'ilz ne se apperceussent de nostre pitié &foiblesse. Et pour couvrir ladicte maladie lors qu'ilz venoient pres nostre fort nostre cappitaine que Dieu a tousjours preservé, debout sortoit au devant d'eulx avec deux ou trois hommes, tant sains que malades. Lesquelz faisoit sortir apres luy. Et lors qu'il les voyoit hors du fort, faisoit semblant les vouloir battre en criant &leur gectant bastons apres eulx, les envoyant à bort monstrant par signes esdictz sauvages qu'il faisoit besongner tous ses gens dedans les navires les ungs à gallefestrer, les aultres à faire du pain &aultres besongnes, &qu'il ne estroit pas bon qu'ilz vinsent donner de hors. Ce qu'ilz croyent, &faisoit ledict cappitaine battre & mener bruict esdictz malades dedans les navires avec bastons &caillousz faignans callefestrer. Et pour lors estions si esprins de ladicte maladie que avions quasi perdu l'esperance de jamais retourner en France si Dieu par sa bonté infinie &misericorde ne nous eust regardé en pitié &donné congnoissance d'ung remede contre toutes maladies le plus excellent qui fut jamais veu ny trouvé sur la terre, ainsi qu'il sera faict mention en ce chapitre. Le nombre de temps que nous avons esté au hable saincte Croix &places dedans les glaces &neiges, &le nombre de gens decedez depuis le commencement de la maladie jusques à la my Mars. Depuis la my Novembre jusques au quinziesme jour d'Apvril, avons esté continuellement enfermez dedans les glaces, lesquelles avoient plus de deux brasses d'espesseur. Et dessus la terre avoit la haulteur [Page 37] de quatre piedz de neiges &plus, tellement qu'elle estoit plus haultes que les bortz de noz navires: lesquels les ont duré jusques audict temps, en sorte que nos breuvages estoient tous gellez dedans les fustailles, Et par dedans nosdictes navires tant de bas que de hault, estoit la glace contre les bortz a quatre doigtz d'espesseur. Et estoit tout le dict fleuve, par autant que l'eaue doulce en contenoit jusques au dessus dudict Hochelaga gellé: durant lequel temps nous deceda jusques au nombre de vingt cinq personnes des principaulx &bons compaignons que nous eussions: Et pour l'heure y en avoit plus de cinquante, en qui on esperoit plus de vie &le parsus tous malades que nul n'en estoit exempté excepté trois ou quatre: Mais dieu par sa saincte grace nous regarda en pitié: &nous envoya la congnoissance &remede de nostre guarison &santé de la sorte &maniere qu'il sera devisé en ce chapitre. Comment par la grace de dieu nous eusmes congnoissance de la sorte d'ung arbre, par lequel nous avons esté guariz apres avoir usé dudict arbre, &la facon d'en user. Ung jour nostre cappitaine voyant la maladie si esmeue &ses gens si fort esprins d'icelle, estant sorty dehors du fort, Et soy promenant sur la glace, apperceust venir une bende de gens de Stadacone, en laquelle estoit Dom agaya, lequel le cappitaine avoit veu dix ou douze jours auparavant fort malade de ladicte maladie que avoient ses gens. Car il avoit l'une des jambes par le genoul aussy grosse qu'ung enfant de deux ans. Et tout les nerfz d'icelle retirez: les dentz perdues &gastees, & les gensives pourries &infectées. AU ROY Treschretien. 29 Voyage de J. Cartier au Canada Le cappitaine voyant ledict Dom agaya sain &deliberé feust joyeulx esperant par luy scavoir comme il estoit guary: Affin de donner ordre &secours à ses gens. Lors qu'ilz furent arrivez pres le fort, le cappitaine luy demanda comme il s'estoit guary de sa maladie: lequel Dom agaya respondit qu'il avoit le jus &le marcq des fueilles d'ung arbre dont il s'estoit guary, &que c'estoit le singulier remede pour maladie. Ledict cappitaine luy demanda s'il y en avoit point la entour, &qu'il luy en monstrast pour guarir son serviteur qui avoit prins ladicte maladie audict Canada, durant qu'il demouroit avec Donnacona, [Page 38] ne luy voulant declarer le nombre des compaignons qui estoient malades. Lors ledict Dom Agaya envoya