Voyage de J.
Publié le 12/04/2014
Extrait du document
«
Tel est précisément le cas pour le célèbre navigateur breton qui le premier alla planter le drapeau de la France
aux lieux où s'élèvent maintenant Québec &Montréal: sur ses trois voyages au Canada, nous sommes
redevables à un collecteur italien (Ramusio) de nous avoir transmis le récit du premier dans une version que
nous tenons volontiers pour fidèle, comme nous devons à un collecteur anglais (Hakluyt) d'avoir sauvé les
fragments mutilés du troisième dans une traduction que nous voulons bien supposer exacte; c'est uniquement
pour le second voyage qu'il est parvenu jusqu'à nous une relation originale française, émanée de l'un des
compagnons de Jacques Cartier, sinon de lui-même: &de l'édition qui en fut faite à Paris en 1545, les
bibliographes ne connaissent plus en Europe qu'un seul exemplaire, conservé au musée Britannique; c'est là
qu'il a fallu en aller prendre une exacte copie à l'intention des amateurs qui attachent du prix à ces vieilles
reliques, pour la reproduire scrupuleusement dans le mince volume en tête duquel nous écrivons ces lignes.
II
Les côtes derrière lesquelles s'étendent les parages explorés, pour la première fois suivant toute apparence, par
le célèbre malouin, avaient dès long-temps été reconnues, &la tradition a conservé la mémoire
d'établissements fort anciens en quelques parties de ce vaste littoral qui s'étend, vis-à-vis de l'Europe
occidentale, depuis les abords de la zone torride jusqu'aux froides régions arctiques.
Les enfants de la verte Erin, qui de nos jours émigrent en si grand nombre vers les Etats de l'Union
américaine, avaient, comme aux Faer-oer &comme en Irlande, devancé pareillement sur cette marge extrême
de l'Océan occidental, les aventuriers scandinaves, qui partout les rencontrèrent déjà établis; quand le chef
islandais Are Marson, le trisaïeul du savant Are Froda, fut jeté par la tempête en 983 sur ces lointains rivages,
que les sagas du Nord ont appelés Irland it Mikla, ou la Grande-Irlande, il y fut recueilli par une population
chrétienne, qui le baptisa &le retint au milieu d'elle; c'est là que seize ans après vint se réfugier Bioern
Asbrandson, s'arrachant à l'amour de la belle Thurida pour fuir la colère d'un frère offensé; &il avait passé
vingt-huit années sur cette terre étrangère quand y aborda son compatriote Gudleif Gudlangson, parti de
Dublin pour retourner en Islande, poussé par les vents du nord-ouest jusque par delà l'Océan, surpris d'y
entendre encore les sons de la langue d'Erin, mais reprenant aussitôt la mer, grâce à l'entremise de Bioern,
&emportant de la part du vieil exilé un anneau d'or pour sa bien-aimée Thurida, &une épée pour Kiartan, le
fils qu'il avait eu d'elle.
A côté de ces vestiges des anciennes émigrations transatlantiques des Irlandais, leurs voisins les Gallois ont
peut-être aussi une place à revendiquer pour eux-mêmes: du moins se conserve-t-il chez eux une certaine
tradition des navigations occidentales de Madoc, le second des fils d'Owen Guynedd, un de leurs princes;
fuyant les discordes intestines de sa propre famille, il partit en 1170 pour aller à la découverte vers ces
lointains parages, y choisit un lieu à sa convenance où il débarqua cent vingt hommes, &revint équiper en
Europe une flottille de dix navires pour transporter dans ce nouvel établissement tous les éléments d'une
colonie permanente; mais là s'arrête la vieille légende, &quelques vers gallois du quinzième siècle ont seuls
tardivement consacré le souvenir de l'entreprise de Madoc ap Owen.
III
Les établissements scandinaves offrent à notre investigation plus de certitude, de suite &de durée.
L'islandais
Biarne Hériulfson, écarté pendant une brume intense de sa route vers le Groenland où il allait retrouver son
père, avait aperçu &côtoyé en 896 des terres inconnues vers l'occident, d'où il avait regagné en cinq journées
de mer la demeure paternelle; le récit qu'il en faisait un jour, après plusieurs années, à la cour de Norvège, fit
naître le regret qu'il n'eût pas effectué une reconnaissance plus exacte de ces contrées nouvelles; si bien qu'un
de ses compagnons, Leif Erikson ayant résolu d'aller compléter sa découverte, lui acheta son navire, y
embarqua trente-cinq hommes au printemps de l'an 1000, &vint atterrir à la côte signalée par Biarne, au point
où celui-ci l'avait perdue de vue: ce n'était qu'un plateau rocheux &aride, Helluland, où l'érudition moderne a
cru reconnaître Terre-Neuve; on reprit la mer, &l'on vint descendre, au bout de trois journées au sud-ouest, Voyage de J.
Cartier au Canada
Voyage de J.
Cartier au Canada 2.
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