deux femmes pour en querir: lesquelles en apporterent neuf ou dix rameaulx, &nous monstrerent comme il failloit peller l'escorce &les fueilles dudict boys, &mettre tout boullir en eau, puis en boire de deux jours l'un, &mettre le marcq sur les jambes enflees &malades, &que de toute maladie ledict arbre guerissoit, ilz appellent ledict arbre en leur langaige Ameda. Tost apres le cappitaine feist faire du breuvage pour faire boire es malades, desquelz n'y avoit nul d'eulx qui voulsist essayer ledict bruvage, synon ung ou deux qui se misrent en adventure d'icelluy assayer. Tout incontinent qu'ilz en eurent beu, ilz eurent l'advantage qui se trouva estre ung vray &evident myracle. Car de toutes maladies dequoy ilz estoient entachez, apres en avoir beu deux ou trois foys, recouvrerent santé &guarison: Tellement que tel y avoit desdictz compaignons qui avoit la grosse verolle cinq ou six ans au parvant ladicte maladie: a esté par icelle medecine curé nectement. Apres ce avoir veu &congneu, y a eu telle presse ladicte medecine, que on si vouloit tuer, à qui premier en auroit. De sorte que ung arbre aussi gros &aussi grand que chesne qui soit en France, a esté employé en six jours: lequel a faict telle operation, que si tous les medecins de Louvain &de Montpellyer y eussent esté avec toutes les drogues de Alexandrie, ilz n'en eussent pas tant faict en ung an, que le dict arbre a faict en six jours: Car il nous a tellement proffite, que tous ceulx qui ont voullu user, on recouvert santé &guarison la grace à dieu. Comment le seigneur Donacona accompaigné de Taignoagny &plusieurs aultres faignans aller a la chasse aux Cerf &aux Dains, furent deux moys sans retourner. Et à leur retour amenerent grand nombre de gens que n'avions accoustumé de veoir. Durant le temps que la maladie &mortalité regnoit en noz navires, se partirent Donnacona, Taignoagny, &plusieurs autres, faignans aller prendre des Cerfz &Dains: Lesquelz ilz nomment en leur langaige Aiounesta &Asquenoudo, parce que les neiges estoient &que les glaces estoient ja rompues dedans le cours du fleuve, tellement qu'ilz pouvoient naviguer par icelluy. Et nous fut par Dom Agaya [Page 39] &aultres dict, qu'ilz ne seroient que environ quinze jours, ce que croyons, mais furent deux moys sans retourner. Au moyen dequoy eusmes suspicion qu'ilz ne feussent aller amasser grand nombre de gens pour nous faire desplaisir, parce qu'ilz nous veoient si affoibliz, nonobstant que avions mys si bon ordre à nostre faict, que si toute la puissance de leur terre y eust esté, ilz eussent sceu faire autre chose que nous regarder. Et pendent le temps qu'ilz estoient dehors, venoient tous les jours force gens a noz navires, comme ilz avoyent de coustume, nous apportant de la chair fresche de Cerfz &Dains, poissons fraiz de toutes sortes: Lesquelz ilz nous vendoient fort cher, ou autrement myeulx aymoient l'emporter, parce qu'ilz avoyent necessité de vivres pour lors, a cause de l'yver qui avoit esté long. Comment Donnacona revint à Stadacone avec grand nombre de gens &feist ledict Donnacona du malade de peur de venir veoir le cappitaine, cuydant que ledict cappitaine allast vers luy. Le vingt &ungiesme jour dudict moys d'Avril, Dom Agaya vint à bort accompagné de plusieurs gens lesquelz estoient beaulx &puissans. Et n'avions accoustumé de les veoir: lesquelz dient que le seigneur Donnacona feroit le lendemain venu: &qu'il apporteroit force cher de cerfz &autre venaison. Et le lendemain vingt deuxiesme jour dudict moys, vint le dict Donnacona, lequel admena en sa compaignie grand nombre de gens audict Stadacone, ne scavions à quelle occasion, n'y pourquoy: mais on dict à ung proverbe, qui de tout se garde de aucuns eschappe. Ce que nous estoit de necessité; Car nous estions si affoibliz tant de maladie que de gens mors, qu'il nous a fallu laisser ung de noz navires audict lieu de saincte Croix. Le cappitaine estant AU ROY Treschretien. 30

« Le cappitaine voyant ledict Dom agaya sain &deliberé feust joyeulx esperant par luy scavoir comme il estoit guary: Affin de donner ordre &secours à ses gens.

Lors qu'ilz furent arrivez pres le fort, le cappitaine luy demanda comme il s'estoit guary de sa maladie: lequel Dom agaya respondit qu'il avoit le jus &le marcq des fueilles d'ung arbre dont il s'estoit guary, &que c'estoit le singulier remede pour maladie.

Ledict cappitaine luy demanda s'il y en avoit point la entour, &qu'il luy en monstrast pour guarir son serviteur qui avoit prins ladicte maladie audict Canada, durant qu'il demouroit avec Donnacona, [Page 38] ne luy voulant declarer le nombre des compaignons qui estoient malades.

Lors ledict Dom Agaya envoya deux femmes pour en querir: lesquelles en apporterent neuf ou dix rameaulx, &nous monstrerent comme il failloit peller l'escorce &les fueilles dudict boys, &mettre tout boullir en eau, puis en boire de deux jours l'un, &mettre le marcq sur les jambes enflees &malades, &que de toute maladie ledict arbre guerissoit, ilz appellent ledict arbre en leur langaige Ameda. Tost apres le cappitaine feist faire du breuvage pour faire boire es malades, desquelz n'y avoit nul d'eulx qui voulsist essayer ledict bruvage, synon ung ou deux qui se misrent en adventure d'icelluy assayer.

Tout incontinent qu'ilz en eurent beu, ilz eurent l'advantage qui se trouva estre ung vray &evident myracle.

Car de toutes maladies dequoy ilz estoient entachez, apres en avoir beu deux ou trois foys, recouvrerent santé &guarison: Tellement que tel y avoit desdictz compaignons qui avoit la grosse verolle cinq ou six ans au parvant ladicte maladie: a esté par icelle medecine curé nectement.

Apres ce avoir veu &congneu, y a eu telle presse ladicte medecine, que on si vouloit tuer, à qui premier en auroit.

De sorte que ung arbre aussi gros &aussi grand que chesne qui soit en France, a esté employé en six jours: lequel a faict telle operation, que si tous les medecins de Louvain &de Montpellyer y eussent esté avec toutes les drogues de Alexandrie, ilz n'en eussent pas tant faict en ung an, que le dict arbre a faict en six jours: Car il nous a tellement proffite, que tous ceulx qui ont voullu user, on recouvert santé &guarison la grace à dieu. Comment le seigneur Donacona accompaigné de Taignoagny &plusieurs aultres faignans aller a la chasse aux Cerf &aux Dains, furent deux moys sans retourner.

Et à leur retour amenerent grand nombre de gens que n'avions accoustumé de veoir. Durant le temps que la maladie &mortalité regnoit en noz navires, se partirent Donnacona, Taignoagny, &plusieurs autres, faignans aller prendre des Cerfz &Dains: Lesquelz ilz nomment en leur langaige Aiounesta &Asquenoudo, parce que les neiges estoient &que les glaces estoient ja rompues dedans le cours du fleuve, tellement qu'ilz pouvoient naviguer par icelluy.

Et nous fut par Dom Agaya [Page 39] &aultres dict, qu'ilz ne seroient que environ quinze jours, ce que croyons, mais furent deux moys sans retourner.

Au moyen dequoy eusmes suspicion qu'ilz ne feussent aller amasser grand nombre de gens pour nous faire desplaisir, parce qu'ilz nous veoient si affoibliz, nonobstant que avions mys si bon ordre à nostre faict, que si toute la puissance de leur terre y eust esté, ilz eussent sceu faire autre chose que nous regarder.

Et pendent le temps qu'ilz estoient dehors, venoient tous les jours force gens a noz navires, comme ilz avoyent de coustume, nous apportant de la chair fresche de Cerfz &Dains, poissons fraiz de toutes sortes: Lesquelz ilz nous vendoient fort cher, ou autrement myeulx aymoient l'emporter, parce qu'ilz avoyent necessité de vivres pour lors, a cause de l'yver qui avoit esté long. Comment Donnacona revint à Stadacone avec grand nombre de gens &feist ledict Donnacona du malade de peur de venir veoir le cappitaine, cuydant que ledict cappitaine allast vers luy. Le vingt &ungiesme jour dudict moys d'Avril, Dom Agaya vint à bort accompagné de plusieurs gens lesquelz estoient beaulx &puissans.

Et n'avions accoustumé de les veoir: lesquelz dient que le seigneur Donnacona feroit le lendemain venu: &qu'il apporteroit force cher de cerfz &autre venaison.

Et le lendemain vingt deuxiesme jour dudict moys, vint le dict Donnacona, lequel admena en sa compaignie grand nombre de gens audict Stadacone, ne scavions à quelle occasion, n'y pourquoy: mais on dict à ung proverbe, qui de tout se garde de aucuns eschappe.

Ce que nous estoit de necessité; Car nous estions si affoibliz tant de maladie que de gens mors, qu'il nous a fallu laisser ung de noz navires audict lieu de saincte Croix.

Le cappitaine estant Voyage de J.

Cartier au Canada AU ROY Treschretien.

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